Le magazine #Investigation de la RTBF diffuse ce mercredi soir un reportage intitulé « Médecine psychédélique : trip sur ordonnance », consacré au potentiel thérapeutique des substances hallucinogènes interdites, telles que la psilocybine, le LSD ou encore la MDMA. Plusieurs médecins belges y témoignent de leur intérêt croissant pour ces substances, qu’ils estiment prometteuses dans le traitement des troubles psychiatriques résistants.
Parmi eux, la Dr Caroline Depuydt, directrice médicale générale du groupe psychiatrique Epsylon, milite depuis des années pour une ouverture encadrée de l’usage médical des psychédéliques. « Si on le fait de façon encadrée, dans des indications médicales sérieuses, avec une équipe formée, cela pourrait être un outil supplémentaire pour aider les patients », explique-t-elle dans le reportage. Selon elle, 17 % des Belges souffrent de troubles dépressifs, et 30 à 40 % d’entre eux résistent aux antidépresseurs traditionnels. « On sent qu’on ne peut pas aider tous nos patients à la hauteur de leurs besoins. Nous avons besoin de nouveaux outils. »
La psychiatre souligne que, contrairement à certaines idées reçues, les psychédéliques provoquent peu de dépendance. « Ce sont des substances anciennes, connues depuis la préhistoire, qui provoquent des états modifiés de conscience. Il n’y a pas de boost immédiat comme avec l’héroïne, et une tolérance se développe rapidement, ce qui rend l’addiction improbable. »
L’eskétamine, un traitement déjà autorisé en Belgique
Le reportage revient également sur l’eskétamine, une molécule dérivée de la kétamine, utilisée depuis 2021 en Belgique dans le traitement des dépressions résistantes sous le nom de Spravato. Le Dr Daniel Souery, psychiatre au centre PsyPluriel à Uccle, encadre ces traitements : « Cette molécule agit sur un élément essentiel de la dépression, les pensées négatives de soi, la culpabilité. On amène une flexibilité psychologique que les antidépresseurs classiques n’offrent pas. »
L’un de ses patients, Martin Spanoghe, enseignant et chercheur en biologie souffre depuis 3 ans d’un Covid long, dont l’un des symptômes est une dépression sévère. Il témoigne : « J’ai essayé huit antidépresseurs, sans succès. Depuis que je suis sous traitement à l’eskétamine, je me sens mieux. »
Pour le Dr Souery, la psilocybine ou le LSD pourraient aller encore plus loin : « Les vrais psychédéliques agissent de manière plus puissante, avec un effet plus durable. Ils sont potentiellement révolutionnaires dans le traitement des troubles psychiatriques. »
Une étude clinique en cours à Bruxelles
Le reportage s’intéresse aussi à l’étude menée actuellement au CHU Brugmann sur les effets de la psilocybine dans le traitement de l’alcoolisme. Le service de psychiatrie bénéficie d’une autorisation exceptionnelle de l’AFMPS pour mener cette recherche, la deuxième du genre dans le monde après une étude américaine. Les premiers résultats sont attendus en 2026.
Le Dr Thomas Orban, médecin généraliste et addictologue à Bruxelles, espère que ces travaux ouvriront la voie à une nouvelle approche thérapeutique : « L’alcool tue environ six personnes par minute dans le monde. C’est une drogue dure. Les psychédéliques pourraient offrir une alternative efficace. Mais leur usage doit se faire dans un cadre médical sécurisé. »
Une initiative citoyenne à l’échelle européenne
En janvier dernier, 32 organisations de soignants et de patients ont lancé une initiative citoyenne européenne pour promouvoir l’intégration des thérapies assistées par psychédéliques dans les systèmes de santé. Leur objectif est de rassembler un million de signatures afin que la Commission européenne examine officiellement cette possibilité.
Le reportage « Médecine psychédélique : trip sur ordonnance » est diffusé ce mercredi soir sur la Une et disponible ensuite sur Auvio.