Est-ce la prochaine polémique entre les généralistes, les spécialistes et le ministre Vandenbroucke ? La décision de subordonner le remboursement des laits hydrolysés pour bébés allergiques au lait de vache à un diagnostic et un suivi par un pédiatre ou un gastro-entérologue a suscité la surprise des médecins généralistes. « Il est temps que le ministre Vandenbroucke ait confiance en la médecine générale », réagit le Dr Audrey Bonnelance, médecin généraliste et médecin ONE.
L’ensemble des produits destinés à l’alimentation adaptée des bébés allergiques aux protéines de lait de vache sera partiellement remboursé à partir du 1er juin, indique mardi le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke. Mais pour bénéficier de ce remboursement, un médecin spécialisé – soit un pédiatre, soit un gastro-entérologue – devra attester du diagnostic. Ce spécialiste devra également assurer un suivi régulier du nourrisson pour vérifier si une telle alimentation reste nécessaire. De quoi choquer les médecins généralistes, en première ligne auprès des familles.
Une décision inapplicable et incompréhensible
Le Dr Audrey Bonnelance, médecin généraliste, médecin à l’ONE et cofondatrice de RESUMES, réseau multidisciplinaire d’échanges scientifiques, « tombe de sa chaise » : « Je suis à l’ONE une fois par semaine. Cette nouvelle mesure n’est pas réalisable en pratique sur le terrain. Mon infirmière ONE, avec qui je travaille depuis 15 ans, partage mon avis. »
L’idée du remboursement est intéressante :« Elle est bonne parce qu’avant, il n’y avait pas de remboursement. C’est une bonne nouvelle… mais il n’y a pas eu de concertation avec le terrain. Cette mesure n’est pas opérationnelle. En pratique, les parents vont davantage se tourner vers des laits alternatifs comme le lait de riz, le lait de chèvre… qui ne nécessitent pas de prescription médicale d’un spécialiste. De plus, les consultations des pédiatres seront inutilement chargées par un motif qui ne relève pas de la médecine spécialisée. »
La mesure va coûter cher
Son message est clair : « Il est temps que le ministre Vandenbroucke ait confiance en la médecine générale et en notre compétence médicale. Quand nous avons un doute, nous n’hésitons jamais à poser une question à notre pédiatre de référence. Il n’y a aucune raison que l’on conseille un lait hydrolysé à un enfant qui n’en a pas besoin. Il n’a pas bon goût, il est cher… Les premiers punis seront les enfants, mais aussi les pédiatres, avec ces consultations inutiles. »
L’aspect économique de cette mesure n’est pas à négliger alors que le gouvernement cherche de l’argent partout : « Le ministre Vandenbroucke doit se rendre compte que cette mesure va coûter plus cher au système de santé, avec les consultations chez les médecins spécialisés. »
Chaque année, environ 4 800 nourrissons naissent avec une allergie aux protéines de lait de vache, l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes chez les moins de 3 ans. Pour la majorité d’entre eux, un traitement par hydrolysat poussé de protéines suffit, mais jusqu’ici, seuls les laits à base d’acides aminés – réservés aux cas plus complexes – étaient partiellement remboursés. À partir du 1er juin, les hydrolysats seront donc également pris en charge à hauteur de 50 %, avec un prix plafonné à 12 euros par boîte, un montant aligné sur les laits infantiles classiques. Pour le ministre Vandenbroucke « Chaque bébé doit pouvoir manger sans gêne ni douleur. Voilà pourquoi nous rembourserons désormais toute alimentation adaptée*, et plus uniquement les préparations à base d’acides aminés.» Une intention louable du ministre mais une mesure dont la mise en œuvre, décidée sans concertation avec les médecins de famille, risque de poser plus de problèmes qu’elle n’en résout.