Antibiotiques : la Mutualité Chrétienne veut faire payer les médecins qui prescrivent trop

La diminution du remboursement des antibiotiques, décidée en mai 2017 par le gouvernement fédéral, n'a pratiquement pas entraîné de diminution de leur consommation constate jeudi la Mutualité Chrétienne (MC) sur base de ses propres chiffres.  La MC se dit favorable à une responsabilité financière des médecins.

La diminution du remboursement des antibiotiques répondait à une volonté de s'attaquer à leur surconsommation, un problème réel en Belgique. La ministre de la Santé publique, Maggie De Block, entendait par cette mesure inciter les médecins à prescrire moins d'antibiotiques, mais aussi les patients à en demander moins rapidement.

«C'est en soi une noble intention mais nous avions prévenu la ministre fédérale de la Santé que la mesure n'était pas la bonne», réagit Jean Hermesse, secrétaire général de la Mutualité Chrétienne, cité dans un communiqué. «Ce n'est pas le patient qu'il faut responsabiliser car ce n'est pas lui qui décide de prendre des antibiotiques. Ce sont les médecins qui les prescrivent.»

Il ressort des chiffres de la MC que le nombre d'utilisateurs et le volume d'antibiotiques ont baissé d'à peine 1% dans l'année qui a suivi l'introduction de la disposition, c'est-à-dire entre le 1er mai 2017 et le 30 avril 2018. «Une diminution très faible, difficilement imputable à la hausse du coût à charge des patients puisque, ces dernières années, la consommation d'antibiotiques a toujours varié à la hausse comme à la baisse d'environ 3%», souligne-t-on.

Pour l'assurance soins de santé, en revanche, la diminution du remboursement des antibiotiques a permis de faire baisser les dépenses de près de 11 millions d'euros (-27%). «Mais cette substantielle économie est entièrement supportée par les patients. Les membres MC ont payé quelque 11 millions d'euros supplémentaires (+112%) de leur poche. Si nous extrapolons ce montant à l'ensemble de la population belge, le surcoût atteint 24 millions d'euros», regrette la MC, qui pointe un constat plus problématique encore, à savoir que «les groupes vulnérables ressentent davantage la baisse du remboursement». «Les bénéficiaires de l'intervention majorée (BIM), qui p ayaient en moyenne 4,66 euros de quote-part pour les antibiotiques, déboursent à présent 14,10 euros, soit trois fois plus. Pour les patients non BIM, le coût moyen est passé de 5,58 euros à 11,06 euros, soit quasiment le double.»

Face à la problématique persistante de la surconsommation d'antibiotiques en Belgique et aux problèmes de résistance des bactéries que cela entraîne, la MC suggère de faire davantage d'efforts pour inciter les médecins à adopter un comportement prescriptif responsable. La MC se dit favorable à une responsabilité financière des médecins. «Celui qui prescrit beaucoup d'antibiotiques sans raison valable devrait supporter lui-même une partie des dépenses», juge la MC.

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Derniers commentaires

  • michel laevens

    06 avril 2019

    J'ai beaucoup de mal à croire qu'un médecin serait "incapable" de résister à la pression de son patient, qui voudrait absolument des antibiotiques.

  • Jean-Paul DAXHELET

    05 avril 2019

    Jean Hermesse, sa MC, ainsi que les autres entreprises commerciales que l'on appelle "mutuelles" en Belgique feraient bien d'au contraire responsabiliser les patients qui sont prêts à faire du shopping medical pour obtenir leur prescription d'antibiotiques. ..
    Est-ce à ces soi-disants "experts de la santé" de se substituer à la relation patient-médecin et de décider de ce qui est indiqué comme prescription dans le cas précis d'un patient précis ?
    Poser la question c'est y répondre ...
    Je constate que ces entreprises commerciales sont aussi en campagne électorale ...

  • Philippe CLOES

    05 avril 2019

    Et si simplement « on virait » les mutuelles ?? Ce serait une belle économie non ?!?

  • Philippe THIEFFRY

    05 avril 2019

    Quid de la responsabilité des Mutualités en cas de conséquence négative pour le patient, liée à un manque de prescription d'antibiotiques par le médecin mis sous pression ? Va-t-on assigner les mutuelles pour avoir incité les médecins à ne pas traiter correctement leurs patients ? Peut-on admettre que des fonctionnaires décident dans leur bureau bien chauffé et sans être confrontés à la réalité du terrain, de ce que doit faire le médecin face à son malade ? L'EBM ce n'est pas seulement suivre des recommandations, c'est aussi tenir compte des circonstances de prescription, de la complainte du patient, des conditions sociales et d'hygiène des patients. L'EBM ce n'est pas nécessairement se soumettre à des recommandations qui se transforment en normes et en diktats.