Covid-19: l'étude COV-AID jette le doute sur l'efficacité des médicaments antirhumatismaux (KCE)

Une étude clinique menée dans 16 hôpitaux belges, sous la houlette de l'hôpital universitaire de Gand, et financée par le programme KCE Trials du Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) montre que les médicaments antirhumatismaux tocilizumab, siltuximab et anakinra n'ont pas d’impact sur le traitement de patients hospitalisés pour le Covid-19. Contrairement à ce que montrent de précédentes études, l’étude COV-AID n’a pu mettre en évidence aucun effet sur la rapidité de la guérison, la durée de l'hospitalisation ou les chances de survie.

Comme l’explique le Prof. Bart Lambrecht (UZ Gent et VIB-UGent), pneumologue et coordinateur de l'étude : « Lors de la première vague de Covid-19, nous avions observé des réponses immunitaires exagérées au niveau des poumons chez des patients qui avaient évolué vers un état grave. Nous avions alors identifié dans leur sang des substances qui sont également responsables de l'inflammation des articulations dans la polyarthrite rhumatoïde, les cytokines ou interleukines. C’est pourquoi nous avons voulu tester chez ces patients les médicaments utilisés en rhumatologie pour inhiber ces cytokines. Comme dans d'autres pays, nous avons donc lancé une étude clinique, que nous avons appelée COV-AID. En bloquant les cytokines IL-1 et IL-6, nous espérions freiner cette réaction inflammatoire et immunitaire excessive dans les poumons.

Les médicaments utilisés dans cette étude bloquent spécifiquement les interleukines 1 (anakinra) et 6 (siltuximab et tocilizumab), des cytokines qui stimulent le système immunitaire et provoquent de la fièvre. Lorsqu’elles sont produites en excès, elles peuvent également causer des lésions au niveau des reins, du cœur, du cerveau et du foie, ainsi qu’une hypercoagulabilité du sang avec formation de caillots. Cette situation d’hyperproduction de substances inflammatoires est appelée «tempête de cytokines»; elle peut mettre la vie des patients en danger.

342 patients dans 16 hôpitaux belges
L’étude COV-AID a porté sur 342 patients hospitalisés dans 16 hôpitaux belges pour un Covid-19. « Dès les premiers signes annonciateurs d’une tempête de cytokines, explique le Prof. Lambrecht, nous leur avons administré les médicaments, seuls ou par deux, en plus du traitement standard. Nous avons comparé leur évolution avec celle de 76 autres patients (le groupe contrôle) qui ne recevaient que le traitement standard, c’est-à-dire de l'oxygène et l'anti-inflammatoire dexaméthasone». 

Des résultats décevants, mais clairs
De nombreux hôpitaux belges administrent actuellement le tocilizumab aux patients atteints de Covid-19. Mais les résultats de l'étude COV-AID publiés aujourd’hui ne confirment pas le bien-fondé de l'utilisation de ces médicaments antirhumatismaux, et jette même le doute à leur sujet.

En effet, comme le souligne le Prof. Lambrecht, «même si nous avons constaté une belle diminution des paramètres de l'inflammation dans le sang des patients recevant les antirhumatismaux, ce traitement n'a eu aucun effet sur la rapidité avec laquelle ils se sont rétablis, même pour les patients les plus malades. Ils ont dû être aussi souvent admis en soins intensifs que ceux du groupe contrôle, ils sont restés aussi longtemps dépendants de l'oxygène et de la respiration artificielle, et leurs chances de survie n'ont pas été meilleures». 

Une étude qui s’inscrit dans une recherche internationale
De nombreuses recherches sont menées au niveau international sur l'utilisation de médicaments antirhumatismaux dans le Covid-19, avec des résultats variables. Récemment, deux études randomisées (RECOVERY et REMAP-CAP) ont montré que le tocilizumab diminuait la mortalité et raccourcissait le séjour en soins intensifs. En revanche, six autres études randomisées avaient montré auparavant que ces médicaments n’étaient pas efficaces. Une conclusion désormais confirmée par l'étude belge COV-AID.

«À mon avis, la différence tient au pronostic du groupe contrôle. Dans les études RECOVERY et REMAP-CAP, ce groupe présentait un taux de mortalité très élevé, avec 35% de décès. Or dans notre pays, seuls 15% des patients du groupe contrôle sont décédés. Je ne peux qu’en conclure que la prise en charge des patients Covid-19 dans notre pays est excellente » déclare le Prof. Lambrecht. «Nous allons cependant continuer nos recherches pour voir si certains sous-groupes de patients de l'étude COV-AID ne pourraient pas quand même tirer un certain bénéfice des médicaments de la polyarthrite rhumatoïde.»

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