Diagnostic cardiovasculaire par reconnaissance faciale: progrès ou menace? 

Un nouvel algorithme a été développé pour détecter les maladies coronariennes uniquement à partir des photos faciales des patients. La preuve de concept, publiée dans le European Heart Journal , doit encore être affinée avant de devenir un outil clinique utile. Dans un éditorial accompagnant l’article, des experts indépendants suggèrent également que de sérieuses considérations éthiques doivent être résolues avant qu'un tel système puisse être déployé .

L'alopécie, le xanthelasma et l’arc cornéen font partie des signes faciaux qui indiquent une possible mauvaise santé cardiovasculaire. Une équipe de chercheurs chinois a mis au point un algorithme d'apprentissage approfondi qui permet de déterminer le risque de maladie coronarienne d'une personne à partir de l’examen de quatre photos de son visage.

Entre 2017 et 2019, les chercheurs ont enrôlé 5.796 patients qui s'étaient présentés dans un hôpital pour subir une coronarographie ou un CT-scan coronaire. Quatre photos ont été prises de chaque patient - deux profils latéraux, un frontal et un regard vers le bas au sommet de la tête.

Un algorithme d'apprentissage approfondi (« deep convolutional neural network ») a été développé  (s’est développé) pour étudier ces quatre images et évaluer le risque de maladie cardiaque individuel. Il a ensuite été appliqué sur 1.013 autres patients. L'algorithme de détection des maladie coronariennes a montré une sensibilité de 0,80 et une spécificité de 0,54. L’aire sous la courbe (AUC) était de 0,730 (intervalle de confiance de 95%: 0,699-0,761), soit une valeur supérieure à celle du score clinique du consortium CAD (0,730 contre 0,652, P < 0,001).

Des performances limitées, pour l’instant

« L'algorithme a montré des performances que l’on peut qualifier de modérées. Néanmoins, des informations cliniques supplémentaires n'ont pas accru son niveau de performance, ce qui signifie qu'il pourrait être utilisé facilement pour prédire les maladies cardiaques potentielles sur la base des seules photos faciales », explique Xiang-Yang Ji, l'un des chercheurs travaillant sur l'étude. « Les joues, le front et le nez ont apporté plus d'informations à l'algorithme que les autres zones du visage. Cependant, nous devons améliorer la spécificité car un taux de faux positifs pouvant atteindre 46% peut causer de l'anxiété et des désagréments aux patients, ainsi qu'une surcharge potentielle des cliniques avec des patients nécessitant des tests inutiles ».

De toute évidence, la précision actuelle de l'algorithme est loin d'être suffisante pour le déployer dans les environnements cliniques. L'équipe de recherche est consciente des limites actuelles de l'algorithme et travaille à son développement et à sa validation.

« À notre connaissance, c'est le premier travail qui démontre que l'intelligence artificielle peut être utilisée pour analyser les visages afin de détecter les maladies cardiaques », déclare Zhe Zheng, responsable de cette recherche. « C'est une étape vers le développement d'un outil basé sur l'apprentissage approfondi susceptible d’être utilisé pour évaluer le risque de maladie cardiovasculaire, soit dans les cliniques externes, soit par le biais de patients prenant des "selfies" pour effectuer leur propre dépistage ».

Des enjeux éthiques

Un éditorial signé par deux experts d'Oxford reconnaît que les avantages potentiels de ce type de diagnostic assisté par IA sont immenses. Charalambos Antoniades et Christos Kotanidis, qui n'ont pas travaillé sur cette recherche actuelle, soulignent que, bien que cette technologie ne soit pas prête à être déployée, ce genre de diagnostics innovants pourrait « révolutionner la médecine telle que nous la connaissons ».

Toutefois, Antoniades et Kotanidis notent que des défis éthiques considérables se poseront lorsque ces outils de diagnostic seront suffisamment performants pour être mis sur le marché. En particulier, la possibilité que des professionnels non médicaux collectent ce type d'informations privées sur la santé est particulièrement préoccupante.

L'équipe de recherche à l'origine de ce nouvel algorithme de diagnostic semble bien consciente de ces écueils d’ordre éthique. Zheng affirme que la résolution des questions de confidentialité deviendra fondamentale au fur et à mesure mesure que leurs recherches progressent et que la précision de l'algorithme s’améliore.

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