Enquête exclusive :  60% des généralistes francophones refusent de nouveaux patients

Les généralistes n’en peuvent plus ! On le sait bien. Surchargés, voire au bord du burn-out, ils en arrivent à refuser les nouveaux patients. Medi-Sphere a interrogé ses lecteurs à ce sujet. Pour Bruxelles et la Wallonie ensemble, deux MG francophones sur trois n’acceptent plus de nouveaux patients. Témoignages et commentaires viennent à l’appui

Début juillet, le quotidien De Standard publiait les résultats d’une enquête effectuée parmi les cercles flamands de médecins généralistes et révélait que 50 % des cabinets de MG flamands refusent de nouveaux patients. Et du côté francophone ? 

L’enquête menée en ligne par Medi-Sphere auprès des généralistes francophones à Bruxelles et en Wallonie nous apporte la réponse. Pas moins de 366 MG francophones ont répondu à nos questions. Une majorité, soit 60,66%, ne prend plus de nouveaux patients. En région de Bruxelles-Capitale, cela fait 51%, ce qui est comparable à la Flandre. En Wallonie, cela grimpe à 57%.

Quel type de MG refuse de nouveaux patients ?

S’agit-il surtout d’hommes ou de femmes ? Et quel âge ont-ils ? En Wallonie, 70% des femmes qui ont répondu disent refuser d’augmenter leur activité, contre 46% des hommes. En région de Bruxelles-Capitale, la différence entre les deux sexes est beaucoup plus réduite : parmi les répondants, 53% des femmes et 49% des hommes disent non aux nouveau-venus. 

Pour Bruxelles-Capitale, 57% des médecins généralistes de 36 à 45 ans compris, mettent un stop à l’extension de leur activité. C’est plus que chez leurs confrères de 46 à 55 ans compris, qui sont quand même 44% à le faire, tandis que 40% des 26-35 ans le font déjà. 

En Région Wallonne, ce sont ces plus jeunes qui refusent le plus de nouveaux patients : 80% d’entre eux appuient déjà sur le frein ! 

Le pourcentage reste néanmoins élevé dans les autres tranches d’âge, avec des refus chez 70 % des répondants, dans la tranche d’âge des 36-45 comme des 46-55 ans. 

La pratique en solo ou le milieu urbain sont-ils en cause ?

Deux autres recoupements tirés de l’enquête sont instructifs. Le premier concerne le type de pratique : à Bruxelles, 55% de ceux qui exercent en solo n’étendent plus leur activité, alors qu’ils sont proportionnellement 45% à le faire dans les pratiques de groupe et 40% « seulement » dans les maisons médicales. 

Au sud du pays, au contraire, c’est dans les maisons médicales et les pratiques de groupe qu’on rencontre la plus grande proportion de médecins qui refusent les nouveaux patients : 78% et 73%, respectivement.

En Wallonie, deux médecins sur trois font porte close pour les nouveaux patients en milieu urbain et un peu plus d’un sur deux en milieu rural. La ville semble donc inciter plus au refus. 

Le phénomène est-il récent ? A Bruxelles, 10% du groupe des « refusants » disent avoir adopté cette attitude depuis moins d’un an et 22% avouent pratiquer de la sorte depuis un à deux ans. Dans le sud du pays, 14% des répondants le font depuis moins d’un an, contre 20% depuis un à deux ans. Mais en groupant les pourcentages de généralistes qui agissent ainsi depuis les cinq dernières années, on en compte 45%, tant en Wallonie qu’à Bruxelles.

Pour quelles raisons ? 

Parmi les raisons invoquées par nos répondants, que ce soit à Bruxelles ou en Wallonie, on peut relever comme le plus souvent citées l’âge et la proximité de la retraite, les charges administratives, la qualité de vie, ou encore … le niveau d’exigence des patients et la méchanceté des gens. 

Du côté des syndicats médicaux, le Dr Paul De Munck, président du GBO, ne se dit pas surpris.. Il lie le problème au manque de réaction des ministres et autorités académiques, depuis des décennies, aux appels du GBO et d’autres leaders des généralistes. Le Dr Simon, administrateur de l’ABSyM, qui pratique dans le Borinage, ressent le problème de manière moins aiguë dans sa région. Mais il reconnaît que le profil professionnel des jeunes confrères n’est plus le même et qu’il faudrait en tenir compte dans la planification. Une planification au niveau régional améliorerait sans doute la situation. Pour le Dr Paul Vollemaere, secrétaire général du GBO, le terme de « refus de patients » est trop violent. Il préfère parler de « limites de la prise en charge en première ligne pénurique ». Il rejoint les critiques sur l’inertie passée des autorités. Mais il faudrait aussi, insiste-t-il, faciliter l’installation de jeunes confrères dans les zones en pénurie et améliorer les conditions de pratique. 

Interrogé début juillet sur la question du refus de nouveaux patients, le Dr Guy Delrée, du Forum des Associations de Médecins Généralistes (FAG), confirme lui aussi l’existence du problème. « Certaines communes sont en pénurie grave », nous dit-il, « et nous avons tous nos limites ». Il faut surtout souligner qu’il y a un fossé entre les estimations théoriques et la réalité. Les jeunes médecins fonctionnent différemment, le nombre des malades chroniques augmente et la population vieillit. 

Conséquence : les planifications sous-estiment largement la réalité de terrain. La pénurie de spécialistes tels que les rhumatologues, les endocrinologues ou encore les dermatologues, par exemple, se répercute aussi sur la charge de travail des généralistes, qui doivent se débrouiller pour prendre les patients en charge malgré tout. Dans ma région, explique le Dr Delrée, le nombre de dermatologues est passé de cinq à un. Que faire ? C’est encore plus flagrant en matière d’endocrinologie. Le nombre de patients diabétiques augmente sans cesse. Les diabétologues n’arrivent plus à suivre tous les patients difficiles ou complexes, dont un certain nombre reviennent chez le généraliste, qui lui-même n’a déjà pas toujours la possibilité matérielle de suivre les diabétiques « simples ».

Et ce ne sont là que les grandes lignes du débat…

Lire aussi:

50 % des cabinets de MG flamands refusent de nouveaux patients:  et du côté francophone ?

A quelles conditions un généraliste peut -il refuser de nouveaux patients ? (Ordre)

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