Interdiction des suppléments aux BIM : une mesure doublement discriminante (Dr Luc Herry, ABSyM)

L’accord médico-mutualiste est finalement signé. Une des questions qui ont fait débat était celle de l’interdiction totale de demander des suppléments d’honoraires aux patients bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM). Le Docteur Luc Herry, vice-président de l’ABSyM et représentant des généralistes, a participé aux négociations. Il nous explique quelles auraient été les conséquences d’une interdiction totale telle que l’envisageait le ministre Vandebroucke.

La question des suppléments demandés aux patients BIM a fait l’objet de longs débats lors des récentes négociations sur l’accord médico-mutualiste pour 2024-2025. On se souvient de la volonté affichée du ministre Vandenbroucke d’interdire totalement ces suppléments. En réalité cette interdiction totale allait introduire une discrimination entre médecins.

Les médecins hospitaliers sont tenus de se conformer aux règles qui régissent la médecine hospitalière et aux règles internes à l’hôpital dans lequel ils exercent leur art. Demander des suppléments aux patients ou s’abstenir d’en demander ne dépend finalement pas vraiment d’eux, du moins s’ils ont un statut de salariés. Dans ces conditions, l’interdiction de demander des suppléments aux BIM n’a pas d’impact sur leur revenu. Par contre lorsqu’il s’agit d’une pratique à l’extérieur de l’hôpital, qu’il s’agisse de spécialiste ou de généraliste, il en va tout autrement. Les généralistes sont par des définition des médecins qui pratiquent en dehors du milieu hospitalier. Ils se seraient vus privés d’une partie importante de leurs revenus, alors que les confrères hospitaliers n’auraient pas subi cette diminution.

Une autre discrimination se serait introduite entre médecins, faisant cette fois une différence entre les généralistes selon le lieu de leur pratique. En banlieue défavorisée ou dans des quartiers cossus par exemple, la proportion de BIM dans leur patientèle peut être très différente. Si de tels patients sont nombreux, la disparition des suppléments engendrerait une importante perte de revenus, ce qui ne serait pas le cas pour les médecins des quartiers riches. Pareille discrimination n’était pas acceptable. L’alourdissement de la situation des médecins pratiquant en milieu difficile se serait d’autant plus fait sentir que les patients BIM sont souvent des personnes victimes de pathologies intriquées ou complexes, qui demandent du temps pour être correctement prises en charge. Ce sont aussi dans de nombreux cas des personnes dont la littératie en matière de santé est faible. Il faut consacrer plus de temps que pour les autres patients à s’efforcer de leur expliquer leur affection, de leur indiquer comment la gérer, voire de recueillir leur consentement. Ce n’est pas une vue de l’esprit : on sait bien, par exemple, que c’est en Région Bruxelloise que la proportion de patients BIM est la plus élevée du pays et qu’il y en a moins en Flandre qu’en Wallonie. 

Il était indispensable que dans les négociations sur la question, il soit tenu compte de cette réalité. Il a donc fallu s’efforcer de trouver une solution. Bien sûr, cette difficulté serait effacée si l’interdiction de de demander des suppléments aux patients BIM était annulée suite à la demande en annulation introduite par l’ABSyM auprès de la Cour Constitutionnelle. En attendant, comme l’a dit l’ABSyM dans un communiqué publié après la signature de l’accord médico-mutualiste pour 2024-2025, la discussion a été tranchée en dans le sens qu’elle défendait. L'interdiction est reportée à 2025 et ne s'appliquera qu'à un groupe prioritaire de patients aux revenus limités. Les patients concernés seront identifiés via une enquête sur les revenus menée par les mutualités. On estime que cela devrait diminuer de plus de la moitié le nombre des personnes pour lesquelles l’interdiction serait maintenue. Ce nombre passerait de 2,2 millions de bénéficiaires à quelque 977.000.

L’impact financier de cette nouvelle disposition sur les revenus des médecins sera évalué en 2025. Et en 2024, une étude sur des compensations pour ce secteur sera étudiée.

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