Agressions contre les médecins : les derniers chiffres de l'Ordre

À la demande de Medi-Sphère et du Spécialiste, l'Ordre des médecins et son point de contact central pour les agressions "Médecins en difficulté"a dressé un état des lieux actualisé des agressions à l’encontre du corps médical. Depuis que la possibilité de signaler des agressions a été introduite il y a quatre ans, l’organisation a reçu 258 plaintes au total, soit une tous les cinq jours… et ce n’est évidemment que la partie émergée de l’iceberg.

Il est frappant de constater que l’immense majorité des plaintes (193) émanent de médecins néerlandophones. On sait les francophones moins enclins à signaler les incidents, certes… mais il semblerait aussi que le sujet soit un peu plus tabou au sud de la frontière linguistique. La majorité des notifications (53 %) concernent des agressions verbales, suivies par les agressions psychologiques (27 %) et physiques (17 %). Les cas d’agression sexuelle sont beaucoup plus rares, puisque ce phénomène n’est présent que dans 2 % des cas. Précisons au passage que ces catégories se recoupent en partie.

Par ailleurs, le tableau est très clairement dominé par les plaintes émanant des généralistes (84 % du total), qui sont manifestement en première ligne aussi pour encaisser les conflits. Les spécialistes suivent loin derrière (13 %). Une catégorie distincte a été prévue pour les médecins en formation, qui sont proportionnellement assez nombreux à se plaindre (11 cas) – tout comme les médecins-contrôles (6 cas), dont la fonction est évidemment propice aux discussions qui tournent à l’aigre.

Quant à savoir dans quel cadre s’inscrivent les problèmes rapportés à "Médecins en Difficulté", il est assez frappant de constater que le fossé entre cabinets de groupe (45 %) et solo (34 %) est finalement assez limité, tandis que les hôpitaux et maisons médicales semblent moins concernés (16 %).

La majorité des incidents se produisent au cabinet (54 %), plus rarement au domicile du patient (16 %). On relève aussi un certain nombre d’agressions verbales au téléphone (16 %).

On savait déjà que les auteurs de ces agressions sont souvent des patients connus, et les données de l'Ordre le confirment (52 %). Les patients encore « inconnus » (28 %) et les non-patients (18 %) complètent le trio de tête. Les personnes qui présentent des antécédents psychiatriques semblent légèrement plus sujettes aux dérapages (18 %).

Causes et conséquences

L’éternelle question reste évidemment de savoir ce qui motive ces agressions. Il semble que la principale pomme de discorde soit la demande d’attestations ou de prescriptions non conformes (29 %). Refuser un tel document au patient n’est manifestement pas sans risques… et le fait que le monde politique se décharge volontiers de ses propres responsabilités en confiant au corps médical le soin de rédiger des attestations de toutes sortes n’arrange malheureusement pas les choses. Parmi les plus mémorables, on retiendra la décision récente de soumettre l’aptitude à l’utilisation d’un fusil de chasse à l’appréciation du médecin.

La seconde cause de conflits, assez vague, est « l’insatisfaction vis-à-vis de l’intervention du médecin » (22 %). Malheureusement, la violence gratuite aussi est relativement courante, comme en témoignent les 13 % de cas « sans réel motif ».

On relève également un petit nombre d’altercations avec des patients sous influence (5 %) et de discussions autour des honoraires (9 cas en tout).

Il n’est pas rare que le souvenir d’une agression continue à tarauder longtemps ceux qui en ont été victimes. La plupart ressentent ces incidents comme « une menace pour leur intégrité physique » (65 %), qui provoque souvent une réaction de stress et/ou d’anxiété (25 %) plus ou moins prolongée. Il arrive aussi que l’agression proprement dite s’accompagne de dommages matériels (10 %) ou de lésions corporelles (8 %).

On ne peut qu’espérer que ces nouvelles données inciteront les autorités à prendre le mal à la racine – histoire notamment d’éviter des burnouts supplémentaires, dans un contexte où un projet-pilote de lutte contre l’épuisement professionnel s’est vu octroyer une enveloppe de 205.000 euros pour 2021.

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