Burnout des médecins : quelles pistes pour y faire face? (Dr C.Depuydt)

Ce samedi 19 octobre, le Dr Caroline Depuydt ouvrait le séminaire de l’Absym-Bruxelles sur la problématique du burnout chez les médecins. Elle revient sur les moments clés des présentations.

De nombreuses études le montrent: les taux de burnout et le risque d’épuisement professionnel au sein de la profession médicale ont augmenté ces dernières années et, fait inquiétant, de manière encore plus significative chez les jeunes praticiens ayant moins de 10 années de pratique ainsi que chez les médecins généralistes.

La plupart des études annoncent des taux de 8 à 50% de burnout. L’objet du séminaire était de tenter de comprendre comment on en est arrivé là, mais surtout de proposer des pistes de prévention, de détection et de prises en charge adaptées à notre métier et élaborées à partir de la réalité du terrain.

Les pistes d’action individualisées

1er constat, la prévention et les outils de détection du burnout sont inexistants et/ou inefficaces. Le médecin réalise très tard qu’il est en burnout, en grande partie à cause d’un déni  mais aussi à cause d’une méconnaissance des symptômes et d’une difficulté à les appliquer à son propre vécu. Dès lors, doivent être soutenus le développement de programmes de prévention et de réduction de stress au travail spécifiques aux médecins hospitaliers ET ambulatoires.

Les directions des institutions et les managers d’équipes, qu’ils soient médecins ou non, doivent être formés et sensibilisés à l’importance de valoriser la bonne ambiance de travail. En effet, le manque de considération de la part de la direction et des collègues est cité comme une source principale d’épuisement professionnel. Ils doivent participer au maintien d’une autonomie de travail adéquate: ni trop, générant un sentiment de solitude et d’abandon, ni trop peu, par excès de contrôle. Le coaching des équipes doit également permettre le déminage des conflits et du harcèlement.

2ème  constat, le médecin ne consulte pas ou très peu. Sont invoqués le manque de temps,  la honte et la culpabilité ainsi que la volonté que cela reste secret. 

Il est donc indispensable de soutenir et développer des initiatives, financées publiquement, qui garantissent une rapidité d’intervention, une facilitation des démarches d’accès et une discrétion dans la prise en charge.

La téléconsultation, soutenue par l’Absym, pourrait-elle être une piste vu le gain de temps et la facilité d’utilisation qu’elle pourrait engendrer pour le médecin concerné?

3ème constat, le médecin a du mal à appliquer le traitement principal du burnout , c’est-à-dire le repos, parfois de longue durée. Il continue à travailler pour des raisons financières,le médecin indépendant n’a que très peu de revenus de remplacement en cas d’incapacité, mais aussi pour des raisons déontologiques, afin d’éviter la rupture dans la continuité des soins. Une indemnisation financière suffisante du médecin en burnout est nécessaire. Par ailleurs, la médecine du travail doit être indépendante de l’employeur pour jouer son rôle de tiers et permettre des adaptations lors de la reprise de son activité.On peut également proposer également l’accompagnement par un coach dont la fonction est d’aider à prévenir la rechute (aménagement de la fonction, ré-orientation,...)

4ème constat, le médecin en formation est une cible privilégiée d’épuisement. Pour eux, il faut veiller au respect de la législation nationale et européenne réglementant le temps de travail et la rémunération des heures supplémentaires. Le choix de signer ou pas le contrat sur l’opting out doit rester libre et doit être dissocié de la signature du contrat de stage. Soutenir la qualité de la formation dans chaque lieu de stage via l’établissement d’un cadastre de la qualité de la formation, et en veillant à faire respecter la mise à disposition des  4h de formation scientifique par semaine. Enfin, il est indispensable d’uniformiser la période d’arrêt en cas de grossesse et de veiller au strict respect de ce droit par le lieu de stage sous peine de sanction.

Les pistes d’actions globales 

L’organisation du système de soins dans son ensemble doit inclure cette notion de prévention et de prise en charge du burnout médical et des autres professions de soins de santé, sous peine d’être lui-même générateur de crises.

Cela commence par le soutien d’une justice organisationnelle au sein des institutions de soins de santé qui prend la forme d’incitants au respect de la personne et de ses valeurs, ainsi que de sa qualité de vie et de travail. Qu’est ce que la justice dans l’organisation? Il s’agit de “l’équité perçue des échanges prenant place dans une organisation, qu’ils soient sociaux ou économiques et impliquant l’individu dans sa relation avec ses supérieurs, ses subordonnés, ses collègues et avec l’organisation prise comme un système social”.

Ainsi la justice distributive, qui assure une juste répartition des tâches, qui reconnaît l’implication des médecins dans l’hôpital et dans la société, est un outil majeur de lutte contre l’épuisement émotionnel, lui-même signe cardinal de burnout. 

La justice procédurale, qui clarifie les processus de prises de décision, qui engage la collégialité et qui promeut la transparence dans la communication de l’information, est très utile pour combattre la dépersonnalisation et le désengagement, autres signes cardinaux de l’épuisement professionnel.

Le médecin doit donc être intégré dans les processus de décision et d’organisation au sein de l’institution ainsi que de façon plus large dans l’organisation des soins de santé eux mêmes.

Les politiques en charge des questions de santé doivent aussi veiller à la transparence et la qualité de leurs communications ainsi qu’au maintien d’une circulation de l’information non seulement top down mais également bottom up.

En 2ème lieu, le système de soins, qui soutient une informatisation médicale, doit veiller à ce que son usage en soit facilité et simplifié. Le médecin doit pouvoir travailler sur le dossier informatisé de façon aussi simple et intuitive qu’avec son smartphone. Des incitants financiers à l’installation de logiciels performants doit également être mis en place tant pour les généralistes que pour les spécialistes. 

De façon plus globale, l’organisation du système de santé ne doit pas céder à la logique de la commercialisation et de l’industrialisation des soins ce qui serait extrêmement néfaste tant pour le patient que pour son médecin. Ainsi, il est impératif de financer décemment les activités non cliniques et donc non rentables du médecin. Toutes ces activités, que ne permet pas une vision de rationalisation des soins, mais qui sont néanmoins indispensables à la qualité de la relation thérapeutique : peser l’éthique des décisions cliniques, donner des soins bio-psycho-sociaux, négocier la décision clinique, maintenir des contacts avec l’entourage du patient,  assurer la continuité des soins, dynamiser et superviser une équipe interprofessionnelle,…

Les 5 causes principales

Quand on sait que les 5 causes principales de burnout, selon une étude réalisée à l’automne 2018 auprès de 15000 médecins au USA sont : la surcharge administrative, les horaires de travail trop longs, l’informatisation, le manque de respect de la part de la direction ou de collègues et enfin, une rémunération trop faible. On ne s’étonnera pas que les conclusions du séminaire proposent de remédier prioritairement à ces problèmes afin de permettre enfin aux médecins, et aux soignants en général, de se sentir inspirés dans leurs perspectives de carrière et valorisés par et pour leur travail.  

> Hippocrate brûle-t-il? Burnout chez les médecins! ( Le programme )

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