La Belgique devrait écouter les messages de l’Univers… ( Marc Wathelet )

La Belgique propose de rouvrir partiellement les écoles le 18 mai, une position défendue par les "experts" qui se sont exprimés publiquement, car les enfants ne transmettraient pas le virus de manière significative. Marc Wathelet met en garde en citant une récente expérience canadienne.

Un premier foyer d’éclosion de coronavirus dans une garderie est à déplorer au Québec. Un enfant serait à l’origine de la propagation, a fait savoir le Dr. Richard Lessard, directeur de la santé publique de Lanaudière. Dans un service de garderie pour les enfants de travailleurs essentiels à Mascouche, 12 enfants sur 27 ont contracté la COVID-19; ainsi que 4 des employés. 

L’enquête de la santé publique sur ce cas, employant une trentaine de personnes à temps plein et en cours depuis le 30 avril, devrait se conclure dans quelques jours et nous éclairera sur des aspects importants de la transmission de ce nouveau coronavirus https://tinyurl.com/y6vrlf5n.

En Belgique, les experts qui se sont exprimés publiquement sur la réouverture des écoles, étaient tous d’avis que la transmission dans les écoles ne seraient pas substantielle, et étaient parfois même très catégoriques. Ainsi, le Professeur Herman Goossens nous disait à propos de la transmission du virus par les enfants: “Kinderen zijn absoluut geen risico voor volwassenen en zelfs waarschijnlijk niet voor oudere mensen. Absoluut niet.” (De afspraak, sur Canvas, 30 avril 2020).

Comme depuis le début de cette crise, le gouvernement, les “experts” et les médias veulent nous rassurer. Au lieu de nous rassurer en nous informant sur la réalité du danger, d’adulte à adulte, et en prenant des mesures sensées, ils minimisent le danger pensant peut-être que cela va nous rassurer. Et pour minimiser le danger, ils nous désinforment, et du coup nous déforcent dans la lutte contre ce virus. C’est toxique, et indigne.

Encore une fois, la science et les principes de santé publique sont bafoués par des “experts” pour justifier des décisions politiques. J’ai indiqué publiquement (https://tinyurl.com/yd5pk4n6) qu’il s’agissait de fausses réassurances, que la lecture correcte de la littérature scientifique indiquait que le virus se transmettrait dans les écoles, et que donc il était impératif de ne pas rouvrir les écoles avant que tout soit en place pour pouvoir le faire dans des conditions où le risque de transmission est effectivement minimisé. Ce qui ne sera pas le cas le 18 mai!

Pourquoi est-ce que les écoles sont connues comme étant un tel moteur pour la propagation des maladies respiratoires? La population d’un pays est composée de groupes sociaux qui ne se rencontrent que très peu en fonction de leur occupation, et dans le contexte d’une pandémie, cette isolation relative entre groupes sociaux limite la propagation du virus. 

Tous ces groupes peuvent se mélanger dans certaines activités, comme faire ses courses par exemple, mais la probabilité d’une transmission est fonction de la durée de l’interaction. Et donc c’est à l’école, au travail et à la maison que la transmission est la plus importante, car ce sont les personnes que nous rencontrons dans ces contextes avec qui nous passons le plus de temps.

C’est là que le danger d’une ouverture précipitée des écoles devient évident. Tous les groupes sociaux qui n’entrent normalement pas en contact dans leurs activités régulières sont maintenant en contact par une transmission entre enfants à l’école. Presque la moitié (12/27) des enfants de cette garderie au Québec se sont retrouvés infectés, ainsi que 4 employés. Il ne faut pas beaucoup d’épisodes de ce type dans les écoles belges pour que la seconde vague prenne de l’ampleur.

Les autorités de santé publique de Lanaudière ont reporté de deux semaines la réouverture des garderies et des écoles primaires de la région en attendant d’y voir plus clair. Le Dr. Lessard veut tirer les “leçons” qui s’imposent, a-t-il promis. Car selon lui, “il faut s’attendre à d’autres éclosions dans d’autres garderies”. Une étude portant sur 391 cas confirme que les enfants ont un risque d’infection semblable à celui du reste de la population https://tinyurl.com/ybcjaolv.

L’Univers vient d’envoyer un message à la Belgique: vous vous trompez si vous pensez que COVID-19 ne se transmet pas ou peu dans les écoles. Est-ce que nos “experts” et notre gouvernement voudront bien prendre ce message à cœur? 

Ce que l’expérience et l’histoire nous enseignent, a dit Georg Hegel, c’est que les peuples et les gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire, ou agit sur la base des principes qui en sont déduits.

Est-ce que la Belgique va suivre le gouvernement de la France, qui programme la réouverture des écoles le 11 mai contre l’avis de son conseil scientifique et celui de l’Ordre des médecins, qui déplore un “manque absolu de logique” et dénonce une décision qui reviendrait à “réintroduire le virus” https://tinyurl.com/ybfatrv2?  

Ou est-ce que la Belgique va suivre les gouvernements de l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, le Portugal ou l’Irlande : pas d’école avant le mois de septembre? https://tinyurl.com/ydetlw6d.

Giuseppe Conte, le chef du gouvernement italien ne rouvrira pas les écoles avant septembre, pour ne pas mettre en jeu la santé des enfantshttps://tinyurl.com/y7r6qlct.  “L’école est au centre de nos pensées et rouvrira en septembre. Mais tous les scénarios préparés par un comité d’experts prévoyaient des risques élevés de contagion en cas de réouverture des écoles avant septembre”, a-t-il dit.

Oui, nous pouvons organiser les examens finaux de la dernière année du secondaire en relative sécurité dans les écoles désertées, pour permettre à ces étudiants de rentrer dans la vie professionnelle ou de poursuivre des études supérieures. 

Autrement, notre choix est clair: nous pouvons rouvrir les écoles prématurément pour permettre à une fraction des élèves d’avoir quelques jours de cours avant l’été et ainsi nourrir une deuxième vague de cas COVID-19 dont notre personnel de première ligne, épuisé et encore et toujours incomplètement équipé, se passerait volontiers ; ou nous pouvons mettre l’été à profit pour préparer une rentrée scolaire dans des conditions de santé publique raisonnables. Écoutons l’Univers ! 

Lire aussi : Déconfinement : le plan alternatif du virologue Marc Wathelet

  • Marc Wathelet est docteur en science.  Il a étudié la chimie à l’Université libre de Bruxelles et est titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire. Parti aux États-Unis durant 25 ans, il est passé par Harvard, l’Université de Cincinnati et dans un institut consacré à la recherche sur les maladies respiratoires à Albuquerque. Il a dirigé une équipe de chercheurs aux États-Unis sur différentes souches de coronavirus, en particulier le SRAS-CoV, qui a provoqué l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère en 2003-2004.

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