Téléconsultation: l'Ordre édicte ses nouvelles règles déontologiques

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné la place de la téléconsultation dans le domaine des soins de santé. Si l'Ordre reconnaît "que la téléconsultation est désormais un élément indispensable du domaine actuel des soins de santé" elle rappelle dans une "check list" les bonnes pratiques d'une téléconsultation, les règles à respecter et suggère "l’attribution d’un label de qualité aux services qui proposent la téléconsultation de manière conforme"

Dans le passé, le Conseil national a émis plusieurs avis sur la téléconsultation, dont le fil rouge était la sécurité des patients, la qualité et la continuité des soins, ainsi que le respect du secret professionnel. Avant la crise du Covid, la téléconsultation n’était pas considérée comme complémentaire à la consultation traditionnelle en face à face, et elle n’était acceptable d’un point de vue déontologique que si elle concernait un patient connu, à condition que le médecin ait accès aux données médicales et que la continuité des soins puisse être garantie.

La crise du Covid a entraîné une révolution, dans la mesure où la consultation traditionnelle avec contact physique devait être évitée autant que possible afin de contenir la propagation du virus. En raison de cette nécessité, les processus de réflexion ont été accélérés et les implications techniques ont été déployées plus rapidement afin que la téléconsultation puisse avoir lieu à grande échelle. Même après la crise du Covid, le nombre de services offrant la téléconsultation a continué à augmenter en raison de la demande continue du marché, l'objectif principal étant d'offrir une réponse aux longs délais d'attente, aux charges administratives, à la pénurie de médecins, aux services d'urgence surchargés, etc.

Une étude récente[1] montre que la population belge est généralement satisfaite de l'utilisation de la téléconsultation, qu'elle la considère comme complémentaire au contact physique avec les prestataires de soins et qu'elle la trouve particulièrement adaptée au traitement des questions administratives et au suivi des pathologies existantes.

Il est clair que la téléconsultation est désormais un élément indispensable du domaine actuel des soins de santé.

Maintenant que la crise sanitaire semble s'être stabilisée, le moment est venu d'évaluer ces nouveaux processus et services en termes de convivialité, de qualité et de sécurité des patients, et de les confronter à la déontologie médicale.

Les médecins ont un rôle majeur à jouer dans le contrôle et la délivrance d’informations dès le début d’une téléconsultation, dans la dispense d’avis, dans l’utilisation des plateformes créées à cet effet et dans l’élaboration de lignes directrices et de protocoles scientifiques.

Au début d’une téléconsultation, le médecin indique au patient son identité et ses qualifications, et il entreprend les étapes suivantes :

  • Le médecin contrôle :
  • l’identité du patient ;
  • la capacité du patient à exprimer sa volonté ;
  • le consentement du patient ;
  • le droit du patient de choisir librement son médecin ;
  • la vie privée du patient « à l’autre bout » de la ligne.
  • Le médecin fournit les informations nécessaires :
  • Avant que la consultation à distance ait lieu, existe-t-il une relation thérapeutique entre la personne nécessitant des soins et le médecin, conformément au règlement sur la preuve électronique d’une relation thérapeutique et de soins (voir https://www.ehealth.fgov.be/ehealthplatform/fr/reglements) ?
  • Si la relation thérapeutique ou de soins entre la personne nécessitant des soins et le médecin est établie juste avant le début de la consultation à distance, la personne nécessitant des soins est correctement informée au préalable des conséquences de l'établissement de cette relation thérapeutique ou de soins et celle-ci prend fin au terme de la consultation à distance, sauf si la personne nécessitant des soins indique expressément qu'elle souhaite poursuivre cette relation thérapeutique ou de soins ;
  • Le patient, avant l’utilisation de la plateforme, est informé de façon claire des facteurs critiques de succès et des limites de la consultation à distance ;
  • Il en va de même des aspects financiers de l’e-consultation (coût, remboursement).
  • Le médecin s’assure de la qualité des soins de santé dispensés et du suivi :
  • La consultation à distance a une durée suffisante et se déroule dans des conditions adéquates pour assurer la qualité des soins de santé ;
  • Le médecin doit disposer de suffisamment d’informations pertinentes et fiables de la part du patient pour être en mesure de donner un avis individuel médicalement fondé ;
  • Le médecin respecte les règles inhérentes à sa profession concernant la qualité et la sécurité des soins de santé et les droits du patient ;
  • Le médecin indique clairement que son avis est fondé sur les informations fournies par le patient et sur les données du dossier qu’il a à disposition. Le médecin indique également que le patient doit le contacter ou contacter tout autre médecin si les plaintes s’aggravent, s’il y a des raisons qu’elles s’aggravent ou en cas d’incertitude ;
  • Si le médecin n’est pas en possession du dossier médical global (DMG) de la personne nécessitant des soins, il fournit un feedback (électronique) sur les soins dispensés au titulaire du DMG, et si besoin, actualise le Sumehr et le calendrier de médication de la personne nécessitant des soins dans le coffre-fort.

Le médecin doit également vérifier que les services utilisés répondent aux critères suivants en termes de protection de la confidentialité des informations[2] :

  • La plateforme de support recourt à un système fiable pour authentifier leur identité ; le moyen d’authentification à deux facteurs (possession et connaissance) est intégré dans le Service Fédéral d’Authentification ;
  • La communication vidéo ou audio n’est pas enregistrée par les participants à la communication ;
  • Les données personnelles et les documents échangés pendant la consultation peuvent être mis à la disposition des participants à la communication à la fin de la consultation ;
  • Les ordonnances pour les médicaments sont créées électroniquement sur Recip-e et peuvent être consultées par la personne nécessitant des soins via le Personal Health Viewer ; le numéro unique de l’ordonnance électronique (appelé RID), qui ne contient aucune donnée personnelle, peut être transmis à la personne nécessitant des soins ;
  • Les documents que le médecin et/ou la personne nécessitant des soins peuvent consulter via le portail e-Health ou le Personal Health Viewer sont en principe consultés sur ces plateformes ;
  • Le médecin utilise de préférence un logiciel enregistré sur la plateforme eHealth pour la prestation de soins de santé et enregistre dans tous les cas les détails pertinents à propos des soins dans un dossier (électronique) du patient ;

Les médecins – chacun dans sa spécialité – ont un rôle important à jouer dans l'élaboration de lignes directrices et de protocoles scientifiques qui définissent les éléments fondamentaux d'un service de qualité. Les médecins impliqués dans la formation doivent accorder une attention suffisante à l'utilisation de la téléconsultation dans la formation de médecin et dans la formation post-master, car de nombreux médecins en formation estiment que la téléconsultation ne reçoit pas assez d’attention durant leur formation[3].

Pour éliminer les malentendus qui existent dans la pratique, tant chez les médecins que chez les patients, un cadre juridique et des règles claires de remboursement sont nécessaires. L’attribution d’un label de qualité aux services qui proposent la téléconsultation de manière conforme, permettra de mieux conscientiser les patients dans leur choix et renforcera leur confiance dans cette forme de médecine.

  • [1] Téléconsultations pendant la pandémie de COVID-19. Analyse de l’Agence Intermutualiste (AIM) présentée à l’Académie royale de Médecine de Belgique le 30 avril 2022.

    [2] Comité de sécurité de l’information, Chambre sécurité sociale et santé. Ivc/kszg/22/206 : Délibération n° 20/098 du 7 avril 2020, modifiée le 24 mai 2022, relative aux bonnes pratiques à appliquer sur les plateformes de téléassistance.

    [3] Selon une étude récente, pas moins de 78,6% (How do doctor-specialists, who are educated at the free university of Brussels, view the use of teleconsultation? Astrid Van Assche, VUB, Masterthesis 2021.)

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Derniers commentaires

  • José POURVEUR

    07 juillet 2022

    Je partage la réflexion de ma consoeur

  • Yvette BOTSON

    30 juin 2022

    Ou comment être complètement en dehors de la réalité de la médecine générale….