Les troubles du sommeil chez l’enfant et l’adolescent en psychiatrie

Le rythme veille-sommeil est nécessaire à la maturation cérébrale, à la restauration énergétique et à la consolidation de la mémoire (et donc l’apprentissage) ainsi qu’à l’équilibre thymique. Dans ce contexte, il semble logique que les anomalies du sommeil fassent partie des troubles du spectre autistique ainsi que des pathologies psychiatriques de l’adolescent. Le point avec le Dr Carmen Schröder (Strasbourg) dans le cadre du Congrès de l’Encéphale.

Les parents des enfants souffrant d’un trouble du spectre autistique estiment à 60-80% la présence de troubles du sommeil, soit 3 à 4 fois plus que ce que l’on rencontre dans la population générale (1). C’est le plus souvent un délai d’endormissement qui est constaté, avec résistance au coucher. Mais toutes les manifestations des troubles du sommeil peuvent être retrouvées avec une fréquence élevée, souvent simultanément (Figure 1) (2). Ces troubles du sommeil sont par ailleurs fortement corrélés à la qualité de vie de la famille (3).

Figure 1: Superposition des troubles du sommeil chez l’enfant souffrant d’un trouble du spectre autistique (OD = sleep onset delay, SD = sleep duration, NW = night wakings, BR = bedtime resistance).

 

L’actigraphie permet d’objectiver ces troubles sans grandes difficultés. Elle montre généralement une bonne corrélation avec les données subjectives recueillies par le Children’s Sleep Habits Questionnaire. Le taux de sécrétion nocturne de la mélatonine est également réduit chez les enfants avec autisme, comme l’a montré une étude portant spécifiquement sur des enfants avec troubles du spectre de l’autisme: les taux de mélatonine sont réduits de près de 50% chez 63% des enfants (4). Une analyse plus fine a pu montrer un décalage net de la sécrétion de la mélatonine, témoin d’une perturbation du rythme circadien (1). La sécrétion nocturne de mélatonine est par ailleurs négativement corrélée avec la sévérité de l’autisme (5). 

Peut-on dès lors proposer la mélatonine en traitement de ce trouble? Clairement oui, conclut la conférence de consensus organisée par la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil, en s’appuyant notamment sur une étude qui portait sur 125 enfants n’ayant pas répondu à une intervention comportementale de l’insomnie (6). La prescription de mélatonine à la dose de 2-5mg sous sa forme à libération prolongée durant 13 semaines versus placebo a engendré un gain de 57 minutes (versus 9 minutes) de la durée totale du sommeil, essentiellement par amélioration de la latence d’endormissement: 68,9% des enfants ont ainsi vu leur sommeil s’améliorer de manière considérable (contre 39,3% sous placebo). L’efficacité de la mélatonine se traduit aussi par un nombre de sujets à traiter remarquable (3,38). Enfin, le risque de rechute à l’arrêt implique, selon la conférence de consensus, une utilisation au long cours (grade A).

Syndrome de retard de phase chez l’adolescent

Il existe plusieurs chronotypes, sous influence génétique, qui déterminent le fait d’être plutôt «du matin» ou plutôt «du soir», comme le sont fréquemment les adolescents (7). Sous sa forme extrême, on parle de syndrome de retard de phase de sommeil. Ce syndrome se manifeste par une perturbation chronique ou récurrente du cycle veille-sommeil qui entraîne une insomnie, une somnolence diurne excessive ou les deux, et qui cause une souffrance cliniquement significative ou qui a une répercussion nette dans les domaines mental, physique, social, professionnel et/ou cognitif (surtout lorsque ces retards de phase sont en conflit avec les normes sociales). Pour affirmer qu’il s’agit bien d’un syndrome de retard, l’adolescent doit présenter une incapacité à s’endormir et une difficulté à se réveiller à un horaire souhaité ou requis depuis plus de 3 mois, la qualité du sommeil pouvant être retrouvée lorsque les contraintes sociales disparaissent. Ce retard de phase doit utilement être étayé par une actigraphie sur 7 jours de manière à comparer les jours de travail/école et les jours de repos, et ne pouvoir être expliqué par un autre trouble du sommeil selon l’International Classification of Sleep Disorders-3 (8).

Ce syndrome de retard est fréquemment associé à des troubles de l’humeur, mais aussi à des symptômes que l’on rencontre dans le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), notamment de l’impulsivité et une hyperactivité motrice. Il est également souvent associé à un abus de substances: alcool, sédatifs, hypnotiques – le soir – ou stimulants (tabac, café, boissons énergisantes) – le jour (9). Ce syndrome n’est pas sans conséquences; elles peuvent être physiques, car un syndrome métabolique est fréquemment associé, ou sociales, avec déscolarisation et difficultés sociales au travail ou à l’école. Ce syndrome est également beaucoup plus fréquent dans les pathologies psychiatriques, y compris la dépression et le TDA/H (9, 10).

Chez ces patients, la luminothérapie le matin (pour avancer progressivement l’heure du lever) est une approche intéressante, éventuellement associée à la mélatonine le soir. Celle-ci sera proposée à faible posologie (1mg) à distance de l’heure du coucher (de 6 à 2 heures avant l’endormissement) pour avancer l’heure du sommeil – ce que l’on appelle l’effet chronobiotique – ou à dose plus élevée (2-5mg), plus proche de l’heure du coucher afin de faciliter l’endormissement (l’effet soporifique existe 15-30 minutes après la prise et pour une courte durée). On demandera par ailleurs à l’adolescent de ne pas trop s’exposer aux écrans le soir.

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    1. Schröder C. Sommeil, rythmes et psychiatrie. Ed. Dunot, Paris 2016.
    2. Veatch O, et al. Behav Sleep Med 2016;14(6):665-76.
    3. Kamp-Becker I, et al. Psychosoc Med 2010;7.
    4. Tordjman S, et al. Biol Psychiatry 2005;57(2):134-8.
    5. Tordjman S, et al. Psychoneuroendocrinology 2012;37(12):1990-7.
    6. Gringras P, et al. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2017;56(11):948-57.e4.
    7. Roenneberg T, t al. Sleep Med Rev 2007;11(6):429-38.
    8. Sateia M. Chest 2014;146(5):1387-94.
    9. Sivertsen B, et al. Drug Alcohol Depend 2015;149:180-6.
    10. Hailey A, et al. Sleep 2015;38(10):1599-606.

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