Médecine rurale : « La pénurie augmente la pression des patients sur les médecins »

Mercredi soir à Libramont, les généralistes de la région ont organisés un débat politique, avec les candidats aux différentes élections à venir, sur l’avenir de la Médecine Générale en milieu rural. Au fil des débats, des médecins de la province ont abordé des questions centrales et les responsables politiques ont tenté d’y répondre : la pénurie, la garde, la réorganisation de la première ligne de soin et l’avenir des infirmiers/infirmières .

Des dizaines de médecins assistaient au débat, organisé par le cercle des Médecins Généralistes de la Province de Luxembourg, en collaboration avec le cercle UOAD, les postes Médicaux de Garde Luxembourg - Dinant et la participation de Luxinfis, et ils ont notamment « à main levée » dénoncé largement la charge administrative qui assomme leur profession quand la question leur a été posée. Mais évidemment, la priorité des débats concernait le manque de médecin dans la province. Pour rappel, 39 des 44 communes de la province du Luxembourg sont en pénurie. « De nombreux médecins ne sont plus en capacité de prendre de nouveaux patients », explique en introduction le Dr Guy Delrée, président de la FAGW, qui a rappelé l’importance de la médecine générale rurale de qualité et le manque d’investissement pour attirer les jeunes « alors qu’ils apprécient souvent la qualité de vie et de travail dans notre région, mais qu’ils veulent notamment pouvoir faire des gardes dans de bonnes conditions. »

Pour lui, il convient aussi d’améliorer l’accès à la formation en médecine pour les jeunes qui sont nés en province de Luxembourg. « Nous devons y réfléchir et agir. » Il a aussi dénoncé certaines décisions des autorités fédérales : « On nous donne de l’argent pour « avoir » une secrétaire pendant une nuit devant un ordinateur, mais ce n’est pas ce dont nous avons besoin pour améliorer nos gardes.  »

Limiter les appels inutiles de nuit

En ouverture du débat, le Dr Eloise Louis, généraliste à Bastogne, secrétaire de l’OA MG Lux a évoqué la réalité de terrain de la pénurie et le Dr Julie Engelbert, vice-présidente MGLux a précisé que le débat ne porterait pas sur « la seconde ligne et le projet hospitalier Vivalia. » 

Pour sa part, le Dr Christian Guyot, président des postes médicaux de garde de la province a montré les dents : « Le poste de garde n’est pas un Night and Day. » Pour lui, parmi les mesures à prendre, « il est plus important de limiter les appels inutiles pendant la nuit que de mieux payer ceux qui travaillent la nuit. » 

Il a rappelé que la démarche actuelle des ministres de la Santé nie les particularités régionales. « Pourquoi un poste de garde rural doit-il être moins financé qu’un poste urbain? Il est urgent de retrouver un 1733 efficace et qui fasse un tri complet. »

La pression sur les médecins

Enfin, le Dr Kevin Mathieu, généraliste à Virton, membre MGLux, a refait le point sur les forces vivent : « -17% d’équivalent temps plein entre 2016 et 2022 en province de Luxembourg. Comment améliorer cette situation ? Par une obligation de faire des stages en milieu rural ? Les chiffres montrent que les assistants sont moins motivés de venir en milieu rural. En outre, la garde participe grandement à la pénurie et refroidit les généralistes à s’installer en milieu rural. » Pire, selon lui, « cela amène certains généralistes à quitter le milieu rural. » Il pointe aussi du doigt une autre réalité : « La pression des patients est incessante parce qu’ils ne trouvent pas de médecins traitants. Cette situation est difficile pour nous, médecins, parce que nous voulons toujours soigner au mieux la population. » 

Comme pour confirmer son sentiment, un généraliste témoigne. Il a reçu pendant la garde, 20 patients (sans généraliste) entre 20 h et 23 h... et il n’y avait aucune urgence.

Entre professionnalisation de la garde et apport de l'AI

Face à cette situation, le monde politique évoque des solutions. Le député fédéral, MR, Benoit Piedboeuf, dit « vouloir réfléchir à une professionnalisation de la garde. En tout cas, il faut que les jeunes médecins soient payés correctement quand ils font une garde. Qu’on laisse les cercles travailler sereinement sur le terrain. » Par ailleurs, l'articulation entre l’hôpital et les généralistes est importante pour lui. « Pour l'avenir des gardes, on n’en sortira pas si on ne travaille pas sur la première ligne et la seconde ligne en même temps. » 

Pour sa part, Anne Laffut, députée wallonne, attire l’attention sur le fait que la Province du Luxembourg « est pénalisée par ses spécificités sur les nuits profondes, mais aussi au niveau des normes d’agréments. » Elle propose aussi une idée : « Pour le tri, on doit penser à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour l’améliorer. »

Pas de Quick 24 h/24 h et plus d'autonomie

Du côté de DéFi,  Fabrice Van Dorpe et Didier Serteyn, candidats aux prochaines  élections  demandent que l’on se base sur les pistes du mémorandum du Collège de Médecine Générale qui sont très claires. « Par ailleurs le 1733 doit être reconstruit sur les bases de ses origines. » 

Chez  Les Engagés, Benoît Lutgen, député européen, rappelle qu’il faut assez « de personnes compétentes pour faire le tri, mais qu'il faut aussi un travail d’éducation de la population. » Le projet actuel du ministre Vandenbroucke est contraire à ce qu’il faut faire, selon lui. « Il veut faire un Quick 24/24h. Ce n’est pas bon pour les médecins ! En plus, cela coûte plus cher à la Sécu. » Chez Ecolo,  Jean-Philippe Florent, député wallon, insiste sur le fait qu’ « il faut une vraie qualité du tri et un financement fixe par poste médical. Cela peut être un peu plus cher en milieu rural, c’est le prix de la qualité de la médecine sur l’ensemble du territoire. » Enfin, au PS, Yves Planchard, candidat aux prochaines élections, s’inquiète que «la spécificité du monde rural pour les nuits profondes n’est pas prise en charge. Il faut donner une autonomie aux postes de garde » 

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Derniers commentaires

  • Nathalie PANEPINTO

    13 avril 2024

    A-t-on abordé le fait que les jeunes généralistes sont en grande majorité des femmes dont le mari doit également trouver un travail dans une région rurale, or, quels sont les débouchés pour ce dernier ? La crise économique frappe notre Royaume, la conjoncture est mauvaise, des usines ferment (Audi, Van Hool...). Le nombre de faillites va augmenter étant donné que l'on produit mieux ailleurs à moindre coût (énergétique, de personnel...). Aucun politicien n'apporte des solutions crédibles au défi du vieillissement par ailleurs. Quel couple va accepter de s'installer dans un bled, couple dont le mari devrait faire la route avec l'état des routes déplorables que nous connaissons et avec des prix du carburant qui risquent de remonter. Il faut un peu de réalisme...

  • Charles KARIGER

    11 avril 2024

    Vraiment n’importe quoi avec leur bouche pourvu que cela fasse du bruit !
    Exemple : « En tout cas, il faut que les jeunes médecins soient payés correctement quand ils font une garde. »
    Et pourquoi pas pour les moins jeunes et les seniors ? Culotté le mec !