Les savons antiseptiques à la maison? On peut s’en passer!

Du savon ordinaire et de l’eau, voilà ce qui assure une bonne hygiène des mains, du corps et des sols, à la maison. Devant la profusion des produits courants antibactériens, rappel de quelques règles d’hygiène simples avec le Pr Anne Simon (UCL).

Savons, dentifrices, déodorants, produits d’entretien, jouets, vêtements, linge de maison, sacs poubelles, cathéters... les produits antiseptiques ont envahi le quotidien. Sont-ils efficaces et inoffensifs? Non, estime la FDA (1) qui, en septembre dernier, a interdit une vingtaine de substances (dont les triclosan et triclocarban) dans les savons antiseptiques, arguant que rien ne permet de conclure que ces produits sont plus efficaces que l’eau et le savon, et qu’on les soupçonne d’être des perturbateurs endocriniens et de contribuer à l’émergence des résistances bactériennes. Cette interdiction ne concerne que les savons OTC, et pas les solutions hydroalcooliques, ni les désinfectants pour mains utilisés en hôpital. Pour la FDA, la lutte contre la propagation des bactéries est simple: se laver les mains avec du savon ordinaire et de l’eau.

Résistances croisées

En Europe, le triclosan est interdit dans les savons antibactériens depuis début 2016 (les producteurs avaient 12 mois pour le retirer de la vente). Malgré tout, de plus en plus de produits de consommation courante sont étiquetés «antibactériens». Le Pr Anne Simon, responsable de la Qualité et de la Sécurité du patient aux Cliniques universitaires Saint-Luc (Bruxelles), se dit effrayée par cette multiplication: «A la maison, on n’a pas besoin de désinfecter, on doit laver correctement. Il ne faut pas exagérer, il faut juste respecter certaines règles. Comme par exemple, ne pas découper des filets de poulet et un concombre sur la même planche, parce qu’on pourrait contaminer le concombre avec des Salmonella».

Il n’y a donc pas besoin de ces antiseptiques à la maison et leur usage immodéré fait de nous des apprentis sorciers. «On a montré l’existence de résistances croisées entre certains antibiotiques et les antiseptiques. Il faut donc essayer de préserver au maximum l’efficacité de ces produits désinfectants, qui sont par ailleurs très intéressants en médecine humaine. En les préservant, c’est toute la chaîne qu’on préserve.»

Il y a quelques temps, la Ligue contre la mucoviscidose avait demandé à l’équipe du Dr Simon de tester des méthodes de désinfection faciles pour le matériel respiratoire utilisé par ses patients. «Nous avons testé le lave-vaisselle, l’eau de javel et d’un produit vaisselle bien connu. Les résultats ce dernier étaient incroyables», commente-t-elle, «parce que l’effet tensioactif du savon tue déjà toutes les bactéries...»

Et à l’hôpital?

A Saint-Luc, les savons antiseptiques ne sont plus utilisés. Par contre, les solutions hydroalcooliques sont obligatoires, elles ont l’avantage d’être d’usage facile et rapide, d’être microbiologiquement meilleures et de ne pas abîmer la peau.

Pourquoi éviter les savons antiseptiques à l’hôpital? «Parce que les gens ne se lavent pas suffisamment longtemps les mains (8 secondes en moyenne), et l’antiseptique n’a pas le temps de faire son action», explique la spécialiste. «Il n’y a pratiquement plus d’indications d’utilisation des savons antiseptiques à l’hôpital. On l’a même supprimé de la désinfection chirurgicale des mains, parce qu’on a montré qu’on avait des résultats tout à fait équivalents avec un lavage à l’eau et au savon doux pendant 1 minute, suivi par un séchage minutieux et une friction des mains et avant-bras 90 secondes avec la solution hydroalcoolique. Et, ce qui est important c’est de bien frictionner toutes les surfaces de la main, souvent on oublie le bout des doigts et du pouce

Telles sont les recommandations de l’OMS et du Conseil supérieur de la santé. Signalons que la 7e campagne d’hygiène des mains à l’hôpital aura lieu en février, sur le thème ‘Les directions s’impliquent’.

Malheureusement, en milieu hospitalier aussi, on essaie de multiplier les produits aux vertus antibactériennes (peintures antiseptiques, poignées de porte en cuivre...): «On a parfois l’impression que les choses sont mises en place pour pallier à un certain manquement, ce n’est pas la bonne solution. Avec de l’eau et du savon, quelques frictions des mains, en deux temps trois mouvements, on élimine 90% de ce que l’on a sur les mains!» 

Au lit du patient

Dans les institutions hospitalières, assurer qualité du nettoyage et aspect visuel n’est pas évident parce que les produits qui associent un savon et un désinfectant laissent souvent une sorte de film matifiant. «A Saint Luc, on a donc décidé de nettoyer le sol avec un bon détergent, et de désinfecter toutes les surfaces ‘manutouchées’: les surfaces que le patient et que les soignants touchent (table de nuit, sonnette...) sont donc nettoyées par les infirmières avec du désinfectant. C’est d’autant plus important quand on est dans une chambre double où l’environnement peut servir de réservoir secondaire, et très certainement dans les chambres de patients porteurs de bactéries multirésistantes», ajoute-t-elle.

La généralisation de la présence de solution hydroalcoolique à l’entrée des chambres a sans doute amélioré les choses, mais ce n’est pas suffisant: «Il faut se frictionner les mains au point de soins du patient, juste avant de le toucher, c’est-à-dire pas plus loin que la longueur du bras, par rapport au lit».

Ainsi, si la désinfection se justifie à l’hôpital parce qu’on y concentre patients fragiles, micro-organismes et antibiotiques, à la maison, c’est inutile voire dangereux. «Attention», conclut Anne Simon, «je ne suis pas non plus partisane de la théorie selon laquelle il faut s’immuniser des bactéries, pour faire son système immunitaire. Je pense qu’il y a un juste milieu à trouver mais il ne faut pas créer des résistances inutilement et il faut préserver l’efficacité de ces produits antiseptiques

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