Au cœur de l’infection

Les patients avec comorbidité cardio-vasculaire sont à risque de sévérité accrue ou de décès en cas de COVID-19. Parmi les études publiées au cours de la quinzaine qui vient de s’écouler, certaines font état du risque thrombotique élevé tandis que d’autres tentent d’éteindre la polémique liée à l’utilisation des sartans. Enfin, ce n’est pas parce que le COVID-19 circule qu’il faut négliger les autres pathologies, en particulier cardio-vasculaires et oncologiques, en nette augmentation en termes de risque de décès depuis le début de la pandémie.

Un risque thrombotique (très) élevé (1)
Les causes de décès par COVID-19 ne sont pas toujours connues, ce qui a suscité de la part d’une équipe allemande la revue des données d’autopsie des 12 premiers patients décédés de cette maladie à Hambourg. Les auteurs ont retrouvé une très forte incidence de thrombose veineuse profonde (58%) tandis qu’un tiers des patients avait une embolie pulmonaire au départ d’une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs comme origine directe du décès (Figure 1). L’histologie a également démontré que 67% des patients avaient des lésions alvéolaires diffuses. Ces constatations suggèrent un rôle majeur de la coagulopathie associée au COVID-19 dans le processus menant au décès et impose de considérer aussi souvent que possible le recours à une thromboprophylaxie qu’aucun des patients de cette étude n’avait reçue.

Figure 1 A à C: aspects du poumon; D: Thrombose veineuse profonde

Polémique des sartans: suite (et fin ?)
Tout et son contraire a été dit à propos du risque lié à la prise de sartans et d’IEC de développer une infection sévère. Giuseppe Mancia et son équipe de l’université de Milan a revu dans ce cadre les données de 6722 patients avec atteinte respiratoire sévère et les a comparées à celles de 30759 contrôles appariés, et montré que si les patients sous sartans et IEC sont plus nombreux dans le groupe étudié, c’est le cas également pour les autres antihypertenseurs (2). Ces patients, qui étaient aussi plus fréquemment atteints d’autres affections cardio-vasculaires à risque, n’étaient cependant pas plus à risque de développer une infection sévère, conclut-il.

Mandeep Mehra (Boston) est allé un pas plus loin en analysant les données de 8910 patients COVID-19 admis dans 169 hôpitaux en Asie, Europe et Amérique du Nord (3), et constaté d’abord que le risque de décès à l’hôpital est plus élevé chez les personnes âgées de >65 ans (OR=1,93 ; ce qui n’est pas un scoop !), ou atteints de coronaropathie (OR=2,70), d’insuffisance cardiaque (R=2,48), d’arythmie (OR=1,95), de BPCO (OR=2,96) et de tabagisme actif (OR=1,79). Il n’a par ailleurs pas constaté d’augmentation du risque avec les IEC, que du contraire (OR=0,33), ou de sartan (OR=1,23). La consommation de statines semble également réduire le risque (Figure 2).

Figure 2: Prédicteurs indépendants d’un décès à l’hôpital

Enfin, ACER-COVID, une étude initiée par l’université de Lille a constaté de son côté que la proportion de patients sous sartans et sous ICE n’augmentait pas avec la sévérité du COVID-19, sauf peut-être pour les patients admis en USI (OR=1,56), et plus particulièrement chez les obèses, ce qui permettait à Luc Dauchet et coll. de conclure qu’il n’y a pas lieu d’arrêter un sartan lorsque se développe une infection COVID-19 (4).

Un excès de mortalité de toutes causes
Une étude observationnelle écossaise a constaté un excès de mortalité de cause cardio-vasculaire (15%) ou oncologique (14%) autour de la période de pandémie (5), ce qui est préoccupant et pose questions sur la cause réelle de cet excès de mortalité : est-il lié au COVID19 dans une population particulièrement sensible ? Aux réticences de ces patients à risque de consulter en cas de signes d’alarme ? A un retard de diagnostic lié aux priorités accordées par les soignants à la prise en charge des patients COVID-19 ?

Quoi qu’il en soit, cet excès de mortalité se retrouve dans une étude européenne où seul le Portugal semble s’en tirer ‘avec les honneurs’ et avec une intensité différente et une courbe de progression différente selon les pays étudiés (Figure 3)(6).

Figure 3: Excès de mortalité observé dans 5 pays européens

Enfin, une étude italienne qui a analysé les décès dans cinq régions, celles de Bergame, Brescia, Crémone, Lodi et Piacenza, particulièrement atteintes par la pandémie, a constaté que plusieurs centaines de décès excédentaires ont été enregistrés, essentiellement dans les tranches d’âge >70 ans. Pire, l’espérance de vie globale a rejoint celle qui prévalait il y a 15 ans avec une réduction moyenne de 5,1 à 7,8 ans chez l’homme et 3,2 à 5,8 ans chez la femme (Figure 4)(7).

Figure 4: Evolution de l’espérance de vie dans 5 provinces italiennes

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    1. Wichmann D, et al. Autopsy Findings and Venous Thromboembolism in Patients With COVID-19: A Prospective Cohort Study. Ann Intern Med. 2020;10.7326/M20-2003.
    2. Mancia G, et al. Renin-Angiotensin-Aldosterone System Blockers and the Risk of Covid-19. N Engl J Med. 2020;NEJMoa2006923.
    3. Mehra M, Desai S, Kuy S, et al. Cardiovascular Disease, Drug Therapy, and Mortality in Covid-19. N Engl J Med. 2020;NEJMoa2007621.
    4. Dauchet L, et al. ACE inhibitors, AT1 receptor blockers and COVID-19: clinical epidemiology evidences for a continuation of treatments. The ACER-COVID study. doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.28.20078071
    5. Figueroa J et al. Trends in excess cancer and cardiovascular deaths in Scotland during the COVID-19 pandemic 30 December 2019 to 20 April 2020. doi: https://doi.org/10.1101/2020.05.02.20086231
    6. Félix-Cardoso F, et al. Excess mortality during COVID-19 in five European countries and a critique of mortality analysis data. doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.28.20083147
    7. Ghislandi S, et al. News from the front: Excess mortality and life expectancy in two major epicentres of the COVID-19 pandemic in Italy. doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.29.20084335

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