Transfert des compétences: Lettre ouverte de l'ABSyM Wallonie aux cercles MG wallons.

Dans un e-mail envoyé individuellement aux responsables des cercles MG wallons, les Drs Herry et Simon se disent "extrêmement inquiets de constater notre isolement à vouloir faire obstacle à ce processus qui conduira au démantèlement de la médecine générale " à propos des transferts des compétences. Ils suggèrent aux cercles MG de veiller à ce que les positions qui seront défendues en leur nom par la FAGW, aux assises de la première ligne, soient soumises à l'approbation de son AG du 19 mars.

La lettre ouverte

Bonjour,

Nous nous permettons de rappeler aux cercles de médecins généralistes wallons que lorsque l’APB a vainement tenté de les convaincre à la FAGW de l'intérêt d’offrir au pharmacien l’accès aux diagnostics qui motivent chaque médicament que nous prescrivons (« l’indication dans Vidis » ), nous vous avions expliqué qu'on observait depuis quelques temps une multiplication de publications dans la littérature revendiquant l’accès d’autres professions des soins de santé à des compétences du médecin :

- la vaccination (1)
- le dépistage des maladies chroniques (2)(12)
- la surveillance des indicateurs biologiques en lien avec les médications (3)(13)
- la surveillance de l’apparition de problèmes de santé résultant des médications (4)
- l'adaptation de la posologie de médications à l’évolution clinique et biologique (4)(5)(6)(13)
- le renouvellement sans prescription de médications chroniques (4)
- l'interruption de médications chroniques sans avis médical (4)
- le traitement de problèmes de santé réputés « bénins » sur base de l’anamnèse. (10)(11)
- la délivrance libre de médications actuellement soumise à prescription médicale (1)(8)(9)
- le statut d’« avant-première ligne » qui juge si un patient doit ou non consulter un médecin. (11)

Nous vous avions donné les références des articles de la littérature relatifs à chacune de ces compétence revendiquées par les pharmaciens la plupart du temps co-auteurs de ces publications. Vous les retrouverez ci-dessous.

Bien que dûment documentée par la littérature, notre observation avait été qualifiée de « fake » par notre contradicteur habituel. Or l’actualité vient de nous apprendre la mise en oeuvre des deux premières étapes de ce processus : le projet de loi relatif à la vaccination par les pharmaciens a été déposé mardi par Franck Vandenbroucke au Parlement. Celui-ci vise à légaliser le droit pour les pharmaciens de vacciner ainsi que de ... prescrire.

Notre habituel contradicteur nous a reproché ensuite de « vouloir faire peur » aux cercles de médecins généralistes wallons quand nous vous avons dévoilé que la volonté du Ministre d’ouvrir la compétence de la vaccination aux pharmaciens ne serait en rien limitée à une période exceptionnelle liée à la pandémie. Il n’était pourtant pas sans ignorer que, dans l’exposé général du projet de loi, au troisième alinéa de la page 6, le Ministre prévoit qu'elle s’applique non seulement au vaccin contre le coronavirus mais également à celui contre la grippe. Au quatrième alinéa de cette même page est en outre exprimée sa volonté que cette loi s’applique non seulement aux pharmaciens mais aussi « à un maximum de professions capables d’effectuer une vaccination de qualité »

Le second alinéa de la page 10 du projet de loi nous apprend que le Conseil d’Etat avait émis un avis radicalement défavorable à cet octroi du droit de prescrire qu’il octroie aux pharmaciens. Le Conseil d’État déclarait celui-ci contraire au droit européen. Mais le texte du projet de loi déposé à la Chambre indique que le Ministre a décidé d’ignorer cet avis.

Dans les textes officiels, le transfert des compétences des médecins vers les autres professions de soins de santé porte le nom de SUBSIDIARITÉ

Nous rappellons que depuis deux ans nous sommes les seuls représentants de la profession à nous opposer catégoriquement à toute modification de la Loi sur l’Exercice des Profession de Soins de Santé (14° et 15°). A l’inverse, d’autres représentants des médecins généralistes, dans un communiqué , se sont montrés « disposés à envisager une adaptation » de cette loi afin d'autoriser aux non médecins d’exercer des compétences qui nous sont jusqu’ici exclusivement réservées grâce à cette loi. Ces compétences seraient exercées en toute autonomie et remboursées sans avoir été prescrites par un médecin.Ce transfert de compétences des médecins généralistes vers les non médecins ne peut être rémunéré que par des FINANCEMENTS TRANSVERSAUX.
Ceux-ci consistent à puiser dans l’enveloppe des honoraires des médecins généralistes le budget qui permettra de rémunérer d’autres professionnels de santé à exercer des compétences qui sont les leurs.

Nous sommes, bien entendu, favorables à la multidisciplinarité mais en aucun cas dans le cadre de la subsidiarité. Nous lui préférons celui de la DÉLÉGATION.

C’est précisément la délégation que prévoit la Loi sur l’Exercice des Profession de Soins de Santé : c’est le médecin qui « délègue, ( s’il le décide ), à un autre professionnel des soins de santé certains actes sous sa responsabilité et son contrôle » (15°). En pratique, le professionnel des soins de santé ne peut exercer des compétences du médecin que, si et seulement si un médecin les lui a prescrites. A défaut il se rend coupable au regard de cette loi d’un « exercice illégal de l’art médical » (14°)

Nous sommes extrêmement inquiets de constater notre isolement à vouloir faire obstacle à ce processus qui conduira au démantèlement de la médecine générale.

A ce titre, nous suggérons aux cercles de médecine générale de veiller à ce que les positions qui seront défendues en leur nom par la FAGW, aux assises de la première ligne organisées prochainement par l'AVIQ soient préalablement soumises à l’approbation de son assemblée générale du 19 mars 2022.

Docteur Luc HERRY, président de l’ABSyM Wallonie
Docteur David SIMON, représentant de l’ABSyM à la FAGW

  • (1°) https://www.apb.be/fr/corp/l-association-pharmaceutique-belge/le-fil-de-l-actualite/Actualites/Pages/vacciner-en-pharmacie.aspx
    APB : Vacciner contre la grippe en officine?
    « Offrir la possibilité de se faire vacciner contre la grippe en pharmacie pourrait, en effet, permettre d'améliorer la couverture vaccinale, surtout auprès de cette partie de la population qui ne consulte pas de médecin. » 

    (2°) https://www.lespecialiste.be/fr/actualites/depistage-du-diabete-a-neufchateau-nbsp-du-pharmacien-au-medecin.html
    Le Spécialiste : Dépistage du diabète à Neufchâteau : du pharmacien au médecin
    « « Etes-vous diabétique sans le savoir ? » est une campagne de dépistage gratuit organisée dans les trois pharmacies que compte Neufchâteau, … En fonction du score obtenu, une mesure d’hémoglobine glyquée par prélèvement capillaire est proposée. » 

    (3°) http://www.minerva-ebm.be/FR/Article/103
    Diminution des erreurs médicamenteuses grâce aux pharmaciens
    «  les médecins généralistes ont reçu un feed-back par voie informatique de la part des pharmaciens au sujet des patients pour qui les médicaments prescrits étaient susceptibles de représenter un danger ou qui étaient insuffisamment suivis au moyen d’analyses sanguines ; » 

    (4°)  http://www.minerva-ebm.be/NL/Article/2060 : 
    Minerva : Et si le pharmacien prescrivait des médicaments?
    «  Une étude canadienne, l'essai RxEACH ( 10), menée dans 56 pharmacies d'État de la province de l'Alberta, est allée plus loin. Les pharmaciens ont traqué de manière proactive les patients cardiovasculaires à haut risque et ont non seulement fourni des conseils pharmaceutiques, mais également ajusté les doses, prescrit de nouveaux médicaments ou réduit les médicaments jusqu'à l'arrêt du traitement. "
    «  divers ajustements fins, ordres de démarrage et d'arrêt ont été vu par patient dans toutes les classes de médicaments consultés (du diabète, en passant par les médicaments hypolipémiques aux antihypertenseurs). » 
    «  Dans la province de l'Alberta au Canada (ainsi que dans la plupart des États des États-Unis), les pharmaciens sont depuis longtemps honorés pour leurs dispenses de gestion des médicaments. » 

    (5°) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15745726/
    Pubmed : A randomized trial of a primary care-based disease management program to improve cardiovascular risk factors and glycated hemoglobin levels in patients with diabetes
    « Évaluer l'efficacité d'un programme de gestion de la maladie dirigé par un pharmacien et basé sur les soins primaires pour améliorer les facteurs de risque cardiovasculaire et les taux d'hémoglobine glyquée (A (1C)) chez les patients vulnérables dont le diabète est mal contrôlé. » 

    (6°) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10493325/
    Pubmed : Reduction in heart failure events by the addition of a clinical pharmacist to the heart failure management team: results of the Pharmacist in Heart Failure Assessment Recommendation and Monitoring (PHARM)
    « Cent quatre-vingt-un patients souffrant d'insuffisance cardiaque et de dysfonctionnement ventriculaire gauche (fraction d'éjection <45) en cours d'évaluation en clinique ont été randomisés dans une intervention ou un groupe témoin. Les patients du groupe d'intervention ont reçu une évaluation du pharmacien clinique, qui comprenait une évaluation des médicaments, des recommandations thérapeutiques au médecin traitant, une éducation des patients et une télésurveillance de suivi. » 

    (7°) OCDE : Renforcer la première ligne : comment les soins primaires aident les systèmes de santé à s’adapter à la pandémie de COVID-19 (ci joint) : Page 2 « messages clés » 
    « Redistribuer les tâches et responsabilités dans le secteur des soins primaires, notamment pour autoriser les pharmaciens à prolonger la validité des ordonnances et à prescrire des médicaments pour les maladies chroniques (États-Unis, France, Irlande ou Portugal). » 

    (8°) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042963228
    « Décret n° 2021-23 du 12 janvier 2021 relatif aux conditions dans lesquelles les pharmaciens peuvent délivrer des médicaments pour certaines pathologies» 

    (9°) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/organisation_transformation_systeme_sante
    Assemblée nationale : Organisation et transformation du système de santé
    «  Article 7 quinquies (nouveau) : Possibilité donnée aux pharmaciens d'officine, dans le cadre de démarches inscrites dans un exercice coordonné, de délivrer certains médicament selon des protocoles établis par la Haute autorité de santé (amendement AS1487 du rapporteur). » 

    (10°) https://www.eovi-mcd.fr/eovi-mcd-mag/mieux-comprendre/la-prescription-de-medicaments-par-les-pharmaciens-pour-ou-contre
    Eovi-mcd-Mag : La prescription de médicaments par les pharmaciens : pour ou contre ?
    «  Avec cet amendement, les pharmaciens pourraient donc « délivrer, sous protocole, des traitements actuellement prescrits sur ordonnance, dans le cadre de pathologies simples et du quotidien ».
    «  La liste est actuellement définie par la Haute autorité de santé (HAS) et comprend des pathologies bénignes comme la conjonctivite, la cystite, les angines ou encore la petite dermatite inflammatoire. Dans tous les cas, la délivrance de médicaments sans ordonnance devra être coordonnée par le pharmacien avec le médecin traitant, suivant un protocole établi par la HAS et après que l’officiant a reçu une formation adaptée.
    « Pour une pathologie simple comme l’angine, quelques questions suivies du test du coton-tige permettent de déterminer s’il s’agit d’une angine virale ou bactérienne. Les antibiotiques sont prescrits dans le second cas » argumente Thomas Mesnier. « De même, pour une cystite, les femmes reconnaissent les symptômes et ont juste besoin d’antibiotique ».

    (11°) https://www.maisonmedicale.org/Pharmacien-d-officine-un-acteur.html 
    Fédération des Maisons Médicales : Pharmacien d’officine, un acteur santé de première ligne ?
    « Quidam est une méthodologie structurée d’analyse des plaintes qui permet au pharmacien de référer vers le médecin de famille ou a contrario de proposer une médication de conseil ou de dispenser des modifications d’habitude de vie. » 

    (12°) http://www.minerva-ebm.be/FR/Article/181
    Minerva : Modification de comportement du patient : impact du médecin généraliste et du pharmacien
    « De multiples études ont montré l’efficacité de soins interdisciplinaires impliquant le pharmacien pour le traitement du diabète (8), des hyperlipidémies (9), de l’hypertension artérielle (10-12), de l’insuffisance cardiaque (13). » 

    (13°) https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/211442
    JAMA : A randomized trial of the effect of community pharmacist intervention on cholesterol risk management: the Study of Cardiovascular Risk Intervention by Pharmacists (SCRIP)
    «  Les pharmaciens ont mesuré le taux de cholestérol total sérique du patient à l'aide d'un appareil de test de cholestérol au point de service (Accutrend GC; Roche Diagnostics, Laval, Québec). » 

    (14°) Loi coordonnée relative à l’exercice des professions des soins de santé (LEPSS) 
    §Art. 3 §1er. Nul ne peut exercer l'art médical s'il n'est porteur du diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchementsobtenu conformément à la législation sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires ou s'il n'en est légalement dispensé, et s'il ne réunit pas, en outre, les conditions imposées par l'article 25.
      Constitue l'exercice illégal de l'art médicall'accomplissement habituel par une personne ne réunissant pas l'ensemble des conditions requises par l'alinéa 1er de tout acte ayant pour objet ou présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, soit l'examen de l'état de santé, soit le dépistage de maladies et déficiences, soit l'établissement du diagnostic, l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé, soit la vaccination.

    (15°) Loi coordonnée relative à l’exercice des professions des soins de santé (LEPSS) 
    Art. 23. § 1er. Le Roi peut, conformément aux dispositions de l'article 141, fixer les conditions dans lesquelles les médecins [2 et les dentistes]2 peuvent, sous leur responsabilité et contrôle, confier à des personnes exerçant une profession paramédicale l'exécution de certains actes préparatoires au diagnostic ou relatifs à l'application du traitement ou à l'exécution de mesures de médecine préventive. 

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Derniers commentaires

  • Charles KARIGER

    14 février 2022

    Allô ! Non mais, Allô quoi !
    Le médecin-plouc (Autrefois, les Anciens parlaient de "généraliste" ou encore d’"omnipraticien"; à présent cela paraît ridicule!) aura désormais les seuls droits de remplacer - gratuitement - le guichetier de la mutualité en matière d'encodage et de numérisation et d'établir les certificats d'aptitude à la pratique de la pétanque.
    En cas de formation complémentaire régulièrement remise à jour, il pourra remplacer les pansements simples posés par les Infirmiers/infirmières.