« Je ne souhaite pas être le premier carolo à rencontrer un covid-19 suspect. Quoique, si j’en ai un, je l’embarque dans ma voiture et je l’amène à la ministre ! Et si j’en ai 6, je fais le tour des cabinets ». Pierre Bets, MG à Charleroi et vice-président de la FAGC, ne comprend pas comment la profession, envoyée au front et sans protection, ne pique pas une colère. « Nos ministres vivent-ils sur une autre planète ? » 

« Tous les urgentistes le répètent à la TV : nous sommes la première ligne. Mais, comme toujours, elle est oubliée des politiques et donc mal équipée », déplore le Dr Bets. Après une réunion, il y a 15 jours, avec les principaux hôpitaux de Charleroi, la Fédération des MG carolos a reçu de ceux-ci des kits de matériel avec des frottis et quelques protections. « On les gardait à Allo Santé [la centrale de garde locale, ndlr]. Mais ce week-end, nos médecins de garde ont dû les utiliser. Les stocks sont épuisés. » 

 « Quand les hôpitaux ont appris que le conseil officiel que notre responsable garde a reçu de l’AViQ était d’envoyer les patients concernés aux urgences, leur sang n’a fait qu’un tour. Depuis, on réfléchit ensemble, généralistes et hôpitaux, à un point de réalisation de frottis commun, vers lequel on orienterait les patients et où, durant une plage horaire déterminée, quelqu’un 100% protégé par du matériel ad hoc ne ferait que ça, des prélèvements. Voilà le prototype qui existe sur papier. On doit l’affiner. Où l’implanter ? Au poste de garde ? Dans un poste avancé, genre infrastructure provisoire sur un parking ? C’est à définir. Il faudra aussi trouver des professionnels qui veulent s’y relayer. Une réunion de travail entre la FAGC et les directions médicales des hôpitaux est prévue vendredi. »

La réalisation individuelle du frottis tient pour un MG du parcours du combattant, poursuit Pierre Bets. « Alors que les effectifs diminuent dans la profession et que les salles d’attente sont combles en cette saison, il vous faut courir dans un hôpital chercher de quoi faire un frottis, rentrer, y procéder, repartir porter l’échantillon… »

« A titre personnel, je suis atterré par l’absence de réactivité des autorités. Je ne comprends pas comment on voit les ministres de la Santé sortir tout sourire de leurs réunions. Ils ont l’air détachés de la réalité, comme sur une autre planète, en regard de ce qu’on vit dans les cabinets. Les MG sont bien trop polis, bien trop gentils, par rapport à la situation dans laquelle ils sont mis !» 

Ils jouent les interfaces avec une population chez laquelle s’installe une peur bien réelle, « aussi parce que les infos partent dans tous les sens ». Et d’illustrer par du vécu tout frais : il a reçu en consultation une famille de 6, maman fébrile, 4 enfants avec un rhume traînant et papa, asymptomatique, qui travaille à l’aéroport. « Dans leur tête, ils ont tous le Covid-19. Le papa, cela étant, n’a pas développé de maladie. Donc d’après ce que nous disent les autorités scientifiques, il n’est pas contaminant. Sauf que les médias relaient des récits qui disent l’inverse… Comment voulez-vous que les gens ne s’inquiètent pas ? Pour les professionnels non plus, ce n’est pas évident de se faire un arbre décisionnel clair… »

Cette même confusion anxieuse amène des gens à solliciter des arrêts maladie ou des certificats scolaires pour leur enfant par crainte de la contamination. « Ou des écoles à renvoyer les enfants qui toussent. Que voulez-vous, l’Etat étant défaillant, chacun se fait son propre règlement intérieur… » La FAGC s’efforce en tout cas de « glaner un maximum d’informations, sur le tas, pour ses membres », quoique taraudée par la crainte qu’elles soient déjà dépassées. « On conscientise nos MG au fait que les consignes peuvent, très vite, être modifiées. » 

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