e-Prescription : le Dr Marchal raille et fustige le communiqué de Recip-e

En février 2017, Thierry Marchal, MG à Baudour, prévenait Medi-Sphère. Dans sa zone de garde, l’e-prescription obligatoire risquait de pousser vers la sortie, début 2018, pas moins de 8 MG sur 21 ! Un an et un report plus tard, où en est-on ? Le Dr Marchal fait le compte des arrêts et poursuites d’activité. Et il raille le récent communiqué de l’équipe Recip-e.

Pour mémoire, le conseil d’administration de l’asbl Recip-e a dernièrement envoyé une synthèse de l’avancement de l’e-prescription. Le texte chiffre les usagers (soit, fin 2017, « 9.700 MG, 780 MS, 3.000 dentistes, 22 hôpitaux et quelques sages-femmes »). Il annonce l’arrivée de PARIS, ce Recip-e light pour prescripteurs sans DMI, toute proche dans une version réclamant un certificat eHealth et d’ici le 1er juin dans une version se contentant de l’eID. Il évoque des développements ultérieurs comme le Personal Health Viewer grâce auquel les patients visualiseront leurs e-prescriptions, ou la dématérialisation qui sonnera le glas de la preuve papier.

Nous reproduisons ci-dessous ce qu’inspire au Dr Marchal, 60 ans, actif à Baudour (Hainaut) ce communiqué qu’il qualifie d’ «autosatisfait».

Un culot monstre pour faire de la politique

«Donc, si je lis cette prose d'autant plus étonnante qu'elle émane d'un médecin syndicaliste [c’est le Dr Moens, par ailleurs président de l’ABSyM, qui s’exprimait au nom du CA de Recip-e dans le communiqué, ndlr], plein de milliers et de millions d'usagers ont utilisé au moins UNE fois ce système (même moi d'ailleurs) et, automatiquement, cela en fait des utilisateurs convaincus.

Donc ce système numérique tellement bien conçu oblige à imprimer un code-barre pour obtenir satisfaction auprès du pharmacien, hahaha.

Donc le système PARIS effectif - je vous le promets - au 1er décembre 2017, reporté au 1er janvier, buggant et rebuggant, est reporté à présent au 1er juin 2018, hahaha.

Enfin, et je cite, ‘À partir de juin 2018, prescrire électroniquement via Recip-e deviendra obligatoire, sauf dans certains cas exceptionnels’. Vive l'exception qui fait la règle ! 

En effet, en Wallonie (mais est-ce que nous, Wallons, comptons vraiment dans ce "pays" ?), 30% des médecins généralistes actifs seront âgés de plus de 62 ans au 1er juin ; estimons que 50% des actes pratiqués par les 70% de généralistes de moins de 62 ans le soient en visite groupée dans les homes ou à domicile, un rapide calcul (30% + 70 ÷ 2 % = 65%) situe les exceptions à 65% (!!!) de l'ensemble des généralistes prescripteurs, hahaha. (1)

Il faut vraiment un culot monstre pour faire de la politique.

On exige de nous, praticiens de terrain, des sacrifices de plus en plus lourds, que nous acceptons sans rechigner ou presque ; on pourrait au moins attendre de l’Etat une certaine cohérence et au moins des outils performants. C’est loin d’être le cas.

Et tristement, pendant ce temps, les généralistes plus âgés, découragés par la perspective de l'obligation du tout numérique, ont déserté en 2017 et continuent à déserter aujourd'hui la profession, laissant leurs 40 ans de carrière et leur précieuse expérience à tout jamais inutilisées, y compris pour la double cohorte.

Allez, dormez bien bonnes gens.» 

Cinq arrêts sur huit projets

Au fait, qu’en est-il des effets centrifuges du «tout numérique» - pour reprendre les termes de son courrier - dans sa zone ? Il y a un an d’ici, à l’AG annuelle du secteur Baudour-Hautrage-Neufmaison-Tertre-Sirault-Villerot, 8 MG sur 21 montraient des velléités à raccrocher.

«Malheureusement, l’idée a fait son chemin», répond Thierry Marchal. «Malgré le report de l’obligation d’e-prescription, les cinq médecins plus âgés ont arrêté définitivement leur pratique au 31/12. Vu que les mesures prises par l’Etat sont devenues des demi- - voire des quarts - de mesures, les trois autres continuent, dont moi-même

Note d’espoir, toutefois, dans le récit du médecin baudourois : «heureusement, entretemps, trois, peut-être quatre, jeunes, sont en train de s’installer dans notre groupe». Et de se demander si son intervention de 2017 et le relais médiatique dont elle a bénéficié ont pu jouer, «car c’est loin d’être le cas dans les autres régions».

> Lire aussi :

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Moins 1/3 d’effectifs en 2018: les ravages de l’e-prescription sur un cercle hennuyer

 

  • (1) le Dr Marchal admet évaluer ces ratios grossièrement. En fait, on cite pour la Wallonie, en 2016, 38,8% de 56-65 ans parmi les MG wallons, et même 42% en Hainaut. Près de 700 MG ont entre 60 et 64 ans. Les visites sont depuis quelques années en recul par rapport aux consultations ; on parle souvent d’un rapport 1/3 - 2/3.

     

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