Dr Gilbert Bejjani : " En Belgique, le manque d’infirmières est exagéré”

Le manque de personnel, et plus particulièrement d'infirmière dans les hôpitaux est sur toutes les lèvres. Est-il réel? Peut-il être objectivé? Le Dr Gilbert Bejjani a son avis … Selon lui il y a 10.000 lits chirurgicaux de trop et les hospitalisations sont trop nombreuses. " Il faut revoir le modèle, son organisation et son financement, sans quoi on va dans le mur.”

"Le manque d'infirmières et de soignants est général dans le monde, mais il est aggravé en Belgique du fait de l’organisation et du financement des soins et des infirmiers dans les hôpitaux.” dénonce le Secrétaire général de l’ABSyM

Il fait un constat très clair: “ En Europe, l’OCDE a montré qu’il y a 30% de soins en trop, inutiles ou redondant. Le système est donc inflationniste. Beaucoup d’hospitalisations sont évitables, ou possibles en hôpital de jour ». On a donc augmenté la charge de travail par des mesures inflationnistes. Le Fonds Blouse blanche a montré que même avec de l’argent, on ne trouve pas d’infirmières. Il faut revoir le modèle, son organisation et son financement, sans quoi on va dans le mur.”

Il va plus loin: "Aujourd’hui, il y a 10.000 lits chirurgicaux de trop. Il y a aussi des hospitalisations trop nombreuses. Nous avons 40 à 50% d‘hospitalisation de jour et on pourrait atteindre 70%. Cela permettrait de diminuer le nombre de patients qui doivent passer la nuit à l'hôpital et libérer du personnel et des moyens pour revaloriser. Si aujourd’hui, les patients dorment à l’hôpital, c’est pour que les hôpitaux gardent leur financement, quelle folie !” 

Le rôle des syndicats

Pour lui, les syndicats ont joué aussi un rôle dans cette problématique : "Les syndicats qui ont négocié par l’exemple l’IFIC ont barémisé tout le monde au même niveau : soignants et non-soignants. Deux problèmes en découlent. A cause de cette barémisation, les salaires et la pénibilité suivent des barèmes identiques, ce qui ne permet pas de traiter différemment. La valorisation des infirmières s'en trouve diminuée. Et quand un soignant passe dans l’administratif, ou dans l’encodage, il garde son barème. Il n’est pas normal d’avoir perdu autant d’infirmier-e-s du terrain. A salaire égal, il est facile de chercher une occupation moins lourde et pour le métier de terrain, la revalorisation est bloquée par les barèmes et le traitement indifférencié.”

Il veut s'attaquer au vrai problème : “Il faut les faire revenir vers les soins et payer l'hyper compétence et déléguer les actes de base ou simples. Si les infirmie-r-es veulent une revalorisation, pour une formation de 4 voire 5 ans, il faut accepter que les aides soignants prennent plus de fonctions sur le terrain.”

Reste la question qui fâche : les spécialistes perdent-ils de l’argent avec ce manque d’infirmiers ? “La question ne se pose pas comme cela. La pénurie est une réalité. Le système est toujours trop axé sur le volume de soins. Avec ce modèle, on tue le soignant, les médecins et les infirmières. Le burn-out est partout. Il faut obliger les hôpitaux à concentrer certains services au sein des réseaux, accentuer la chirurgie de jour et mieux fonctionner avec la première ligne de soins. On est un petit pays avec 100 hôpitaux. Il y a de nombreux services qui sont fermés dans les hôpitaux par manque d’infirmières. Il est temps de travailler autrement et travailler à la mise en commun de certaines missions avec d’autres hôpitaux.”
“Je refuse que l’on continue à dire qu’il faut faire comme avant alors qu’il n’y a plus assez d’argent. Il faut innover.” 

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Derniers commentaires

  • Christian DELCOUR

    02 juin 2022

    il est clair que l’on manque de personnel dans le système actuel mais effectivement il faudrait se poser des questions sur l’efficacité de ce système
    Si au lieu d’avoir un nombre incroyable d’hôpitaux de gardes 24/24/365 on décidait simplement de limiter le nombre d’hôpitaux de gardes (pourquoi des hôpitaux de gardes distant de 2 kms dans certaines villes) on limiterait le nombre d’actes inutiles et on libérerait un nombre incroyable de moyens humains paramédicaux et médicaux solutionnant du même coup la « pénurie de personnel paramédical et médical »

  • Yvo PIRENNE

    02 juin 2022

    On va, certes, dans le mur si on continue à faire réaliser des sois par du personnel non qualifié, les pharmaciens n'ont pas dans leur formation les vaccination et ainsi de suite. bien des soins à domicile sont réalisés par des soigneuses de bonne volonté mais qui sont rarement capables de détecter des signes discrets d'affections intercurrentes.
    Ce que notre confrère oublie c'est que la majorité des infirmières sont des femmes quisouhaitent des enfants et qu'elles souhaitent pouvoir leur consacrer du temps plutôt que de devoir les parquer dans une crèche ou une garderie.