"Il n’est pas utopique ni inutile de recourir à la seule arme à notre disposition" (J. de Toeuf)

Les événements récents autour de la dénonciation potentielle de l’accord médico-mutualiste ont suscité de nombreuses réactions. Une mise en perspective s’impose.

Dès le début des années 90, il est apparu que les gouvernements ne se sentaient plus liés aux dispositions des accords qu’ils avaient cependant validés, approuvés et publiés au Moniteur. L’ABSyM a dès lors fait inscrire dans tous les accords des clauses de résiliation. C’est devenu encore plus nécessaire quand la durée des accords est passée à deux ans (sauf exceptions).

En 1992 (93?) le gouvernement Dehaene impose un saut d’index. Nous rompons l’accord, les honoraires sont libres, le gouvernement ne prend aucune mesure de contrainte, il n’y a pas de « dérapage » des honoraires, les médecins se contentant d’augmenter très modestement ou pas du tout leurs honoraires. En compensation, l’accréditation est mise en œuvre, assortie d’honoraires plus élevés. Un nouvel accord est signé l’année suivante.

En 1998 (Dehaene - De Galan - Colla), les députés flamands Lenssens (mutuelle chrétienne) et Vermassen font voter une loi interdisant les suppléments d’honoraires pour patients hospitalisés. La menace de dénonciation de l’accord résulte en la mise au frigo de la disposition, qui ne sera jamais appliquée. Une loi corrective  sera publiée en 2001, par le ministre Vandenbroecke après négociations avec l’ABSyM: pas de suppléments pour patients BIM en chambres à deux lits ou plus.

En 2016, la ministre De Block impose unilatéralement des économies drastiques à l’Assurance Maladie : réduction de la norme de croissance, économies nettes dans l’année par réduction de valeur des actes, sans aucune concertation. L’accord est rompu en janvier 2017. Pour une fois, le Cartel monte dans le train.Les négociations de sortie de crise démarrent aussitôt. Résultat: quatre avancées majeures, dont la modification des procédures de vote sur le budget au Comité de l’Assurance, réduisant le pouvoir excessif des mutuelles, et la mise à l’agenda du thème majeur des relations entre gestionnaires hospitaliers et médecins (conseil médical). C’est ainsi que la loi promulgue l’extension considérable des pouvoirs et capacités de décision des conseils médicaux (15 points sur 17) et le principe de co-gouvernance, dans les réseaux seulement et pas dans chaque hôpital (c’était prévu dans une deuxième phase). De même, la ministre acceptait de préparer un AR d’exécution de l’article 155 de la loi sur les hôpitaux, permettant de corriger les excès de retenues sur honoraires, et précisait l’indispensable transparence sur les charges et flux financiers et de faire concorder frais réels de pratique avec rétrocessions. Suite à la concrétisation de ces engagements, un accord fut signé trois mois plus tard.

Concluons qu’il n’est pas utopique ni inutile de recourir à la seule arme à notre disposition : dénoncer un accord ou refuser d’en signer un nouveau. Manifester son mécontentement par des déclarations d’autant plus tonitruantes qu’elles ne sont suivies d’aucune action, rester au stade des incantations n’est pas suffisant. Il faut oser sortir du cadre des consultations maquillées en concertation, et affirmer sa volonté en prenant des risques. Les résultats sont là : la mise en application de la loi contestée est reportée, l’AR sera négocié avec le cabinet, l’AR définissant les frais mis à charge des honoraires en hôpital sera élaboré rapidement compte tenu de nos attentes et publié.  

Morale de la morale : quand on n’est pas d’accord, on ne peut se contenter de le dire et de passer à autre chose, il faut être ferme et ne pas avoir peur. Bravo l’ABSyM.

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Derniers commentaires

  • Bruno LULLING

    12 janvier 2023

    Bien d’accord avec vous Confrère. MERCI Monsieur de Toeuf.

  • Erik FRANCOIS

    12 janvier 2023

    Merci de le rappeler de manière éloquente.
    La leçon à en tirer: il faut être ferme. Nous ne le sommes pas assez. L'Absym ne l'est pas assez.
    La leçon ici est qu'il faut refuser net les dictats d'un ministre qui clairement veut affaiblir un maximum les médecins.
    Nous pouvons aussi refuser les contraintes administratives croissantes, les projets de micro-contrôle de notre pratique, etc.
    Lorsque nous tenons tête, ne fut-ce que timidement comme ici, nous sauvons quelques meubles. Imaginons ce que nous pourrions sauver en étant réellement fermes.