Covid-19 : « Il est temps de siffler la fin de la récréation » (Dr Paul Vollemaere)

« Sur la journée d’hier, j’ai mis 26 patients en isolement, chez eux, pour suspicion de covid-19. Sur les 15 derniers jours, j’estime avoir pris cette décision pour 10% de ma patientèle », indique Paul Vollemaere. Un taux « jamais rencontré en 40 ans de carrière, même au cœur des épidémies de grippe ! » Le MG bruxellois tire à boulets rouges sur la nonchalance persistante de certains face à la menace. Et il vise aussi quelques médecins.

« Par rapport à ce que l’on vit en pratique, le décompte officiel des 1.000 cas et quelques, ça me fait rire. » Il y en a beaucoup plus, c’est une évidence, « et même des décès non recensés ». Et d’évoquer le cas d’un résident de MRS, patient dément avec protocole de non-hospitalisation, qui s’est dégradé 8 jours après l’apparition d’une toux fébrile. « Ma main à couper que c’est un covid non répertorié. »

Le Dr Vollemaere est édifié de constater « qu’une partie des Belges n’ont toujours pas pris la mesure de ce qui est en train de se passer. » Il y a bien sûr l’exemple classique des jeunes qui minimisent. « A l’adolescence, on n’a pas peur de la mort. On se dit que tout ça, c’est une panique de vieux. » 

Mais la liste des comportements « in-vrai-sem-bla-bles » qu’étrille le généraliste est encore longue : « il y a ceux qui n’ont pas capté qu’on n’allait pas rendre visite aux plus âgés avec un rhume et un mal de gorge, ceux qui oublient que dans ‘sortie interdite’ il y a ‘interdite’, ceux qu’on a mis en ITT mais qui retourneraient bien travailler avant l’heure parce que ‘c’est en train de passer’, les familles qui se pressent au grand complet dans les magasins comme si c’était une aire de loisirs… - avec sans doute parmi elles l’un ou l’autre consigné qui s’est dit : ‘bah, ce n’est rien’…  Et des inconscients, on en trouve aussi hélas parmi les gens avec un bon niveau d’éducation. »

Pour Paul Vollemaere, il est temps de siffler la fin de la récréation. « A part un lockdown, je ne vois pas comment les ramener à la raison. A la longue, on se fatigue un peu à répéter les mêmes conseils… » 

Pendant que certains ne prennent pas les précautions de pur bon sens, des professionnels de soins s’exposent à la contamination. Y compris quand ils « appliquent scrupuleusement des directives qui ont un temps de retard. Du 2 au 6 mars, en recevant encore les gens avec des plaintes respiratoires mais ne revenant pas d’une zone à risque, les MG belges se sont mis - ont été mis - inutilement en danger. » 

Depuis, le Collège de médecine générale a diffusé le mot d’ordre de la prise en charge téléphonique. « Moi je trie, je n’ai pas de contact physique avec ceux qui mouchent, toussent, ont mal la gorge. Mais je sais qu’il y a encore des confrères qui les reçoivent en consultation. Je ne comprends pas cette insouciance. »

« On a chaque fois une semaine de retard dans la gestion de la crise, malgré le recul de l’expérience en Chine. Les écoles auraient dû être fermées lundi passé, les visites en MRS interdites plus vite. » Pour connaitre personnellement un gestionnaire d’institution, le Dr Vollemaere qualifie la situation de catastrophique. « La moitié du personnel est absent pour maladie, l’autre moitié n’a plus de nouveaux masques, les résidents sont isolés dans leur chambre, il faudrait y servir le repas mais il n’y a pas assez de gens pour ça… »

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Derniers commentaires

  • Virginie DUFOUR

    19 mars 2020

    tout a fait d'accord
    Pour ma part je suis suspecte d'être infectée car m^me en ayant suivi les consignes j'ai reçu aussi des jeunes patients amenés pour gastro qui n'en était peut-être qu'une des manifestations du virus covid19. sans parler des gens qui arrivaient à la consultation alors que nous ne recevions plus les gens atteints de signes respiratoires parce que ce n’était pas grand chose. Il y a sans doute quelques cas qui ne sont pas des covid mais la plupart le sont car jamais nous n'avons eu de plaintes identiques en si peu de temps . Et oui nous avons été informés en retard par les autorités qui a minimisés les risques pour notre profession.

  • André Coget

    19 mars 2020

    Il serait intéressant de savoir combien, dans ces patients mis à l'isolement ( 10% d'une clientèle ! ), ont eu une test Covid 19 confirmé positif ?

  • Paul RESIMONT

    19 mars 2020

    Tout à fait d'accord mais il y a une pression des employeurs qui ne prennent pas non plus leurs responsabilités : je refuse de faire des certificats pour des patients asymptomatiques à qui l'employeur dit "reste chez toi, tél à ton médecin, et demande un certificat." Ce sont les mêmes employeurs qui rouspètent pour une ITT dans d'autres circonstance. Chercher l'erreur. Par contre par souci de solidarité, ordonnances dispos à l'entrée, pas de code ADS INAMI covid 19