Les hôpitaux universitaires inquiets face aux "réseaux" de Maggie De Block

La Conférence des Hôpitaux Académiques de Belgique (CHAB), qui coordonne et défend les 7 hôpitaux universitaires de Belgique (CHU Liège, Erasme, St-Luc, UZ Brussel, Louvain, Gand et Anvers), a exprimé son inquiétude au sujet du projet de "réseaux hospitaliers", qui a fait l'objet d'un accord entre le fédéral et les entités fédérées.

Selon Chantal De Boevere, coordinatrice générale et porte-parole de la CHAB, plusieurs points d'importance ne sont pas abordés dans le projet de la ministre de la Santé publique Maggie De Block, et le risque est réel de perdre de vue l'objectif d'une amélioration de la prise en charge du patient, objectif qui doit rester au centre de la réforme, insiste-t-elle.

"On pense que le gouvernement doit donner un signal clair", résume Chantal De Boevere. Un signal clair pour replacer au centre des préoccupations une amélioration des soins au bénéfice du patient, qui ne peut pas être vu comme simple variable économique. Mais aussi un signal clair de prise en compte de la spécificité des hôpitaux académiques, qui semblent avoir peur de voir leur fonction d'expertise, de référence en matière de soins suprarégionaux, diluée face à des réseaux dont les ambitions grossiraient au fur et à mesure des alliances, explique-t-elle. "On voit bien sur le terrain que certaines structures, qui fonctionnent en réseau, pensent que désormais, 'elles peuvent tout faire elles-mêmes'", simplifie-t-elle. "Nous som mes inquiets pour la recherche et la qualité".

Les hôpitaux universitaires ont une "fonction de référence" à remplir au niveau des soins suprarégionaux, rappellent-ils mercredi dans un communiqué. Ces soins suprarégionaux, ce sont les soins plus spécialisés ou pointus qui ne devraient pas être d'office disponibles dans chacun des 25 réseaux "locorégionaux", ces réseaux d'hôpitaux qui devront avoir une base géographique et veiller à des soins de base de qualité pour chaque citoyen.

"Tandis que la mise en réseaux était surtout destinée à optimaliser la qualité des soins (citons par exemple la maternité et la pédiatrie), les discussions se concentrent sur le terrain surtout sur la médecine de troisième ligne comme la radiothérapie, les interventions cardiaques et le pet-scan", s'inquiète la CHAB. Or, il est intéressant de garder dans un giron académique certains soins suprarégionaux (la CHAB cite "la transplantation de cellules souches, la radiothérapie et la radiochirurgie complexes, les PET-CT et PET-RMN"), pour des questions de concentration de l'expertise (et des coûts) et de lien avec la mission de recherche qui est propre à ces hôpitaux universitaires, souligne la Conférence des Hôpitaux Académiques de Belgique.

Par rapport à cette mission de recherche, la CHAB s'inquiète aussi que "rien n'est prévu" dans le projet actuel pour garantir la pérennité du système qui veut que 70% au moins des médecins dans les hôpitaux académiques sont salariés. Ce salaire garantit qu'ils puissent consacrer une certaine part de leur temps à la recherche, rappelle Chantal De Boevere. "Il est primordial que ce statut soit maintenu et qu'une modalité puisse être prévue pour en garantir la pérennité dans le cadre des réseaux", prévient la CHAB.

Quant au plan purement financier de cette vaste réforme du paysage hospitalier, dont le projet de loi est pendant à la Chambre (il a été déposé le 18 septembre), les hôpitaux universitaires estiment qu'on n'y a pas inclus suffisamment de garanties budgétaires. "Construire un réseau, ça coûte de l'argent. Même si l'objectif est de faire des économies par une organisation optimisée, dans un premier temps, cela va coûter plus cher", indique Chantal De Boevere. "La CHAB souligne que l'initiative des réseaux n'est pas soutenue par un financement adapté et que la garantie budgétaire promise précédemment n'arrive pas"

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Derniers commentaires

  • Harry DORCHY

    10 novembre 2018

    7 hôpitaux universitaires (CHAB) et réseaux

    Tiens l’HOPITAL UNIVERSITAIRE DES ENFANTS REINE FABIOLA (HUDERF) à Bruxelles n’est PAS ACADEMIQUE, alors que ses dirigeants prétendent que la pédiatrie académique de l’ULB y est logée… et non au sein d’Erasme… C’est vrai, mais c’est une erreur historique du prof H. Vis qui a refusé d’intégrer Erasme pour des raisons personnelles, alors que les dirigeants de l’UZ VUB ont exigé que le prof H. Loeb quitte l’hôpital Saint Pierre pour rejoindre l’UZ devenu AZ…

    Je peux renouveler une partie de mes commentaires d’hier (7/11/2018) à propos des économies à faire dans les hôpitaux, suite au propos de Maggie De Block : « La ministre de la Santé publique Maggie De Block souhaite d'abord une coopération régionale, puis, dans le cadre du même budget, le développement d'un secteur hospitalier financièrement plus sain ».

    L'idée est constructive et le but est d'améliorer la qualité des soins en permettant de rassembler une masse critique de patients pour avoir l'expérience, avec le meilleur matériel médical, chirurgical, sans redondances, etc

    Mais il faut remplir plusieurs conditions:

    1) Ne pas mettre en concurrence médicale & financière les hôpitaux d’un même réseau sinon il leur est impossible de fonctionner en saine collaboration.
    2) Hiérarchiser les fonctions médicales entre hôpitaux. Il est anormal qu’un hôpital dit « de référence » accepte des malades tout-venant, non référés par un médecin de ville ou d’un autre hôpital qui n’est pas « de référence » pour la pathologie concernée. En plus les hôpitaux de référence gardent trop souvent les patients alors qu’il devraient être renvoyés à l’expéditeur médecin avec un rapport médical ad hoc. En prime le patient qui arrive aux urgences est trop souvent examiné par un apprenti spécialiste moins expérimenté que le médecin référent.
    3) Il faut que la majorité des médecins des hôpitaux universitaires soient salariés pour maintenir aussi des activités, non rentables financièrement, d’enseignement et de recherche. Mais les subsides étatiques doivent être justement adaptés et contrôlés. Les émoluments des médecins ne doivent pas être secrets. In illo tempore (quand le veau d’or était méprisé), les émoluments des médecins dans l’hôpital universitaire public, étaient fonction du grade et des compétences (qualité des soins, enseignement, recherche) jugées par le conseil médical de l’hôpital ET l’Université, et de l’ancienneté. Maintenant des chefs de clinique ou de service sont nommés par sans passer par l’Université, faute de CV répondant aux critères académiques, mais l’hôpital se veut toujours « universitaire ». En plus, certains spécialistes qui génèrent beaucoup d’argent via le hasard des remboursements des actes par l’INAMI (ce qui ne signifie pas obligatoirement qu’ils travaillent plus), négocient aussi secrètement leur rémunération. A ancienneté et grade égaux, l’écart peut aller de 1 à 3, ce qui est source de conflits. Heureusement, ils peuvent être, cliniquement, très compétents.
    5) La rentabilité ne peut pas être uniquement définie en termes d’argent. Maintenant, quand on parle de rentabilité, il s’agit toujours de rentabilité financière ET NON de la qualité des soins. On n’essaie même pas de la mesurer objectivement quand c’est possible (par exemple en diabétologie, HbA1c et qualité de vie). Il faudrait définir des marqueurs OBJECTIFS de qualité dans toutes les spécialités dans un premier temps, puis y associer la comparaison des coûts et de la durée d’hospitalisation et non l’inverse.