« Pourquoi j’abandonne le métier de médecin » (Dr Jacques Hennebert)

Jacques Hennebert est généraliste à Villers-Poterie, près de Charleroi. Le 1er août, il raccrochera son stéthoscope, cinq ans plus tôt que ce qu’il projetait initialement. Pour lui, « la régionalisation nuit gravement à la santé ». « Les conditions de travail imposées par népotisme, j'en ai marre. »

« Mes propos vont peut-être paraitre violents, mais je n’ai pas de porte de derrièreEn lisant l’article de Medi-Sphère Plan vaccination : « la Wallonie a engagé un consultant au lieu de profiter de l’expérience des généralistes, j’ai eu un coup de colère, moi qui suis d’habitude d’un tempérament calme. On va choisir des gens qui ne connaissent pas le terrain et on omet de nous demander notre avis (*). Nous ne sommes pourtant pas les derniers des imbéciles ! »

« C’est décidé, le 1er août, j’arrête. J’aurai alors 65 ans. Pourtant, j’avais prévu de continuer à exercer jusque 70 ans, mais dans ces conditions, j’abandonne le métier. Pour l’exprimer, un peu grossièrement, comme me le confiait un confrère français de Grasse il y a 12 ans déjà, on prend vraiment les médecins pour des sous-merdes. On prend des décisions qui nous concernent directement mais dont nous sommes exclus. »

« Pourquoi par exemple faut-il obliger les médecins, pour le suivi de la vaccination covid, à se servir d’un ordinateur - et à y passer des heures s’ils n’ont pas l’habitude ? Il aurait été plus efficace d’en revenir à une carte de vaccination papier où l’on aurait inscrit d’administration des deux doses. »

« J’ai en face de moi une patiente de 92 ans. Elle me demande comment ça va se passer pour elle, pratiquement, la vaccination covid. Elle n’est pas la seule. Tout le monde me pose la question. Or, en tant que médecins de famille en contact direct avec la population, nous n’avons reçu aucune feuille de route de nos 8 ou 9 - finalement on ne sait plus exactement combien il y en a… - ministres de la Santé ! Donc, impossible de répondre. La régionalisation a tout foutu en l’air dans les soins de santé et multiplié les intermédiaires. »

« Vous savez, je ne fais que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Moi, avec les patients, je vois les coulisses, j’entends ce que pensent les gens. Ça va péter. Que les ministres fassent attention, car la confiance dans la classe politique est totalement perdue dans l’opinion. Surtout depuis la régionalisation, qu’on a organisée pour recaser ses amis et sans consultation populaire. »

(*) cet article relate la sélection d’une société française de consultance pour définir, notamment, l’emplacement et la capacité des centres de vaccination wallons, en faisant fi de l’expertise des cercles

Lire aussi:

Des médecins fatigués, dont un quart pense quitter la profession (Enquête Sciensano)

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Derniers commentaires

  • Michel PANAYOTOU

    16 février 2021

    Entièrement d’accord avec vous cher confrère moi je suis à Charleroi y’a cinq généralistes qui ont arrêté en même temps je suis complètement submergée par la vague de tsunami est un nombre incroyable de demande par les divers méthode informatique WhatsApp mail

  • Jean-Claude LEEUWERCK

    10 février 2021

    Bonjour, mes Chères et Chers Collègues,

    Je présente à Madame Narcisse, du fond du coeur, mes plus sincères condoléances et d'avoir beaucoup de Courage . J'ai également perdu mon Epouse il y a peu de temps et c'est une Tristesse Infinie... Elle me manque Beaucoup...
    Bien que pensionné, je vois encore quelques rares Patient(e)s, ce qui occupe mon mental, et les deux mots-clés de ces consultations restent confiance et conscience.

    Pour le reste, effectivement, digitalisation aidant, la Médecine de demain n'aura plus d'âme...

    Récemment, une Patiente m'a envoyé une photo de ses hémorroïdes (un genre de selfie si vous voulez), me demandant si je soignais par téléphone. J'ai répondu que non, et sûrement pas à l'heure de table... (il était midi et demie...)

    A tout le monde, Bon Courage, ça va aller...

    Docteur Jean-Claude Leeuwerck.

  • Philippe FLORIVAL

    06 février 2021

    Idem Docteur Dubois...

  • Alain PIERSON

    06 février 2021

    Et ce n'est que la pointe de la pointe de l'iceberg...

  • Eddie BRUYR

    05 février 2021

    IDEM

  • Dominique NARCISSE

    04 février 2021

    Quel chagrin... j’ai 67 ans. A 65 je me suis dit , si possible ok jusqu’à 75 mais l’accréditation t’oblige à des seuils minimum. Ou faudra en faire le deuil. Puis ce covid qui me ferait bien changer d’avis.. vaccinée hier grâce à notre Fede associations de MG de Bxl. Mais lundi mon mari est décédé... me voilà probablement obligée de continuer dans 10 j. Comptes bloqués. Tout le poids de la terre sur les épaules... Courage mes amis , une éclaircie arrivera. Les syndicats ne disent rien. Ne devra-t-on pas se révolter contre ces bouffeurs de titres et pensions ? Même un commissaire covid ! Avec une assistante ! Un ancien conseiller de maggy !! Et sûrement payé !!! + Secretariat ?!

  • David DUPONT

    04 février 2021

    Ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont. Certains se préparent une longue carrière....

  • Charles KARIGER

    04 février 2021

    Consœurs, Confrères, soyez réalistes et prévoyants. faites tout ce qui est en votre pouvoir pour dissuader vos enfants de suivre vos traces.
    Autrement, leur avenir sera gâché; financièrement, bien sûr mais surtout en termes de "cœur de métier". Ils devront avant tout être DOCILES.
    Suivre les normes, les algorithmes, les ukases des guichetiers des mutualités, des régions, de l'INAMI, etc. Ils devront remplir tous les formulaires pondus par Pierre, Paul et Jacques.

  • Jacqueline DUBOIS

    04 février 2021

    Bien dit! Effectivement vous écrivez noir sur blanc ce que nous pensons tout bas. Je raccroché mon stéthoscope définitivement le 31 décembre dernier, écoeurée par ce qu'est devenu ce métier pour lequel je me suis pourtant donnée corps et âme. Ce que le "politique" a fait de nous se répercute forcément sur l'opinion du public en général ( du plus jeune public en tout cas) et c'est bien dommage... Je pars cependant le cœur tranquille, personne ne m'enlèvera jamais la confiance que les patients m'ont accordée durant toutes ces années.
    Dr. J. Dubois