Medista - Vandenbroucke commande un audit sur le rôle potentiel d'une officine d'enquête israélienne

Le ministre de la Santé publique Frank Vandenbroucke a décidé de commander un audit concernant le litige avec le distributeur de produits médicaux Medista à propos du stockage et de la livraison des vaccins contre le Covid-19 et la gestion du stock stratégique.

Selon Movianto, l'entreprise qui a finalement obtenu le contrat, une officine d'enquête israélienne controversée, Black Cube, aurait été embauchée pour tromper le SPF Santé publique.

À partir d'avril 2020, la PME belge Medista a été chargée de la distribution et du stockage de la réserve stratégique de médicaments, des tests et des vaccins contre le Covid-19. En 2022, le SPF Santé publique a décidé de confier cette mission à la multinationale Movianto. L'entreprise belge a alors introduit un recours au Conseil d'État, sans succès.

Mais l'affaire n'en est pas restée là. Medista a fait part de l'existence de factures impayées pour un montant total de quelque 5,3 millions d'euros. Selon le SPF Santé publique, les montants facturés étaient exorbitants et l'entreprise ne pouvaient pas les justifier.

Plus tôt dans la semaine, Medista a écrit au Premier ministre Alexander De Croo, à la présidente de la Chambre Eliane Tillieux et au ministre de la Santé publique Frank Vandenbroucke. L'entreprise y fait part de sa volonté de conclure un accord à l'amiable.

Le quotidien néerlandophone Het laatste Nieuws a eu vent de ce courrier, tout comme la députée d'opposition Kathleen Depoorter (N-VA), qui a interrogé Frank vandenbroucke à ce sujet jeudi à la Chambre. Quelques heures plus tard, une vidéo incriminante était publiée sur le site internet du journal. On pouvait y voir une fonctionnaire du SPF expliquer comment elle avait aidé Movianto à remporter le marché.

Frank Vandenbroucke et le président du SPF santé publique Dirk Ramaeckers ont tenu un point presse à ce sujet vendredi. Le ministre a indiqué que l'autorisation accordée à Movianto l'a été de manière correcte. Il s'est retranché derrière l'arrêt du Conseil d'État qui rejetait les arguments de Medista sur toute la ligne.

Cependant, le ministre de la Santé publique entend obtenir un audit approfondi pour comprendre ce qu'il s'est passé par la suite. Le cabinet dit disposer d'indications selon lesquelles la fonctionnaire du SPF, mais aussi un collaborateur de Movianto et deux autres personnes ont été victimes d'une opération menée par Black Cube, une officine d'enquête privée composée principalement d'anciens agents des services secrets israéliens du Mossad. L'ancien producteur hollywoodien Harvey Weinstein aurait dans le passé fait appel à leurs services. Ces allégations sont basées sur les conclusions de Movianto, qui aurait été approchée par des membres de Black Cube.

Concrètement, la fonctionnaire du SPF aurait été approchée par un collaborateur de Movianto. Celui-ci a dit avoir reçu une offre de la firme 'Edgewise Capital' pour trouver une personne disposant d'une expérience dans les marchés publics dans le secteur pharmaceutique en Europe. Tant le collaborateur de Movianto que la fonctionnaire auraient reçu une invitation d'un dénommé Scott Baker, un 'managing director' de la firme  Edgewise Capital'. La fonctionnaire aurait eu un entretien fin mai à Amsterdam, là où les images diffusées par Het Laatste Nieuws ont été prises. Il existe également des images de l'employé de Movianto, à Londres cette fois.

Dans le courrier, il est mentionné des "méthodes d'enquête très agressives avec utilisation de faux prétextes et de faux noms ainsi que des interrogatoires "colorés" durant lesquelles les vidéos auraient été prises "dans un contexte spécifique dans lequel Medista n'a jamais communiqué."

Il est ensuite apparu que la firme de consultance 'Edgewise Capital' était, selon le cabinet Vandenbroucke et le SPF, totalement fictive. Celle-ci est notamment introuvable sur internet.

En octobre, la fonctionnaire concernée a reçu à son domicile un courrier, transmis aux avocats de Medista, affirmant que "de graves erreurs et infractions pénales" avaient été commises et qu'elle devait "démissionner immédiatement". Le courrier évoquait également un "règlement à l'amiable".

Frank Vandenbroucke a assuré qu'aucune faute n'était commise lorsqu'un fonctionnaire avait un contact avec une entreprise intéressée dans le cadre d'une procédure d'offre et que celle-ci avait des questions sur la marche à suivre. "Il n'y a rien de mal à cela et nous l'encourageons. Plus il y a de bons candidats pour un contrat, mieux c'est, car cela permet de maintenir un prix bas." Lors de la procédure officielle par contre, tous les candidats doivent recevoir la même information, ce qui est strictement contrôlé par le SPF.

Le ministre a donc décidé de commander un audit. "J'ai toujours dit que s'il y avait de nouveaux éléments, nous ferions une enquête. Ici, nous avons une entreprise qui reçoit de l'argent et qui fait pression sur une fonctionnaire via Black Cube et des avocats. Je trouve cela totalement contraire à l'éthique." Ni le ministre ni le SPF n'ont visionné les vidéos dans leur intégralité.

La fonctionnaire impliquée est, selon M. Ramaeckers, "quelqu'un avec un bon état de service". Elle étudie une éventuelle action en justice avec un avocat. Movianto s'est, selon le cabinet Vandenbroucke, déjà adressé à la police.

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