Gel des ressources des PMG: «la grande (dés)illusion» des cercles

C’était à prévoir. Le Fag a réagi au gel des subsides de développement des postes de garde (PMG), inclus dans la version du budget soins de santé 2016 telle qu’imposée par le gouvernement Michel (*). Guy Delrée interpelle Maggie De Block. Il déplore sa volte-face et regrette que la ministre soit peu encline au contact avec les MG. «Un inexorable sentiment de trahison et de colère gagne les cercles.» 

«Il y a un an, nous avions un nouveau gouvernement dont la ministre de la Santé publique était médecin généraliste. Nous découvrions également un accord de gouvernement en adéquation avec nos besoins en matière de poursuite de la politique d’extension des postes médicaux de garde et de généralisation du 1733. Magnifique!», entame Guy Delrée, président du Fag. Plus amère est la déception qui gagne aujourd’hui les MG, donc, d’autant que la profession avait continué, au sein des différents organes de l’Inami – «dont le constructif groupe de travail gardes de la médico-mut» – à étendre la couverture du territoire en PMG «dans le respect de la standardisation que nous trouvons bien légitime».

«Nous n’en croyons pas nos yeux et nos oreilles»

Le Fag explique qu’il s’était certes étonné de ne pas parvenir à nouer de contacts avec le cabinet De Block, mais il attribuait cette situation aux importants dossiers sur la table, comme la réforme des hôpitaux. «Cette totale ignorance ou méconnaissance de l’autre a probablement contribué à entretenir des a priori erronés», regrette Guy Delrée. Mais après avoir été bercé aux 50 ans du GBO par les propos encourageants de la ministre, semblant miser sur les MG pour investir différents rôles (lire ici), le Fag se dit abasourdi, et évidemment déçu, de «découvrir, en ce début de semaine et sans préavis, une volte-face complète de la politique en matière de réorganisation de la garde médicale».

 

Nous reproduisons ci-dessous la suite du coup de gueule du Dr Delrée adressé ce jour à Maggie De Block (les intertitres sont de la rédaction)

 

Même si la garde est un moyen par lequel les Cercles doivent organiser une réponse à l’obligation d’assurer la continuité des soins, cela ne sera pas toujours possible à n’importe quel prix et dans n’importe quelles conditions.

Une récurrence parfaitement scandaleuse par endroits

Actuellement, le prix fort, ce sont les médecins généralistes qui le payent: des gardes non sécurisantes, éreintantes, dont la récurrence est parfaitement scandaleuse dans certaines régions, pour des motifs trop souvent non justifiés, que nous devons enchaîner en surcroît de nos journées et trop souvent aux dépens de notre santé physique, mentale… voire de celle des patients que nous soignons lors de ces gardes et les jours suivants alors que nous n’en sommes plus toujours aptes.

Le regroupement en Postes Médicaux de Garde, avec tout ce que cela implique, est l’unique moyen pour rendre ce service public possible par les médecins «indépendants» que nous sommes. Son extension à la garde de semaine, que nous souhaitons dans de nombreux endroits en pénurie de médecins généralistes pour assurer la garde, est une mesure vitale attendue avec impatience et parfois dans la douleur. Récemment, afin de faire progresser ce dossier, il nous était demandé, ce que j’appellerais de façon politiquement correcte, une «compensation» sous forme d’une économie de 5 millions d’euros, soit 30% aux dépens de nos honoraires de disponibilité (6,15 euros/h). Alors que nous sommes déjà sous-rétribués en garde et on vient encore puiser dans l’enveloppe de nos honoraires pour payer des infrastructures…! Mais on n’a pas bronché…!

Oubliés, les discours flatteurs

Economies!  Ce mot est sur toutes les bouches, bien avant le mot «patient» ou «acceptable pour le médecin». C’est le moteur dominant les réformes consenties par le gouvernement. Oubliés les discours compatissants, voire flatteurs faisant des généralistes un pilier du système de soins de santé qu’il faut revaloriser, à qui il faut permettre d’assurer les gardes dignement afin de pouvoir encaisser l’épidémie annoncée de patients atteints de maladies chroniques.

Et pourtant des économies sont possibles, mais certaines demandent plus d’élaboration de la part des pouvoirs publics. Je dénonce ici une fois de plus l’incapacité, dont nous faisons les frais, de nos dirigeants de prendre le recul nécessaire pour élaborer une organisation efficiente du système de soins «en dehors des heures normales de pratique» (définies dans l’AR78) d’une manière rationnelle, transversale et supportable financièrement.

Déploiement des «grands moyens»

Prenons l’exemple d’un patient souffrant de constipation. S’il consulte au PMG le week-end, ses soins coûteront 35 euros.  S’il se rend aux urgences, ce qui est une habitude bien ancrée dans la population, il subira une biologie sanguine et urinaire, de l’imagerie médicale (comptez en moyenne un scanner abdominal ou une échographie et une radio de thorax) et un électrocardiogramme.  Il sortira de surcroît avec un rendez-vous chez le gastro-entérologue qui le renverra chez le pneumologue à cause d’une suspicion d’emphysème découverte fortuitement à la radio (et connue du détenteur du DMG). Ce dernier complètera la mise au point par une colonoscopie,… Mais je m’égare…

Que dites-vous Madame la ministre?  Les PMG coûtent trop cher? Et bien stoppez donc la garde de médecine générale: les patients iront aux urgences et tout le monde sera content! A en lire la première rallonge de 12 millions d’euros que vous octroyez dans le même temps aux services d’urgences, on devine les options retenues.

Les urgences ont besoin du volume de pathologies MG

Mais qu’on ne vienne pas insinuer que la responsabilité des patients, consommant de manière inappropriée les urgences, incombe aux généralistes qui n’auraient pas établi spontanément de convention avec la 2ème ligne de soins!! Le problème est pourtant simple: la médecine générale ne réclame pas de «récupérer» les patients qui se rendent aux urgences mais elle accepte de faire sa part du travail en les accueillant s’ils sont dirigés vers elle. Les urgences, par contre, ont financièrement besoin de ce volume de pathologies de médecine générale pour vivre. C’est une concurrence à sens unique. Il est paradoxal de faire payer à la médecine générale le manque de collaboration entre les lignes dans cet état de fait.

Sans PMG, la garde nuit à la santé

Mais revenons à la médecine générale. Une chose est sûre: sans PMG ouverts en dehors des heures normales de pratique, il n’est plus possible d’assurer une garde de médecine générale, dans de plus en plus d’endroits, sans nuire à la santé même des généralistes. Et même si trop souvent, ces derniers restent le dernier bastion à maintenir des soins de proximité aux patients qui ont besoin d’eux, je les invite à être raisonnables et à ne pas prester la garde si c’est aux dépens de leur santé. Car nous aussi, nous en avons une et la miner pour assurer un service public, sans recevoir aucune considération en retour des responsables «publics», n’en vaut vraiment pas la peine! 

A cela s’ajoute une généralisation du 1733 qui, plus que tarder, ne répond à aucune méthode logique, ne suit aucune vision claire. Malgré mes demandes, on n’a pas encore pu définir ce que l’on veut généraliser, le cahier des charges n’existe pas, le bâtiment se construit sans plan. Ajoutez à cette absence de capitaine le fait que le navire ait 2 moteurs, l’un commandé par l’Intérieur et l’autre par la Santé Publique, et vous aurez compris pourquoi il est échoué sur des hauts fonds.

Jobs jobs jobs, aussi en PMG

«Jobs Jobs Jobs»… Oserais-je vous dire que les frais de personnels et donc les emplois créés représentent la majorité du budget des postes de garde?

Enfin, le poste de garde n’est pas seulement un dispensaire mais aussi une vitrine pour la médecine générale autour de laquelle gravitent d’autres services à la population. Il confère à la médecine générale une visibilité qui est indispensable pour sa revalorisation entamée ces dernières années. Cela a et aura, j’en suis convaincu, des retombées positives en terme d’économie et de santé publique. En outre, dans les grandes villes où peu d’habitants ont un médecin généraliste, le poste de garde est une porte d’entrée idéale vers la médecine générale et les soins de santé primaires.

La désillusion est profonde. Malgré un accord de gouvernement répondant à nos attentes, malgré le fait que notre Ministre de la santé est une ancienne généraliste, ses résolutions aussi arrêtées qu’inattendues risquent d’avoir des conséquences désastreuses dont les patients seront les premières victimes, suivies du système de soins de santé ensuite.

Démotivation des MG les plus impliqués

Les chevilles ouvrières des projets de PMG et des Cercles, consacrant bénévolement du temps, de l’énergie, assumant ces fonctions stressantes et inhabituelles, en plus de leur travail conséquent, risquent de baisser les bras. Mais qu’elles ne culpabilisent pas: elles pourront regarder les patients, qui n’auront pas trouvé de médecin de garde, droit dans les yeux en leur disant qu’elles ont fait tout ce qui était possible de faire à leur échelon mais que les pouvoirs publics n’ont pas jugé bon de les soutenir.

Les conséquences d’un tel changement dépasseront la problématique de la garde de par la baisse d’attractivité de notre profession envers les étudiants au profit de spécialités déjà surabondantes, accentuant le déficit de généralistes et le non-respect des règles de répartition des agréments.

SVP, Madame la Ministre, un contact

Madame la Ministre, je ne sais pas si vous lirez cette lettre ou si elle restera sur le bureau d’un de vos conseillers. Mais s’il vous reste un quelconque souhait d’appliquer l’accord de gouvernement en matière de réforme de la garde, si vous pensez toujours que la médecine générale a un rôle à jouer dans votre système de soins de santé pendant et en dehors des heures normales de pratique, je vous encourage à prendre contact avec les hommes et les femmes qui, au sein de la profession, y travaillent depuis des années, animés par le souci de garantir des soins de qualité au patient, par des médecins en bonne santé.

Je nomme les syndicats médicaux, la branche cercles de Domus Medica (Kringloket) et le FAG (Forum des Associations de Généralistes) que je préside.

Dans l’espoir que ce courrier aura pu retenir votre attention et de pouvoir revoir avec vous ces nouvelles positions, je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’expression de mes salutations les plus distinguées.

 

(*) Pour rappel, cette proposition a été rejetée ce lundi, situation rarissime, par le conseil général de l’Inami. Le gouvernement l’a néanmoins adoptée hier. Dans cette proposition, Maggie De Block prend le contre-pied du Comité de l’assurance de l’Inami, où siègent médecins et mutuelles, et qui prônait le financement du développement des PMG.

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