Luc Herry : « remédier au sous-financement chronique des médecins »

Mercredi soir, le conseil d'administration de l'ABSyM a élu Luc Herry au poste de président, pour succéder au Dr Philippe Devos. C’est le second généraliste, après le Dr Lemye, à assumer le pilotage du syndicat. Interview express.

Le Dr Herry, MG à Chaudfontaine, achèvera la dernière année du mandat de Philippe Devos, que le surrégime nécessaire à conjuguer vie professionnelle, syndicale et familiale, le tout sur fond de covid, a récemment conduit à jeter l’éponge. A chaud, Medi-Sphère  et Le Spécialiste ont posés quelques (premières) questions à Luc Herry, qui a 40 ans de syndicalisme actif au compteur et hérite, à peine intronisé, de défis tels que la concertation budgétaire, la refonte de la nomenclature, les négociations pour le prochain accord médico-mut… sans compter qu’il faudra mener campagne pour les élections médicales de 2022. 

En tant que  généraliste, que comptez-vous défendre en priorité pour la médecine générale durant votre mandat ? 

« On nous dit partout : ‘la médecine de première ligne, c’est super !’ Cependant, rien n’est fait pour pallier son sous-financement devenu chronique. Et c’est une catastrophe. Pour le temps que les généralistes consacrent à leur métier, ils ne sont pas correctement rétribués. Les autorités ont établi qu’un généraliste qui officiait dans un centre de vaccination ou de testing covid ‘méritait’ un tarif horaire de 80 €. Remarquez que ce montant jugé normal ne concerne que son travail, sa prestation. Un MG en cabinet, lui, doit supporter des frais de fonctionnement (locaux, équipement, personnel…). Les 80 euros deviennent insuffisants. Parlons plutôt de 100 euros/heure, pour prendre un chiffre rond. 

Ma volonté est donc de revendiquer une rétribution horaire décente pour les médecins - et ça concerne aussi d’ailleurs les spécialistes -, un revenu qui corresponde mieux aux responsabilités importantes inhérentes à notre profession. Un confrère employé par l’Inami dans un poste administratif touche 5.000 euros nets par mois, pour 38 heures ; pour égaler cette rémunération, combien d’heures devra prester un praticien ? J’attends beaucoup de la réforme de la nomenclature, pour corriger le fait que le MG mais aussi le spécialiste sont sous-payés, sauf rares exceptions. Ce sous-financement n’est pas sans répercussions sur le système de santé : des confrères s’expatrient, quittent le curatif… Le monde médical risque de s’appauvrir et la qualité de se diluer. »  

Avez-vous l’intention de changer quelque chose à la gouvernance et/ou au fonctionnement de l’ABSyM ?

« Il est temps d’aller vers une aide complémentaire, un renfort - appelons-le un directeur opérationnel - travaillant étroitement avec les présidents. La piste est à l’étude. Cette personne nous épaulerait et le cas échéant nous représenterait dans certaines des innombrables réunions chronophages - mais pas toujours productives - auxquelles on est priés d’assister, et nous fournirait du feedback. Toutes les chambres de l’ABSyM et leur personnel poursuivant le même objectif de défense professionnelle, cette personne pourrait également être un ‘chef d’orchestre’ pour les équipes, qui optimise l’efficacité globale, par exemple en traquant les doublons dans le travail effectué. La réflexion et la volonté d’identifier les façons d’être plus performants ne datent pas d’hier, vous savez. Un audit a été réalisé dans ce sens. Nous sortons d’ailleurs d’un exemple de réorganisation réussie : la récente fusion des chambres wallonnes - une réussite aussi au niveau des membres, puisqu’on enregistre une progression de leur nombre. » 

Que vous inspire ce qui est arrivé au Dr Devos ? Ayant été fortement impacté par les inondations, la présidence ne va-t-elle pas vous amener, en dépit de cet éventuel renfort, ‘la couche de travail en trop’ ? 

« Je compte prochainement alléger mon temps de travail, qui passera à deux semaines par mois, mais pas cesser totalement d’exercer. J’estime qu’il est précieux d’être soi-même actif pour avoir une connaissance concrète des préoccupations des médecins. Si vous êtes trop détaché de leurs réalités quotidiennes – par exemple, il faut être dans le bain pour suivre les incessantes évolutions informatiques – , comment relayer efficacement ce qui ne va pas ? »

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