Avenir de la médecine générale : plus de 1.100 MG flamands signent une lettre ouverte aux ministres

Les généralistes flamands sont inquiets pour l’avenir. Dans une lettre ouverte à Frank Vandenbroucke et à la nouvelle ministre flamande de la santé Hilde Crivits , ils clament leurs préoccupations.    

Comme toujours, nos édiles ont la démangeaison des réformes, bien qu’il faille reconnaître que dans la situation présente, c’est nécessaire. Mais loin de considérer qu’elles sont systématiquement inutiles, il faut bien avouer qu’elles engendrent quasi toujours des incertitudes. Et en matière de santé publique, les idées ne manquent pas, pas plus que les projets pilotes, plans et autres projections. Reste à savoir quelle est leur pertinence.

Il est normal qu’à ce point de vue les acteurs de terrain concernés donnent leur avis et c’est l’objet de cette lettre ouverte (voir ci-dessous ), signée par pas moins de 1.184 généralistes flamands appartenant à diverses associations professionnelles. La goutte qui a fait déborder le vase de la médecine générale flamande est l’appel à projets « Brede eerstelijnspraktijken » du Gouvernement flamand visant à évaluer de manière prospective les possibilités de travail en réseau dans les zones mal desservies en première ligne. 

Liberté et proximité

Certes, reconnaissent les signataires, « il faut plus de prévention, une réorganisation du financement, une plus forte collaboration et une meilleure communication. Mais nous avons de profondes préoccupations  pour l'avenir».

Quatre axes font l’objet de la lettre et en premier lieu la liberté professionnelle. Pour reprendre (en français) les termes de la lettre, les généralistes flamands craignent le rôle déterminant que les administrations publiques joueront à l'avenir. « dans les propositions sur la table le généraliste ne se sentira plus libre, dans une profession dite "libérale" mais sera dirigé par des initiatives locales attachées au lieu et par la zone de première ligne, le tout initié par le Gouvernement régional ».

En corollaire vient, comme deuxième sujet d’inquiétude, le risque de laisser pour compte le généraliste qui pratique en solo. "N'abandonnez pas les médecins qui pratiquent en solo et les petits cabinets. Le climat actuel suggère qu'à l'avenir, il n'y aura de place que pour les grandes pratiques de soins primaires coordonnées par les autorités publiques et les zones de soins primaires". Et de nuancer les projets pilotes’« on peut ressentir en arrière-plan une sous - estimation des pratiques en solo ou en duo et des autres projets à plus peites échelles ». On peut en effet se demander ce que deviendront dans tout cela le libre choix de son médecin et peut-être même le colloque singulier.

Vers le dirigisme ?

Quelle va devenir la place des généralistes, des associations et des autres acteurs de santé de première ligne dans les négociations et entretiens ? C’est là le troisième sujet d’inquiétude. Leur expertise et leur expérience du terrain sont cruciales dans la gouvernance et la prise de décision, précise la lettre.«Impliquer les médecins généralistes, les cercles de médecins généralistes et les autres travailleurs de première ligne dans les négociations et les discussions. Leur expertise dans le domaine et leur expérience sur le terrain sont cruciales pour peser dans la prise de décision et la politique. Ne laissez pas les décideurs politiques et les théoriciens seuls prendre des décisions importantes et de grande envergure avec des conséquences considérables pour la pratique professionnelle du médecin généraliste et le reste des soins primaires. De plus, laissons la parole aux jeunes médecins et travailleurs de première ligne, ils sont l'avenirUne stratégie de type top-down n’a aucune valeur ajoutée pour aucune des parties ». 

Enfin, en quatrième lieu, il faut revaloriser la profession de généraliste de manière à ce que les flux vers la profession restent suffisants. Et surtout « limiter la charge administrative à un minimum, afin que les généralistes puissent à nouveau se consacrer à leurs patients ». Tout cela, sans oublier de favoriser une bonne répartition des praticiens à travers toute la Flandre. 

Trop demander ?

Les signataires de la lettre se disent persuadés qu’il y a moyen de trouver des solutions de qualité et affirment leur disponibilité et leur ouverture pour une bonne concertation. "N'évoluons pas vers un gouvernement qui monopolise le système de santé au détriment de l'individualité, de la liberté et de la sous-évaluation de nos médecins généralistes. Le généraliste doit absolument conserver sa position centrale dans le paysage de la santé."

Ils expriment également leur souhait d’être impliqués dans les négociations futures. Serait-ce vraiment trop demander ?   

> Lire la lettre ouverte en néerlandais 

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Derniers commentaires

  • Charles KARIGER

    24 mai 2022

    Mais quelle insolence!
    Cette piétaille semble n’avoir pas saisi que le Peuple belge s'est choisi pour ministre de la santé en chef un économiste trotskyste.
    Or la voix du peuple est celle de Dieu, c'est bien connu.
    Les MG sont déjà et resteront au centre des soins de santé de la même façon que les instituteurs et institutrices le sont dans leurs écoles: ils ont le droit de nettoyer leurs classes, de les repeindre pendant les "vacances", de veiller nuit et jour sur leurs élèves pendant les "classes de ceci ou de cela" sans période de repos, de laver un écolier qui s'est souillé, de recevoir les rancœurs des parents après les heures de classe,...

  • Bruno LULLING

    24 mai 2022

    C’est le même dirigisme infantilisant dans la Loi Qualité fédérale ! Pourquoi ne le dites vous pas avec autant d’ardeur Mr De Toeuf !?

  • Philippe TASSART

    23 mai 2022

    Les politiques ont, de tout temps, voulu asservir la médecine et ses médecins, symbole de liberté de réflexion et d'action, d'honnêteté intellectuelle, de dévouement, d'abnégation, Ils ont trouvé, au sein même de notre profession, des partisans qui n'hésitent pas pactiser avec d'autres professions qui lorgent vers nos zones de compétences, avides de s'accaparer une partie du graal médical. Ils n'y sont pas parvenu en créant la pléthore. Vont-ils y parvenir par le biais de la pénurie ? Epuisés, poussés par leur envie de privilégier leur vie privée, et encouragés par nos instances universitaires et politiques, les médecins généralistes accepteront-ils de sacrifier leur vocation sur l'autel de la médecine facile ? Heures de fonctionnaires, plus de garde, plus de visite à domicile, plus d'administratif, etc ... J'en ai bien peur. J'étais honteux l'autre jour d'entendre un médecin qui se plaignait à une infirmière d'être de garde six fois par an alors qu'elle l'est toutes les deux semaines ! Il n'y a pas que les médecins qui ont des contraintes professionnelles. Il faut arrêter d'être nombriliste et plaintifs.
    Quelle bouffée de fraîcheur cette lettre de nos confrères du Nord ! On y parle de liberté, d'expertise de terrain, de cabinets à taille humaine. Je pensais ce langage pas très à la mode. Heureusement, la mode est un perpétuel recommencement.
    Le JDM rapportait récemment les propos de J Macq (UCL) qui estime que les généralistes doivent d'avantage poser des "actes sociétaux" et laisser les actes techniques aux autres spécialistes. Personnellement, je trouve cette idée révoltante pour la MG. Ce Mr Macq désire-t-il nous transformer en assistants sociaux et garder les actes techniques rémunérateurs pour son service ? Alors que nombreux sont les généralistes qui désirent se perfectionner, par exemple, dans l'échographie. Cette réflexion est très symptomatique du peu de considération que les unif accordent à la MG, mépris maquillé sous des couches de pommades faussement élogieuses.
    La médecine est déjà descendue dans la rue. Il ne faudrait pas une grosse étincelle pour y mettre le feu.

  • Jacques DE TOEUF

    22 mai 2022

    Enfin des MG se manifestent leur soutien des grands principes qui sont le socle de la relation médecin-patient: libre choix, autonomie professionnelle et liberté thérapeutique. Ce sont les bases de l'exercice de la profession, avec le secret médical bien souvent relativisé par nos interlocuteurs. Dès 1964, les chambres syndicales de médecins (aujourd'hui ABSyM) ont arraché au politique l'insertion de ces exigences dans la législation INAMI et l'AR 78 (aujourd'hui Loi sur l'exercice des professions de soins de santé)., et ont sans atrêt fait tout et plus pour les maintenir. On assiste depuis quelques années à la promotion effrénée de modèles qui survalorisent les pratiques de groupe multidisciplinaires, veulent les rendre obligatoires et les subsidient de façon éhontée. Et ce tant en Flandre qu'en Wallonie et à Bruxelles. On est en plein dans un raisonnement entaché de biais cognitif majeur virant à la prophétie autoréalisatrice. Il y a une place pour une prise e"n charge de patients par une équipe pluridisciplinaire dans certaines pathologies, les médecins travaillent d'ailleurs comme cela depuis des lustres sans pour cela devoir disposer: en permanence de structures complexes dans leur. environnement., et il y a une place plus grande encore pour le dialogue singulier.