«Les outils informatiques ne progressent pas assez vite» (Dr Paul Vollemaere)

Pour le Docteur Paul Vollemaere , MG à Bruxelles, les problèmes qui conduisent à la surcharge des généralistes sont divers et intriqués. Par exemple, les lacunes des logiciels d’échanges d’informations mis à la disposition du médecin généraliste entravent la qualité des soins. Et elles ne sont pas totalement étrangères à la pénurie de médecins. 

Je suis déjà bien avancé dans ma carrière de médecin généraliste et je ne peux m’empêcher de clamer mon impatience. On parle de pénurie de médecins et de la difficulté de terminer sa pratique pour ne pas abandonner des patients qui ne retrouveraient pas de médecin traitant. Pour ma part, j’ai fait le choix de continuer, par solidarité envers les malades. C’est un choix réfléchi. Si j’arrêtais de pratiquer, je sais fort bien à quoi je pourrais m’occuper.

Quant au refus de nouveaux patients, à 68 ans je ne peux leur promettre une prise en charge dans la durée. Je fais ma part en continuant à gérer un bon millier de patients. Il y a 12.000.000 d'âmes en Belgique pour 10.000 équivalents temps plein de médecins généralistes (estimation de l'INAMI). Cela fait un maximum de 1.200 patients par généraliste. Chose importante à relater, sur les 5 à 8 personnes qui m'appellent chaque semaine à la recherche d'un médecin, ce que j'entends souvent c'est que lors de de vacances ou d'absence, beaucoup de consoeurs et confrères négligent de nommer un remplaçant. Ou parfois ils réfèrent simplement à la garde, ce qui n'est pas son rôle en jour ouvrable. D’autres généralistes sont difficiles à joindre et ne disposent que d'un télésecrétariat, voire seulement un agenda en ligne. Quand il n'y a pas de rendez-vous possible avant 3 jours pour un état fébrile, on voit ce que cela peut donner... Je trouve tout cela inadéquat en médecine de première ligne et irrespectueux des patients et de leurs besoins.  

Mais le seul problème n’est pas là. On gagnerait beaucoup de temps et de qualité en médecine si on disposait d’outils informatiques performants. La réalité est tout autre : cela ne va pas assez vite et pas assez loin.  Je m’intéresse de fort près à l’informatique pour le cabinet médical et je suis informatisé depuis 1990. J’avais rêvé d’un cabinet sans papier. On en est loin. Mon principal souci est la qualité des soins et le bon suivi de mes patients. Et ce n’est pas pleinement possible. Je ne fais pas seulement allusion aux petits bugs qui émaillent la journée de travail, que ce soit sur e-Health ou lorsqu’il s’agit de consulter le statut d’assurabilité d’un patient. Le vrai problème, c’est que des données manquent, que l’information est trop souvent partielle. Il n’est pas toujours possible de savoir si un patient donné est engagé ou non dans un trajet de soins. Il n’est pas toujours possible de savoir s’il bénéficie du tiers payant. Et il arrive que je doive à nouveau cocher la détresse financière pour l’application du tiers-payant, alors que celui-ci est libéré pour tous les affiliés depuis le premier janvier 2022. 

Il y a plus navrant encore : il n’existe toujours pas de dossier médical unique et partagé où toutes les informations se retrouveraient. On doit systématiquement s’introduire dans différents systèmes de manière successive pour avoir une vue d’ensemble correcte de la situation d’un patient. Que de temps perdu ! Quand on parle de pénurie, il est clair que les médecins pourraient déjà gagner du temps si un dossier unique existait. Et la qualité des soins, elle aussi, s’en ressentirait positivement. 

Il n’est pas étonnant que certains confrères, proches de la fin de carrière et sans doute peu versés en informatique, aient abandonné prématurément la profession. Pareille situation les a découragés. Mais le résultat, c’est que des personnes qualifiées qui auraient encore pu être très utiles à la société et aux patients, se sont retirées du circuit. Voilà encore un aspect qui a joué dans la pénurie de médecins généralistes, même si son impact sur la démographie médicale n'est sans doute pas majeur. Heureusement, tous les seniors n’ont pas quitté la profession. S’il n’y avait pas d’aînés qui jouent les prolongations, ce serait encore pire. La relève vient mais il faudra du temps avant que cela ne soit effectif. C’est vrai dans la pratique quotidienne comme dans la défense professionnelle. 

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Derniers commentaires

  • Alain COLLIGNON

    10 novembre 2023

    Vous devriez regarder et écouter Aurélien Barault (astro-physicien ) ! Ce qu'il pense de l'IA et en particulier de Chat GPT. . . entre autre .