Un médecin établi à Saint-Gilles aurait transformé la délivrance de certificats médicaux en une activité lucrative organisée. Parallèlement, des faux certificats circulent en ligne, parfois au nom de praticiens belges à leur insu. C’est ce que révèle une enquête diffusée vendredi par la RTBF (#L’Enquête – Faux malades, vrai business : des certificats médicaux vendus à la chaîne), illustrant un phénomène encore marginal mais jugé "très néfaste" par l’INAMI et "scandaleux" par l’Ordre des médecins.
La RTBF a filmé en caméra cachée les consultations de ce généraliste dont la signature revient fréquemment sur les certificats fournis par des élèves bruxellois. À l’ouverture de son cabinet, la file s’étend jusqu’à la rue. Sur place, les consultations s’enchaînent à deux patients à la fois, sans aucun examen médical. Pour 13 euros, un certificat est établi sans question ; avec attestation pour la mutuelle, le tarif grimpe à 26,50 euros, uniquement en liquide ou par téléphone.
Interrogé par la RTBF après visionnage des images, le vice-président de l’Ordre des médecins, le Pr Christian Melot, dénonce une situation "scandaleuse" : « C’est quelque chose qui dénature l’honneur du médecin. C’est la brebis galeuse parmi les médecins. » Il évoque des sanctions allant jusqu’à une interdiction de pratiquer de plusieurs mois, voire une radiation en cas de récidive. Cette dernière demeure toutefois exceptionnelle : seules cinq radiations ont été prononcées en 2023.
Le nombre de plaintes pour certificats de complaisance adressées à l’Ordre est en forte hausse. « Il y a 61 motifs de plaintes en tout qui parviennent à l’Ordre, et je vous le donne en mille, le plus fréquent, c’est le certificat de complaisance ! » insiste encore le Pr Melot. En 2023, 263 plaintes ont été enregistrées pour ce motif, contre 60 dix ans plus tôt.
Parallèlement à la délivrance frauduleuse de certificats en cabinet, les faux documents circulent désormais massivement sur internet. De nombreux comptes sur les réseaux sociaux proposent des certificats médicaux contrefaits pour quelques euros, souvent en usurpant l’identité de médecins réels. Le phénomène touche particulièrement le milieu scolaire.
À Bruxelles, plusieurs directions d’établissement reçoivent chaque semaine des documents manifestement falsifiés. « Ici, oh surprise, vous avez un certificat au nom d’un médecin mort en 1950 », déplore Samuel De Wulf, directeur de l’Institut Don Bosco à Woluwé-Saint-Pierre. D’autres documents mentionnent des dates incohérentes ou ne comportent ni signature ni cachet médical.
Contactée par la RTBF, le Dr Alexia Bontron, généraliste à Schaerbeek, affirme avoir découvert une trentaine de faux certificats établis en son nom. « Ce n’est pas ma signature, ce n’est pas mon cabinet. C’est très désagréable de savoir que mon identité est utilisée pour justifier de faux arrêts maladie », témoigne-t-elle. Malgré plusieurs plaintes déposées, elle reste sans nouvelles des autorités judiciaires. L’Ordre des médecins rappelle que ces actes relèvent du faux et usage de faux, tant pour les faussaires que pour les bénéficiaires.
L’INAMI évalue à huit millions d’euros le coût des prestations frauduleuses en 2023, un record sur dix ans. Ce chiffre englobe les consultations non-effectuées, dont certaines seraient justifiées par des certificats complaisants précise Erik Rossignol, responsable communication du Service d’évaluation et de contrôle médicaux.
En cas de suspicion de fraude, l’INAMI mène des vérifications : patients et témoins peuvent être entendus. Si le prestataire refuse de rembourser, une procédure judiciaire peut être engagée. Toutefois, les leviers restent limités : « Nous ne pouvons pas retirer nous-mêmes le numéro INAMI d’un médecin », regrette Erik Rossignol, qui plaide pour une réforme législative.
Le cabinet du ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), confirme être informé de la situation. Une réunion est prévue prochainement sur ce dossier. Selon l’auditeur du travail de Bruxelles, le médecin de Saint-Gilles risque d’ailleurs des poursuites judiciaires pour faux, usage de faux et escroquerie.
Derniers commentaires
Freddy Piron
22 avril 2025Différentes catégories de médecins interviennent en matière d’incapacité de travail et il n'est pas inutile de rappeler le rôle spécifique de chacun d'eux:
Médecin traitant: médecin du travailleur
Médecin du travail: médecin chargé de la surveillance médicale des travailleurs de l'entreprise
Médecin-contrôleur: médecin indépendant envoyé par l'employeur pour contrôler la réalité de l'incapacité du travailleur. L’employeur peut librement choisir le médecin qu'il chargera du contrôle. Il peut notamment faire appel aux services d'un organisme spécialisé.
Médecin-arbitre: médecin choisi par les parties ou par la partie la plus diligente en cas de contestation entre le médecin traitant et le médecin-contrôleur
Médecin-conseil: médecin de la mutualité.
Si le médecin-contrôleur n’est pas d’accord avec le médecin traitant, il prend contact le plus rapidement avec le médecin traitant par téléphone. En cas de contestation, un médecin-arbitre est désigné et il n’y a pas lieu de solliciter l’avis du Conseil de l’Ordre des médecins.
Si l’Ordre devait s’occuper des CM de complaisance, il aurait fort à faire quand on sait que la prévalence du mobbing se chiffre à 0,8% environ lorsque l’ensemble des cas récoltés sont considérés. Ce chiffre de prévalence se confirme lorsqu’il est estimé à travers le jugement des médecins généralistes d’une part, et celui des médecins du travail, d’autre part, mais aussi à travers les populations francophones et néerlandophones prises séparément.
Cela représente tout de même près de 19 000 travailleurs à travers la Belgique. Il faut souligner également que ces personnes ont déjà un ressenti assez important pour consulter les médecins. Ceci ne représente donc que la pointe de l’iceberg car une partie des travailleurs montre certains signes précoces de mobbing sans pour autant consulter un professionnel de la santé. Ils luttent pour pouvoir rester actif dans le monde du travail.