Une nouvelle clinique psychiatrique à Wavre veut rompre avec l’industrialisation des soins

À Wavre, la Clinique de la Forêt de Soignes, nouvel établissement psychiatrique du groupe SILVA medical, a été inaugurée fin avril. Conçue pour humaniser les soins et favoriser le rétablissement des patients dans un cadre ouvert, elle marque un tournant pour la psychiatrie dans le Brabant wallon.

Le psychiatre et directeur général médical du groupe, le Dr Pierre Schepens, y défend les principes exposés dans son dernier livre Imprécis de psychiatrie ou la clinique de la dignité. Il y affirme une conviction forte : « On ne soigne pas des diagnostics, mais des personnes. »
À ses yeux, la première mission du soignant est de « réintroduire le dialogue thérapeutique, le sujet perdu de la médecine, la personne du malade. »

Une architecture pensée pour le rétablissement

La nouvelle clinique s’inscrit dans un environnement ouvert, à proximité de la ville.
« Il est essentiel d’accueillir les patients dans un endroit de qualité et que les patients ne soient pas assimilés à un espace ou à un diagnostic dans une structure ouverte. Cela leur permet de se développer et de mener un travail de rétablissement en étant proches de la ville », explique le Dr Schepens.

Le site offrira aussi de meilleures conditions de travail aux médecins. Il permettra d’éviter les déplacements entre sites et de renforcer les collaborations sur les aspects somatiques.

Des soins spécialisés et un projet ancré dans le réseau local

L’établissement dispose de 79 lits répartis sur trois unités (psychiatrie générale, médicolégale et addictologie), sur une surface de 9 500 m² dont 2 200 m² de sous-sols (parkings et locaux techniques). L’investissement de 25 millions d’euros a été soutenu par l’AVIQ. SILVA medical prévoit également l’ouverture d’un nouveau Service de Santé Mentale (SSM) à Rixensart d’ici fin juillet 2025.

Sur place, plusieurs dispositifs innovants sont lancés, dont une polyclinique spécialisée dans les traumatismes et une consultation interdisciplinaire pour le traitement du stress post-traumatique.
« L’ouverture de cette consultation est importante, car nous avions un manque de disponibilité. Évidemment, à présent, nous allons devoir recruter du personnel et ce sera un autre défi », note le Dr Schepens.

Ce développement s’inscrit dans une transformation plus large du projet médical, amorcée dès 2007.
« Pendant quinze ans, de 2009 à 2024, la clinique du docteur Derscheid, devenue Clinique de la Forêt de Soignes, est restée seule à La Hulpe. Elle avait déjà repris vigueur en septembre 2007 à l’arrivée du docteur Pierre Schepens. Le projet médical a radicalement changé », rappelle Laurence Fetu, directrice générale .

Depuis février 2025, la clinique propose aussi un traitement par eskétamine (Spravato), administré sous forme de spray nasal, destiné aux patients souffrant de dépression résistante, n’ayant pas répondu à au moins deux antidépresseurs classiques.

Soutenu par la Ville de Wavre et ses acteurs locaux, le projet s’inscrit dans une dynamique de réseau.
« Le soutien de la Ville, mais aussi les interactions tant avec la police et les pompiers qu’avec les généralistes avec qui nous allons poursuivre les échanges, [sont] tous éléments très importants pour nous », insiste le Dr Schepens.

Une critique du modèle biomédical dominant

Dans son ouvrage, le psychiatre critique fermement l’évolution du système de soins : « Le modèle psychiatrique, biomédical, universitaire, pharmacologique et scientifique porté depuis 1980 par les versions successives du DSM participe à l’industrialisation et la standardisation des soins. Toute évaluation est quantitative (taux d’occupation, durée moyenne de séjour, file active, nombres d’actes médicaux posés...), très rarement qualitative, bien qu’orientée résultat. »

Il dénonce une logique où « les soignants sont réduits à des équivalents temps plein interchangeables, les personnes en souffrance à des usagers anonymes porteurs de symptômes. »

Une approche intégrative et éthique

Face à ce constat, il défend une approche plus globale et humaniste : « Notre approche est résolument biopsychosociale, intégrative et interdisciplinaire. Au-delà des compétences professionnelles régulièrement mises à jour par nos équipes, il faut garder en tête que les questions éthiques sont en permanence au cœur de nos préoccupations et de nos prises de décisions. »

Il conclut en rappelant l’esprit du projet :« Dans notre dispositif de soins, il n’est question que de convaincre, et pas de contraindre.
Notre mission est de relancer le projet de vie du patient, et non de l’empêcher sous la surveillance stérile de la visiosurveillance et des portes fermées. »

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