"Non quia timemus non audemus, sed quia non audemus, timemus" (Sénèque)

Tout a commencé par des courriels dans lesquels les médecins qui continuaient à examiner des patients, étaient qualifiés de « sanitairement et déontologiquement criminels » même s’ils sont munis d'équipement de protection individuelle (masque FFP2, gants et lunettes de protection).  Ces courriels qui me visaient personnellement me convainquirent de cesser mon activité clinique et à ne plus gérer les problèmes de santé de mes patients que par téléphone. 

Les quatre jours qui suivirent furent pour moi un calvaire.  Il m’était impossible de renoncer à examiner les patients. Comment interpréter une douleur abdominale ?  Comment prendre une décision face à un genou douloureux ?  Comment distinguer une otite moyenne d’une otite externe ? Comment exclure une kératite ? Comment évaluer une arythmie ?  Quelle attitude adopter devant une douleur précordiale ? Comment m’assurer qu’une infection urinaire ne touche pas le rein ?  Comment infiltrer une épaule ? Comment soulager une thrombose hémorroïdaire ? … 

Puis je fus appelé dans une maison de repos où le médecin de garde avait refusé de se déplacer pour certifier le décès d’un de mes patients en insuffisance rénale terminale.  Le sourire des infirmières qui travaillaient avec un masque en tissu qu’elles avaient elles-mêmes cousu me fit l’effet d’une claque.  Je pris la décision de reprendre une activité clinique. 

Depuis je gère encore par téléphone les cas suspects de SARS-CoV-2 semblant non compliqués et les demande de renouvellement de médicaments. Mais je reçois sur rendez-vous les patients dont l’anamnèse téléphonique m’indique que l’examen clinique est indispensable. J’envisage de rendre visite aux patients dont l’état de santé nécessite un suivi régulier. Je suis équipé d’un masque FFP2, de lunettes de protection et de gants. J’ai retiré les sièges aussi bien de ma salle d’attente que de mon cabinet.  Je désinfecte ma table d’examen après chaque utilisation.  J’examine les patients debout. Ils se présentent le plus souvent masqués de leur propre initiative. Je n’ai absolument pas le sentiment d’être un criminel ni sur le plan sanitaire ni sur le plan déontologique.  

Ce faisant je respecte les dernières recommandations de Sciensano (29/03/2020) au sujet des équipement de protection individuelle « Si le MG estime qu’un EXAMEN CLINIQUE EST INDISPENSABLE pour déterminer la sévérité et l’éventuelle nécessité d’une hospitalisation, s'il dispose du matériel de protection, il fait lui-même l’examen clinique, de préférence au domicile du patient ou éventuellement dans son cabinet à un moment convenu afin que le patient ne soit pas en contact avec d'autres personnes dans la salle d’attente. »
https://epidemio.wiv-isp.be/ID/Documents/Covid19/COVID-19_procedure_GP_FR.pdf

Ces équipements de protection individuelle me permettent aussi de respecter l’article 39 du code de déontologie médicale qui énonce que « Le médecin donne les soins requis à une personne en danger, en respectant les mesures de sécurité nécessaires pour lui-même et pour les autres. », article que le conseil national de l’ordre nous a rappelé dans son avis du 18 mars 2020 (COVID-19 – Recommandations concernant l’obligation de dispenser des soins) 
https://www.ordomedic.be/fr/avis/conseil/covid-19-recommandations-concernant-l-obligation-de-dispenser-des-soins

Ne lisez pas dans ce qui précède le souhait de discréditer les médecins qui seront scandalisés par mon opinion mais celui de déculpabiliser celles et ceux qui la partagent : il n’est pas interdit d’examiner un patient à condition de disposer d'équipements de protection individuelle (masque FFP2, gants et lunettes de protection).  Jamais je ne me risquerais examiner un patient, fut-il non suspect, sans porter ces équipements.

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Derniers commentaires

  • Charles KARIGER

    06 avril 2020

    Mais... Sénèque ne fut-il pas le précepteur de... Néron?
    Et ne fut-il pas contraint au suicide?

    Cave ne cadas!
    Vale.

  • Charles KARIGER

    06 avril 2020

    Mais... Sénèque ne fut-il pas le précepteur de... Néron?
    Et ne fut-il pas contraint au suicide?

    Cave ne cadas!
    Vale.