Projet Vidis: les pharmaciens veulent avoir accès au diagnostic, l’ABSyM s’alarme

«Les pharmaciens insistent lourdement pour qu’on élargisse leur accès aux problèmes de santé dans le sumehr et aux indications qui motivent la prescription dans le futur système Vidis», s’alarme l’ABSyM. Le syndicat s’oppose à cette évolution qui tient, dit-il, de l’enjeu sociétal à débattre en place publique. Partager le diagnostic avec les pharmaciens est à ses yeux une effraction dans l’intimité du patient. Les arguments des MGF-A, les «généralistes francophones de l’ABSyM».

Le partage interprofessionnel des données de santé est une initiative heureuse, entament les Drs Van Nieuwenhuyse, Simon, Herry et Pevée, des chambres bruxelloise et wallonnes de l’ABSyM. «Mais il faut qu’il soit mesuré, utile et accepté par le patient.» Il doit rester proportionnel au rôle de chaque métier sur l’échiquier des soins de santé. Dans sa fonction, le pharmacien a besoin d’infos sur les traitements, les intolérances et les allergies, ce à quoi il accède via le sumehr. Par contre, il ne peut pas consulter les problèmes de santé. «L’APB demande avec de plus en plus d’insistance cet accès. Ce qu’à l’ABSyM nous estimons non indispensable à l’exercice de sa mission», explique David Simon.

Préciser les indications
Il embraye sur le projet inamien Vidis (Virtual Integrated Drug Information System) qui tend à intégrer des éléments d’infos liés au médicament ventilés dans différents systèmes (Recip-e, le DPP (dossier pharmaceutique partagé) des pharmaciens, les coffres-forts des réseaux de santé…). «L’idée est de mettre en place un ‘dossier de médication partagé’ qui va fournir un instantané, avec mise à jour permanente, de ce qui a été délivré au patient», poursuit le Dr David Simon. «Or, les pharmaciens réclament que le prescripteur soit tenu de porter à leur connaissance le diagnostic qui l’amène à prescrire tel médicament, posant cette condition à la suite de leur participation.»

Devoir préciser les indications est excessif, objecte-t-on à l’ABsyM. «Les pharmaciens n’ont pas à s’arroger le droit de juger la pertinence d’un traitement au regard d’un diagnostic. Poser un diagnostic et prescrire en conséquence nécessite une formation de médecin. Que le pharmacien interfère s’apparenterait à un exercice illégal de la médecine.»

Une effraction dans l’intimité du patient
Mais les pharmaciens ne souhaitent-ils pas simplement disposer d’éléments permettant de repérer une erreur de distraction, de s’inquiéter d’une posologie surprenante, de conseiller le patient? «Ils les voient déjà actuellement», rétorque Luc Herry. «Et un médecin peut avoir choisi d’adapter spécifiquement le dosage selon le cas rencontré.»

La communication du diagnostic au pharmacien ne sera pas toujours du goût du patient, souligne Nicole Van Nieuwenhuyse. «Vous avez une IST. Actuellement le pharmacien voit que vous prenez un antibiotique, pas de quoi vous souffrez. On pénètre inutilement dans votre vie privée. C’est une effraction dans l’intimité, qui n’aide pas le pharmacien dans son métier.» «Il n’est pas rare qu’un patient nous demande une ordonnance séparée pour un médicament contre les troubles de l’érection, qu’il va quérir ailleurs que dans son officine habituelle», poursuit le Dr Herry, «ou qu’une personne choisisse de voir tel médecin pour tel problème et un autre pour tel autre, sans échange entre les deux. Quid si Vidis montre tout aux différents pharmaciens et médecins?»

Des conséquences sur les relations
Les généralistes francophones de l’ABSyM ne sont pas au bout de leurs questionnements sur les conséquences de ce qui constituerait d’après eux «un glissement». Cela voudrait-il dire, par exemple, que «ce qu’on appelle généralement les ‘notes personnelles’, ces hypothèses qui s’affinent progressivement dans la réflexion menant au diagnostic final, seraient à dévoiler aussi?», demande le Dr Simon. «Que se passera-t-il si on prescrit un médicament dont on sait d’expérience l’efficacité dans une indication qui ne figure pas sur la notice? Pourrait-on être contrôlés et crossés?», s’inquiète le Dr Pevée.

Et d’en appeler à un débat public. «Il n’est pas sain que la problématique soit cantonnée à des comités hyperspécialisés. On parle de choix susceptibles de modifier les relations, le ‘contrat social’ patient/pharmacien/médecin.»

Transmettre le diagnostic aux pharmaciens, qu’en pensent les patients?
Les patients sont-ils réceptifs au scénario de transmission du diagnostic? «On ne dit ni ‘oui’ ni ‘non’ d’office. Disons que c’est ‘oui, peut-être, dans certaines circonstances’», répond Bernadette Pirsoul, chargée de projets à la Luss, la coupole francophone des associations de patients.

«Notre vision, c’est que les données doivent être accessibles dans une optique de continuité et de qualité des soins. Si cela apporte quelque chose au patient que le pharmacien soit informé des indications, pourquoi pas? C’est à réfléchir. Pour les patients à prise en charge multidisciplinaire, il a assurément un rôle à jouer, et notamment quand il est pharmacien de référence, il faut peut-être qu’il dispose de plus d’infos que la seule prescription. Par sa connaissance des molécules, il est aussi dans son rôle, à notre sens, en interpellant le médecin quand quelque chose l’intrigue. C’est presque au cas par cas qu’il faudrait pouvoir procéder… En tout cas, la Luss n’est pas d’avis d’ouvrir le dossier médical à tous les prestataires, pharmaciens compris, de façon inconditionnelle. L’idéal pour nous serait que ce soit le patient qui dise qui peut accéder à quoi.»

Pour la Luss, le sujet mérite d’être débattu dans des cénacles larges. Voire que les acteurs «apprennent à davantage travailler ensemble dans une optique d’amélioration du service au patient, sans guerre corporatiste».

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