Multiplication des guidelines: barrière ou outil pour le généraliste?

L’ESC (European Society of Cardiology) vient de publier conjointement avec l’ESH (European Society of Hypertension), et à grand renfort de publicité, des guidelines for the management of arterial hypertension tout en posant la question de savoir comment les implémenter en médecine générale. Malgré leur intérêt, nombreux en effet sont les praticiens de 1e ligne qui se posent la question de la pertinence de ces recommandations dans leur quotidien, d’autant 
qu’ils en sont inondés. Pire, une recherche sur Medline avec «guidelines» pour mot-clé apporte 377.715 références, certaines très anciennes, d’autres sur des thèmes très marginaux. Utiliser «recommandations» comme mot-clé conduit à 193.426 références, tandis que «expert consensus» paraît plus «abordable», avec 10.731 références.


Les guidelines, a priori élaborées pour les cliniciens dans le but d’améliorer la qualité des soins et le pronostic des patients, le sont pour des conditions spécifiques et sont focalisées sur la force de l’évidence scientifique, et donc d’essais cliniques. Mais d’autres groupes sociaux se sont emparés de cet outil, comme les assureurs, afin de réduire les coûts par un nivellement des pratiques, ou la justice, devant prononcer un jugement face à une pratique médicale négligente ou erronée. De quoi faire peur?


Les guidelines sont-elles réellement des standards à suivre? Elles sont en effet établies selon un niveau de preuve basé sur des essais randomisés ou des séries de cas. Mais, au quotidien, la pratique n’est pas toujours fondée sur les preuves et rares sont les médecins qui n’ont pas été influencés par l’experience-based medicine exprimée par des experts lors de congrès ou dans des revues médicales, sans nécessairement reposer sur une expérience scientifique rigoureuse.
Les recommandations posent aussi la question de la population évoquée, comme le soulignait une méta-synthèse de plusieurs enquêtes sur l’attitude des généralistes face aux guidelines et qui mettait en avant plusieurs critiques sur leur validité:


• applicabilité chez les patients avec plusieurs comorbidités et les patients âgés;
• différence entre patients des essais cliniques et de la vie quotidienne;
• rationalisation extrême des pratiques;
• responsabilité professionnelle;
• manque de temps pour une lecture critique de ces 
recommandations;
• limitation à la question posée;
• risque de rater un diagnostic pour une affection appartenant à une autre spécialité que celle émise par la société scientifique concernée;
• difficulté de connaître la composition du comité de 
rédaction de la recommandation, comité ne comportant le plus souvent que les spécialistes concernés, sans généralistes ou patients…

Devant l’abondance de guidelines disponibles, les cliniciens se tournent alors préférentiellement vers les recommandations faites par leur société médicale, dont le rôle est particulièrement important pour emporter l’adhésion des médecins aux recommandations. C’est dans ce cadre qu’il faut lire et parcourir les documents édités conjointement par la SSMG et Domus Medica, qui préfèrent utiliser le terme «recommandations de bonne pratique» (RBP), à savoir un résumé systématique des données probantes disponibles dans la littérature sur un sujet donné, sujet en relation avec la pratique de médecine générale. Leur groupe cible est clair: l’ensemble des médecins généralistes pratiquant en Belgique, et parfois plus largement les partenaires de soins de la 1ère ligne. Ces RBP suivent une méthodologie bien précise qui garantit la qualité des recommandations réalisées par les généralistes et relues par des experts dans le domaine du sujet traité. Chaque RBP est ensuite testée dans des GLEM/LOK avant d’être modifiée en suivant les remarques formulées par les pairs. Enfin, avant d’être diffusée, chaque RBP réalisée est soumise pour validation au Centre belge pour l’Evidence-Based Medicine (CEBAM). De quoi rassurer?

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