Antibiotiques : les 6 actions qui devraient modifier le comportement prescripteur des médecins

Le SPF Santé publique et l’INAMI passent résolument à la vitesse supérieure dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens (ou « RAM ») à la demande du ministre de la Santé publique Frank Vandenbroucke. Six actions sont mises en places  afin de faire évoluer rapidement les comportements. Les mesures les plus notables concernent le comportement prescripteur des médecins (ou dentistes) en matière d’antibiotiques.

Un indicateur pour surveiller le comportement prescripteur des médecins

Après une période de sensibilisation et de feed-back destinés aux médecins généralistes sur la consommation excessive d’antibiotiques, la conformité aux indicateurs du CNPQ (Conseil National de Promotion de la Qualité) sera évaluée. Ces indicateurs, qui mesurent les écarts flagrants par rapport aux bonnes pratiques médicales, ont été approuvés par le CNPQ au début de l’année et vont maintenant être publiés au Moniteur belge et sur le site web de l’INAMI.

Le nouvel indicateur quantitatif vise une diminution substantielle de 40 % du nombre de prescriptions d'antibiotiques par les médecins généralistes et est établi séparément pour les enfants (≤ 14 ans) et les jeunes et adultes (≥ 15 ans).

14 pour cent des patients qui se présentent avec un simple rhume et 19 pour cent des patients qui se présentent avec une grippe se voient prescrire des antibiotiques, alors que ces maladies sont causées par un virus et que selon la Santé publique, les antibiotiques n’ont donc aucune utilité. 

Deux indicateurs qualitatifs portent spécifiquement sur le type d’antibiotiques prescrits. Pour la Santé publique on passe trop rapidement aux antibiotiques de deuxième ligne alors qu’un antibiotique de première ligne ou des antibiotiques plus doux seraient plus appropriés. Ils ont, certes, un effet plus rapide, mais ces antibiotiques sont importants et souvent essentiels pour traiter les infections. Si la résistance augmente aussi contre ces antibiotiques, il sera de plus en plus difficile de traiter des infections plus graves.

  • Parmi toutes les prescriptions d’amoxicilline (associée ou non à de l’acide clavulanique), l’indicateur montre le pourcentage minimum du volume (en doses définies journalières ou DDJ) d’amoxicilline « pure » (non associée à de l’acide clavulanique).
  • Parmi l’ensemble des prescriptions d'antibiotiques remboursés, l’indicateur montre le pourcentage maximal du volume (en doses définies journalières ou DDJ) d’amoxicilline associée à de l’acide clavulanique, des céphalosporines, des quinolones et des macrolides.

Les médecins qui prescrivent trop selon les indicateurs seront responsabilisés. À un stade ultérieur, des sanctions seront possibles dans des cas exceptionnels.

Un baromètre des antibiotiques pour les médecins généralistes

Mesurer, c’est savoir. Les médecins généralistes peuvent encore s’inscrire au baromètre des antibiotiques cette année. Ce module d’audit et de feed-back mesure leur comportement prescripteur. Chaque trimestre, ils reçoivent un feed-back. De cette manière, les généralistes eux-mêmes constatent rapidement les irrégularités et peuvent ajuster leur comportement. L’objectif est de réduire les prescriptions inutiles d’antibiotiques. La participation au baromètre des antibiotiques est également reprise dans la liste de critères pour pouvoir bénéficier de la prime de pratique pour les médecins généralistes. Les médecins qui ne satisfont pas perdent une partie de la prime.

Des prescriptions à l’unité et non plus par emballage

D’ici fin 2024, les antibiotiques seront prescrits, délivrés et tarifés à l’unité. Le nombre de comprimés que le patient reçoit chez le pharmacien devra correspondre exactement au traitement prescrit. Le médecin prescrira donc « à l’unité » et non plus par « emballage », avec une ordonnance qui devra contenir le nom de la ou des substances actives, la posologie et la durée du traitement. Le pharmacien devra délivrer la quantité exacte d’unités prescrites et facturer au patient le prix unitaire pour cette quantité. Un emballage peut néanmoins correspondre à la prescription et être délivré comme tel. De ce fait, il y aura moins de surplus dans les armoires que les patients pourront aller rechercher plus tard, après la maladie. Ou, dans certains cas, moins d’antibiotiques qui finissent dans l’environnement.

Un système électronique avec des règles de décision pour les médecins est également en cours de développement : PSS, la plateforme pour aider les prescripteurs dans leur prise de décision. Ce système devrait les aider à prescrire correctement lors d’une consultation. Ils peuvent saisir des caractéristiques telles que l’âge ou la comorbidité d’un patient, ainsi que les symptômes pour pouvoir prescrire la médication adéquate sur la base de ces données.

La coopération est renforcée entre hôpitaux, mais aussi entre les hôpitaux et la première ligne

Généralement, les patients admis à l’hôpital ont déjà une résistance réduite. Pour eux, la résistance aux antibiotiques représente un risque plus important lorsqu'ils sont victimes d'une infection qui circule dans l'hôpital. Les différents réseaux hospitaliers sont déjà soutenus par les « Hospital Outbreak Support Teams » (HOST). Ce sont des équipes qui veillent à ce qu’il y ait une coopération en matière de prévention des infections pour pouvoir passer à la vitesse supérieure lorsque c’est nécessaire. Sur la base de différents critères, les hôpitaux mènent une politique antibiotique responsable. En d’autres termes, ils améliorent les différents processus courants dans un hôpital de manière à réduire considérablement le risque d’infection.

Des indicateurs de qualité sont également en cours d’élaboration afin de permettre la surveillance de la politique en matière d’antibiotiques. Sur la base de cette surveillance, les hôpitaux pourraient être encouragés financièrement à améliorer la qualité des soins dans leur établissement dans ce domaine également, par le biais d’une intégration dans le système Pay for Performance.

Mesure et surveillance des infections liées aux soins et de la consommation et de la résistance aux antibiotiques

Mesurer, c’est savoir. La Santé publique optimise la surveillance de l’utilisation des antibiotiques dans le pays sur plusieurs fronts. L’INAMI dispose de nombreuses informations sur ce qui est acheté dans les pharmacies. Depuis peu, l’INAMI a également accès à des données sur les antibiotiques délivrés sans remboursement. Le flux de données hospitalières vers Sciensano est également accéléré. De cette manière, on peut compter sur un feed-back plus rapide et des adaptations plus rapides sont possibles. Les analyses dans les maisons de repos permettront d’identifier le nombre de résidents atteints d’infections liées aux soins et/ou porteurs d’une bactérie résistante. Les eaux usées seront également examinées.

Renforcement de la coopération au niveau européen

Le programme d’action RAM belge sera intégré au niveau européen par la participation au vaste projet européen « Joint Action on Antimicrobial Resistance and Healthcare-Associated Infections ».

Les recommandations européennes demandent une réduction de 18 % de l’utilisation des antibiotiques en Belgique d’ici 2030. Au niveau européen, la Belgique assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne en 2024 et le SPF Santé publique et Sciensano organiseront la conférence européenne RAM qui inscrira la lutte contre la résistance aux antibiotiques en bonne place à l’agenda européen.

Lire aussi: "Parlons antibiotiques", nouvelle campagne pour sensibiliser à la résistance microbienne

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Derniers commentaires

  • Régine Gattegno

    20 novembre 2023

    Franchement il y a 35 ans que certains pays comme ex l Allemagne ont dejà mis un tel système de médication en place pour de nombreux traitements...Big pharma remercie les ministres de la santé