Quota des centres spécialisés pour l'AVC : Frank Vandenbroucke change son fusil d’épaule

Dans un arrêté royal publié ce mardi 22 novembre, Frank Vandenbroucke change son fusil d’épaule dans le dossier des programmes de soins de l’accident vasculaire cérébral en renonçant au principe rigide d’un nombre de centres spécialisés défini par Région. De quoi, on l’espère, débloquer enfin une situation qui piétine !

L’arrêté royal du 20 septembre 2022 modifiant les normes auxquelles les programmes de soins « soins de l’accident vasculaire cérébral (AVC) » doivent répondre pour être agréés et les règles quant au nombre maximum de programmes de soins spécialisés « soins de l’accident vasculaire cérébral aigu impliquant des procédures invasives » a été publié ce mardi au Moniteur.
Le but avoué est de lever les obstacles qui s’opposent actuellement à une organisation efficace de la prise en charge de l’AVC aigu. « La rapidité avec laquelle le traitement est mis en place détermine dans une large mesure la probabilité d’un bon rétablissement et réduit la durée de l’hospitalisation et de la réadaptation éventuelle. « Time is brain » résume parfaitement la situation », explique le ministre en guise d’entrée en matière.
Depuis avril 2014, les programmes de soins de l’accident vasculaire cérébral sont soumis à des normes qui défendent une organisation stratifiée des soins en fonction de la complexité et du degré de gravité de l’AVC et qui, sur cette base, mettent en place un réseau entre ces différentes strates. Ces normes recouvrent aussi un cadre clair de gestion de la qualité. Malheureusement, après huit ans, force est bien de constater que les programmes de soins agréés dans ce domaine ne sont pas légion.

Centres S2

C’est en particulier l’agrément des programmes de soins de l’AVC aigu impliquant des procédures invasives (centres S2) qui se fait attendre, alors même que ces structures sont justement le catalyseur autour duquel les centres S1 doivent s’organiser dans une perspective de réseau.
La littérature scientifique et des exemples en provenance de l’étranger montrent clairement que des systèmes avec renvoi de tous les patients victimes d’un AVC aigu vers des centres S1 au sein d’un réseau performant en collaboration avec des centres S2 interventionnels centralisés garantissent un plus grand nombre d’interventions cliniques reposant sur des données probantes clinico-scientifiques (e.a. thrombolyse intraveineuse, thrombectomie) et associées à de meilleurs résultats. On a aussi pu démontrer que les résultats étaient meilleurs dans les hôpitaux qui traitent un nombre minimum de patients.
« Il a par conséquent été décidé, sous la précédente législature, de limiter à un maximum de 15 pour l’ensemble du territoire le nombre de centres ayant recours à des procédures invasives. On garantit de la sorte une concentration de l’expertise de l’ensemble de l’équipe de soins de l’AVC avec, comme conséquence, de meilleurs résultats (arrêté royal du 16 décembre 2018 fixant le nombre maximum de programmes de soins spécialisés « soins de l’accident vasculaire cérébral aigu impliquant des procédures invasives ») », clarifie Frank Vandenbroucke.

Appel devant le Conseil d’État

Le nœud du problème se situait pour une part au niveau de ce maximum de 15 centres, ventilés entre les différentes entités du pays en vue de permettre une répartition géographique correcte. Fixée en collaboration avec les Communautés, compétentes en matière d’agrément, cette répartition a fait l’objet d’un recours de certains hôpitaux auprès du Conseil d’État. Celui-ci n’a toutefois rendu à ce jour aucun jugement sur le fond, de sorte que le dossier des soins de l’AVC reste désespérément bloqué au détriment d’une prise en charge de qualité des patients concernés.

Opération déblocage

L’arrêté publié cette semaine a pour objectif avoué de « changer le fusil d’épaule », explique encore le ministre. « L’approche rigide qui consiste à fixer des quotas par Région est abandonnée. En lieu et place, on mentionne de manière explicite dans la réglementation le raisonnement sous-jacent pour parvenir à ces quotas. En effet, en limitant le nombre de centres utilisant des procédures invasives, on cherche à atteindre deux objectifs :
1. La concentration d’une expertise rare sur quelques sites en vue de proposer des soins de haute qualité et obtenir ainsi de meilleurs résultats ;

2. L’organisation d’une répartition géographique correcte des soins interventionnels de l’AVC afin que les temps de trajet restent limités, à nouveau dans l’optique de meilleurs résultats, étant donné que l’AVC est une pathologie urgente. »

Nombre minimal et distance minimale

Afin de réaliser le premier objectif, l’arrêté prévoit qu’un programme de soins impliquant des procédures invasives doit avoir effectué un minimum de 50 thrombectomies par an en moyenne sur la période de trois ans précédant la demande d’agrément. Pour qu’il soit possible, dans l’optique d’une répartition géographique correcte, de lancer un nouveau centre dans des régions qui n’en possèdent pas encore, « une exception temporaire à ce nombre minimum est prévue aussi longtemps que la programmation de maximum 15 centres le permettra ».

Les centres qui bénéficient de cette exception devront toutefois se conformer au critère du niveau d’activité dans les trois ans qui suivent l’obtention de l’agrément. Le niveau d’activité annuel moyen sur une période de trois ans devra également être atteint pour la prorogation de ce dernier.
Le second objectif est réalisé par un critère de distance minimale entre deux centres agréés utilisant des procédures invasives, fixée à 25 km à vol d’oiseau. Une distance plus petite n’est pas souhaitable dans la mesure où toute concession en la matière entraverait une bonne répartition géographique, tandis qu’une distance plus grande risque de générer des zones blanches sur la carte, l’implantation même des hôpitaux n’étant déjà pas toujours optimale, précise encore le texte.
Ce principe souffre toutefois une exception, puisque le critère de distance ne s’applique pas lorsque les hôpitaux concernés relèvent de la compétence d’autorités d’agrément différentes. Cette exception est dictée principalement par l’argument selon lequel le patient doit pouvoir être transféré non seulement vers un centre à proximité, mais aussi, s’il le souhaite, vers un centre appartenant à son propre rôle linguistique.
En outre, la compétence des autorités d’agrément individuelles risquerait évidemment d’être restreinte par l’obligation de tenir compte de la politique d’agrément des autres. Dans ce cadre, une disposition spécifique a également été prévue pour les zones densément peuplées, où les centres peuvent être plus proches. Dans une Région comptant plus de 7000 habitants par km2, la distance minimale entre les centres est de 8 km à vol d’oiseau, quelle que soit l’autorité compétente pour l’agrément des centres.

« De par ces critères, la subdivision du nombre maximum de 15 programmes de soins impliquant des procédures invasives entre les Régions devient superflue et est donc supprimée dans l’arrêté royal du 16 décembre 2018 », conclut le ministre. Il est toutefois prévu qu’aucune des autorités d’agrément ne puisse agréer plus de 8 programmes de soins avec des procédures invasives. Dans ces limites, les autorités en charge de l’agrément peuvent utiliser ces critères additionnels pour organiser au mieux une répartition géographique correcte. « Par ailleurs, le principe de la loyauté fédérale joue et cette matière fera l’objet d’une concertation et d’une coordination au sein de la Conférence interministérielle Santé publique », précise encore Frank Vandenbroucke.

Répartition

Précisons encore que la répartition d’un programme de soins sur plusieurs sites d’un hôpital ou d’une association d’hôpitaux n’est pas autorisée afin d’éviter une dilution de l’expertise. Il est fait exception à cette disposition pour une période transitoire de 2 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté afin de tenir compte de la situation existante et, à terme, de garantir une meilleure répartition géographique.

Un certain nombre de centres disposent en effet déjà d’une expertise suffisante et d’une collaboration de qualité bien développée, mais sans atteindre individuellement le niveau d’activité requis. Durant une période de transition de 2 ans, ces centres pourront exploiter le programme de soins spécialisés sur deux sites dans le cadre d’une association d’hôpitaux, étant bien entendu qu’ils sont tenus de se réorganiser sur un seul site au plus tard à la fin de la période de transition. Les programmes de soins spécialisés doivent alors répondre à toutes les normes d’agrément sur les deux sites, à l’exception de celles qui concernent le niveau d’activité, mais ils ne sont pris en considération qu’une seule fois dans le nombre maximum de programmes de soins spécialisés qui peuvent être exploités et font l’objet d’un seul agrément.

Lire aussi:  Répartition de 15 centres spécialisés pour des soins complexes de l’AVC en Belgique

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.