«La rémunération au forfait ne garantit pas la qualité» (Dr David Simon)

La rémunération au forfait est l’obsession de nos Ministres, tant au niveau Fédéral que Régional. Ils n’ont de cesse de marteler que le médecin honoré à l’acte offre une médecine de moindre qualité que celle du médecin rémunéré au forfait.  Notre Ministre joue avec le feu car le risque est grand que l’objectif qu’il affirme poursuivre, l’amélioration de la qualité de la prise en charge des malades chroniques, s’effondre au contraire comme un château de cartes. Si la dernière étude du KCE sur les soins intégrés apporte de l’eau à son moulin, elle n’apporte aucune justification objective à une position exclusivement idéologique.  
On cite souvent en exemple des pays comme le Royaume Uni et la Hollande où la rémunération des médecins est forfaitaire pour en vanter la qualité des soins dispensés par la médecine générale. La qualité des soins rémunérés au forfait est si remarquable que les patients qui souhaitent des soins de qualité en sont réduits à se tourner vers la médecine privée. On omet par contre systématiquement de parler de la situation lamentable de l’Espagne, de la Grèce et de l’Italie en matière de soins de première ligne.  Là aussi les patients n’ont souvent d’autre choix que de se tourner vers le privé.  Mais la consultation chez un « dottore a pagamento » c’est à dire « médecin que tu paies»  coûte de 300€ à 500€.  Quant aux patients patients les plus fortunés, ils paient souvent des sommes folles pour venir se faire soigner en Belgique. 

Le Ministre omet dans son argumentation le fait que dans les pays où la médecine est forfaitaire, le délai de l'accès du patient à un médecin généraliste dépasse la semaine.  Rowan Atkinson qui n’est ni médecin et ni auteur d’articles dans le New England of Médecine l’a parfaitement illustré dans son film culte « Mister Bean - The hospital visit ».  

La seule chose qui compte aux yeux de notre Ministre est que dans ces pays il n’y a pas de dépenses « superflues » car dès que le budget est fixé, il n’y a plus de modifications ni de dépassement.  Présenter la médecine forfaitaire comme la possibilité des économies est un postulat audacieux.  Ce mensonge s’appuie sur une étude du KCE vieille de quatorze ans biaisée par le fait qu’y fut minimisé le fait que, pour les patients diabétiques et dialysés, les dépenses de santé occasionnées par les médecins honorés à l’acte étaient inférieures à celles des MG rémunérés au forfait.  

Le coût pour le contribuable des honoraires pour la prise en charge moyenne d'un patient par un médecin rémunéré au forfait représente de 150 à 200 % de celui d’un médecin honoré à l’acte et ce ratio ne cesse d’augmenter.  

Pour légiférer sur un sujet aussi sensible, il est nécessaire de réaliser une étude d’impact. Il est donc souhaitable de reprendre à zéro l’étude du KCE de 2008 en tenant compte cette fois du nombre de pathologies chroniques dont souffrent les patients.  La nouvelle étude devra aussi tenir compte de la proportion des patient pris en charge au domicile des patients.  Ce derniers étant le plus souvent physiquement, psychologiquement ou socialement incapables de se déplacer parce qu’ils cumulent plusieurs maladies chroniques. 

Le tabou absolu autour de la sélection des patients par certaines pratiques forfaitaire est brisé.  Sur le terrain on observe que des patients qui nécessitent une prise en charge plus lourde, en particulier à leur domicile se voient à l’occasion refuser l’accès à la prise en charge forfaitaire. Des contrôles sont d’ailleurs en cours par les services de contrôle de l’INAMI tant ce phénomène devient inquiétant dans certaines maisons médicales. 

Si nos Ministres tiennent tant à en augmenter la part des forfaits dans nos revenus, nous n’y voyons aucune objection, mais nous refusons fermement que la majoration des forfait soit financée par une diminution des honoraires à l’acte ou par celle de son indexation chaque année.  S’ils souhaitent promouvoir la multidisiplinarité, nous refusons avec la même fermeté que les revenus des autres professions qui exerceront des compétences du médecin généraliste soient financés par ponction sur l’enveloppe des honoraires de la médecine générale.  

Or c’est ce que Frank Vandenbroucke vient de faire en amputant d’autorité notre budget dans une grande proportion pour financer des projets transversaux dispendieux dont nous doutons, pour la majorité d’entre eux, de la pertinence. 

Il faudra donc que nos Ministres mettent la main à la poche … mais pas dans la nôtre !

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Derniers commentaires

  • Christian GERON

    07 octobre 2022

    tout à fait d'accord les 2 sortes de médecine doivent coexister ;au patient de choisir ce qui lui convient

  • Jean Fontaine

    06 octobre 2022

    C'est toujours le même principe dans beaucoup de maisons médicales au forfait (presque une business plan...) : inscrire le maximum de patients qui dérangent le moins possible, comme fonctionnent les assurances : un maximum de clients avec le minimum d'accidents à indemniser...

  • Jean-Louis MARY

    06 octobre 2022

    Très bonne analyse de david Simon; il n'y a pas besoin d'interroger le KCE ; les chiffres parlent d'eux même:neuf patients sur dix choisissent le système de soins offerts par la médecine libérale à l'acte plutôt que celui proposé par les Maisons Médicales.
    Les patients n'ont ils pas encore accès au libre choix ? non selon les intentions de VDB qui veut nous imposer un système de soins stalinien.
    Compétences de VDB: économiste de formation, connaissances médicales 0
    Compétences de Moréale: criminologue de formation, connaissances médicales 0
    Les hôpitaux, quant à eux, multiplient les actes médicaux pour combler leurs déficits de fonctionnement avec la bénédiction des autorités.
    Il serait temps de se réveiller, les syndicats médicaux de l'ensemble du pays doivent se mobiliser pour arrêter ce délire.

  • Michel SIMONS

    06 octobre 2022

    nos ministres sont idiots, ils devraient se renseigner un peu avant d'affirmer de pareilles inepties ,
    en Angleterre la situation est catastrophique et les pays bas pensent à revenir à l'acte
    une consultation ONE coute beaucoup plus qu'une consultation normale