La médecine générale doit revenir aux sources (Dr Frederik Kao)

À Essen, près d’Anvers, 1 500 patients se retrouvent abandonnés à leur sort après la fermeture du cabinet d’un médecin généraliste de 42 ans. L’administration communale a annoncé qu’elle allait proposer l’application Doktr à ses habitants. La création d’une telle situation par le décrochage d’un seul médecin généraliste met au jour la crise systémique qui touche la médecine générale en Flandre. Et il n’y a qu’une solution : un retour aux sources !

Dans sa quête d’une solution pour les 1 500 patients sans médecin généraliste (les autres cabinets généralistes n’ont plus aucune capacité), la commune d’Essen a notamment décidé de collaborer avec la plateforme numérique Doktr. Grâce à cette application de Proximus, les habitants d’Essen peuvent demander une téléconsultation avec un médecin. Essen a également publié une offre d’emploi pour un médecin généraliste prêt à prester quelques heures de consultations par semaine à l’AZ Klina. 

Soyons clairs : je ne blâme pas l’administration communale d’Essen, ni le bourgmestre Van Tichelt. Ils collaborent avec Proximus par nécessité. Ce n’est pas la faute de l’administration communale si la médecine générale est devenue si fragile que le départ d’un seul médecin généraliste déclenche une crise.

Le médecin généraliste, qui travaille seul ou en duo dans un cabinet, reste le cheval de bataille de la médecine générale. Sa disparition créera des situations similaires à celles d’Essen. La vague de mises à la retraite massives des médecins généralistes de la génération du baby-boom qui travaillent en solo provoquera bientôt des situations problématiques dans toute la Flandre. Une situation qui met au jour une crise systémique dans la médecine générale. Le “petit” médecin généraliste fait depuis des années l’objet de discriminations et est poussé vers la sortie. L’accent porte trop sur les instituts, les structures et les formes de cabinet, et trop peu sur le «simple exercice de son métier».

Tout commence par l’endoctrinement des jeunes aspirants médecins généralistes, qui entendent avec une régularité lassante que le cabinet individuel est révolu, et que l’avenir réside dans les grands cabinets, de préférence pluridisciplinaires, ce qui réduit fortement le nombre de consultations disponibles par médecin. En plus des académies de médecins généralistes, il existe malheureusement aussi des associations de médecins généralistes qui tiennent ce même discours alarmiste.

Ce sont par ailleurs ces mêmes institutions et organisations qui ne voient pas d’inconvénients à ce que la profession s’érode systématiquement et que d’autres prestataires de soins de santé briguent les tâches principales du médecin généraliste. Elles préfèrent aller dans le sens des pouvoirs publics. L’inflation de fond de la profession de médecin généraliste n’aura jamais été aussi forte.

Mon message à leur intention est clair : «Tirez vos conclusions. Soit vous continuez à mener des réformes dévastatrices et à corrompre les esprits des jeunes collègues. Soit vous prenez conscience qu’il est temps de sauver la médecine générale d’une reprise totale par d’autres prestataires.»

Quelle est ma proposition concrète ? Un retour aux sources !

Nous devons renouer avec l’essence de la médecine générale. Et également avec la médecine à la prestation. Il est normal que le praticien qui travaille dur et assume de nombreuses consultations gagne plus que celui qui accepte peu de consultations ou est moins disponible. Fini de privilégier la médecine au forfait ou les centres de santé de quartier. Favoriser les cabinets pluridisciplinaires, applications médicales et maisons de santé ne résout rien. Ils ne servent qu’à masquer une crise qui éclatera bientôt partout (...)

Réhabilitez le petit médecin généraliste avant qu’il ne soit trop tard !

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Derniers commentaires

  • Catherine LE CLEMENT DE SAINT-MARCQ

    18 février 2022

    c'est tout à fait vrai, rien ne vaut le médecin généraliste qui connait ses patients et veille sur eux;
    J'exerce depuis 40 ans je sais de quoi je parle. Les politiques ont voulu nous tuer, le résultat il est fantastique, les patients sont désemparés et encombrent les services d'urgences, où on fait des tas d'examens car on ne connait pas le patient et cela coûte plus cher à la société. Il y a aussi les patients qui ont changé et ont besoin de tout tout de suite, comme on tape sur un smart phone pour avoir l'info tout de suite. Phénomène de société; C

  • Anne RUELLE

    18 février 2022

    Tout a fait d'accord????et stop aux paperasses !!laissez le temps a la formation continuée plutôt que des formulaires a remplir..

  • David DUPONT

    18 février 2022

    Bien dit....Et surtout très juste.

  • Michel DEDEE

    18 février 2022

    Bravo cher Confrère,
    Vous avez tout à fait raison !
    Je suis un médecin généraliste en zone rurale et issu du "baby-boom", donc pas de toute première jeunesse.
    Je vous confirme que la situation est la même en Wallonie.
    Il faut donc envisager non seulement un retour aux sources bien sûr mais une politique fédérale différente quant au nombre de numéros INAMI attribués. Actuellement, c'est une honte et un affront à toute la population.
    Mais on a les ministres de la santé qu'on mérite ! Et ce ne sont pas des cadeaux!
    Dr M. Dedée - Warsage (Région liégeoise)

  • Yvan MOUTON

    18 février 2022

    Oui, mais il faut revaloriser considérablement les honoraires. Effectuer une bonne consultation en moins de 20 minutes est impossible selon moi, sauf à sacrifier la qualité. Faisons le compte: 3x30 euros par heure, taxés à 50 % en personne physique, cela fait 45 euros net par heure, sans avoir déduit les charges et frais. Ridicule pour ce niveau de compétence et de qualification. Pourquoi croyez vous qu'il y a tant de burn-outs dans la profession? Par épuisement par la recherche d'un minimum de rentabilité, quand la santé physique le permet en plus.
    Y. Mouton

  • Charles KARIGER

    17 février 2022

    Voici des années, de très nombreuses années que des médecins tiennent ce langage et le répètent sans remarquer que leur doux babil n'intéresse pas la population. "Les gens" ne sont pas du tout intéressés par ces considérations, ces appels, ces cris de désespoir, ces mises en garde car il y a longtemps qu'ils sont passés à autre chose. Pour eux, c'est fait. Et depuis longtemps.
    Voici bien quarante ans déjà, les Chambres Syndicales (aujourd'hui ABSYM) hurlaient lorsque Test-Achats, le magasine des consommateurs, évaluait certaines prestations médicales alors que c'était déjà révélateur d'une évolution presque aboutie.
    La médecine était DEJA devenue une MARCHANDISE COMME UNE AUTRE. C'est irréversible.
    Et elle est PRODUITE (rappel: le Ministre VDB, le chef d'orchestre, est un économiste!) non pas par des médecins ou des infirmiers mais par l'INDUSTRIE de la SANTE.
    Il est grand temps de nous adapter à cela et, surtout, d'en informer les carabins et tous les ados qui envisagent ces carrières.
    L'avenir est une prise en charge par les pouvoirs publics grâce à un réseau de dispensaires UTILISANT (surtout) des "officiers de santé" et des médecins, infirmiers, podologues, etc.
    En espérant que ce ne soit pas, surtout pas, sous la férule de l'industrie privée (Voir la fondation Kaiser aux USA, Orpéa, Ramsay et surtout Korian-Medica, plusieurs de milliards de chiffre d’affaire annuel chacun, souvent dans plusieurs pays, les groupes CERBA, MEDIQ,… tout ce que l’on appelle depuis quelques années la GIGA-HEALTH). Déjà, chez nous, combien de succursales de la vente de prestations de biologie clinique de la multinationale allemande SYNLAB International GmbH cotée en bourse de Francfort (www.synlab.com)?
    Voici des années que les textes réglementaires ne nous décrivent plus comme sages-femmes, médecins, infirmiers, pédicures, kinésithérapeutes, etc mais "en vrac" comme "praticiens professionnels".
    Dernier gag du spectacle: l'affichage du prix de la marchandise en salle d'attente: côte de veau, hachis de bœuf, consultation, rosbif, visite en soirée, cervelas, etc.
    Prochaine étape: cette affiche devra probablement être lisible depuis la voirie publique.
    S'il vous plaît, Consœurs, Confrères, Hypoconsœurs, abandonnez vos rêves surannés. Pour rencontrer "le bon docteur", il n'y a qu'à ouvrir les romans. Les romans anciens...

  • Louis LANGE

    17 février 2022

    bon avis mais resta à convaincre la jeune génération

  • Fernand LENOIR

    17 février 2022

    A 100% en accord avec ce confrère. Le problème est identique en wallonie. Le médecin de FAMILLE disparaît à grande vitesse. Beaucoup de généraliste gagnent reès bien leur vie en faisant travailler des "assistants" à leur place
    J'ai professé pendant 57 ans en solo, avec grand bonheur, quelquefois 18 à 20 h. par jour, étant MEDECIN de FAMILLE, faisant partie de la famille de mes patients, partageant leurs peines, leurs joies, leurs difficultés : c'est la vraie richesse de la médecine générale !
    La science est indispensable, nous devons la cultiver, mais le contact humain est irremplaçable et c'est ce qui distingue la médecine générale des médecines spécialisées.
    Malheureusement cette médecine générale, que j'ai, connue et chéri, me semble en voie de disparition, le patient allant au centre médical, sans savoir éventuellement quel médecin il rencontrera, un peu comme s'il allait faire ses courses au supermarché. Travailler en solo ne veut pas dire être isolé, il est primordial de pouvoir compter sur ses confrères en cas de besoin.

  • Erwin VUYTS

    17 février 2022

    Tellement vrai et tellement trop tard.. Le MG solo est un des derniers dinosaures en liberté qu'il faut éradiquer pour pouvoir enfin tout réglementer et tout cadrer.
    Comme cela on aura un bon système de fonctionnaires médicaux dociles à l'anglaise, par contre les patients britanniques rigolent beaucoup moins (enfin qui survivent au listes d'attente ...)

  • Romina Rabante

    17 février 2022

    Je suis pour également

  • Dominique BUREL

    17 février 2022

    Enfin quelqu'un qui voit clair !
    Je suis complètement du même avis , je suis un de ces petits généraliste qui travaille " à l'ancienne "