Limitation des demandes de CT-scans lombaires : les radiologues s'expliquent

La limitation des demandes de CT-scans lombaires, intégrée le 20 octobre dans le budget de l’assurance soins de santé, a provoqué un choc surtout dans la première ligne, prise de court par l’annonce. La Société Belge de Radiologie (SBR) tient à s’expliquer, assurant que la mesure ne vise pas les généralistes mais l’utilisation plus pertinente de l’imagerie.

La mesure interdisant aux médecins généralistes, à partir de 2026, de demander des CT-scans lombaires est, selon la Société Belge de Radiologie (SBR), mal communiquée. « Il semble maintenant que nous visions les médecins généralistes, mais cela n’a jamais été l’intention », déclare le président, le Dr Tom De Beule. La SBR soutient la proposition sur le fond, mais s’est dite surprise par la manière dont elle s’est retrouvée dans le budget. « Nous sommes embarrassés par le tumulte qui a surgi. »

La mesure qui limite, à partir de 2026, les demandes de CT-scans lombaires n’est pas destinée à être une attaque contre la première ligne, souligne le Dr Tom De Beule dans un entretien avec Le Spécialiste et Medi-Sphère. « On crée maintenant l’image que les généralistes sont visés, alors que la restriction vaut également pour la plupart des médecins-spécialistes », dit-il.

La SBR soutient la mesure, mais estime qu’elle a été mal communiquée. « Limiter l’utilisation inappropriée des scanners rachidiens s’inscrit dans une démarche de soins efficients : le bon examen, au bon moment, pour le bon patient. » Elle regrette cependant qu’elle ait été intégrée à la dernière minute dans le budget, sans concertation préalable. « Nous ne nous attendions pas à ce que le ministre retienne effectivement notre proposition », explique le Dr Tom De Beule.

Les radiologues rappellent que les baisses de tarifs répétées n’ont jamais eu d’effet durable sur la réduction du volume d’examens et plaident pour une prescription raisonnée permettant de diminuer les examens non justifiés. « Au lieu de réduire les tarifs, il faut réduire les examens inutiles. » Les radiologues s’attendaient d’ailleurs à devoir absorber une nouvelle économie linéaire de 50 millions d’euros, comme dans la proposition budgétaire rejetée par le Comité de l’assurance le 6 octobre, vers laquelle les mutualités poussaient également, avant que notre mesure ne soit approuvée le 20 octobre par le Conseil général de l’INAMI.

Lutter contre le gaspillage, pas exclure des médecins

« La mesure demande beaucoup plus d’explications et de contexte », insiste le Dr Tom De Beule. « Non seulement les médecins généralistes perdent leur droit de demande, mais la plupart des spécialistes ne pourront bientôt plus demander de CT-scans lombaires non plus. Seuls des médecins-spécialistes — notamment en orthopédie, neurologie, médecine physique et médecine d’urgence — pourront encore introduire la demande. Comparez cela à un CT-scan cardiaque réservé aux cardiologues. »

Selon la SBR, l’objectif est de réduire fortement les examens TDM rachidiens non justifiés. Une étude européenne (EU-JUST-CT) indique que jusqu’à 70 % des CT de la colonne vertébrale en Belgique peuvent être considérés comme non indiqués. Les données belges montrent que 55,4 % des demandes pour la région lombaire proviennent des médecins généralistes, contre 13,1 % pour les orthopédistes, 10,3 % pour les urgentistes, 7,6 % pour les médecins de médecine physique et de réadaptation, 4 % pour les neurologues et 9,6 % pour d’autres spécialistes.

Beaucoup de demandes n’ont, selon le Dr Tom De Beule, aucune influence sur la suite de la prise en charge. « Dans la majorité des cas, une IRM est le meilleur choix. » Il reconnaît que le délai d’attente pour une IRM est plus long, mais nuance : il s’agit généralement d’indications non urgentes. « C’est rarement urgent. »

Pas encore en vigueur, mise en œuvre incertaine

Officiellement, la mesure devrait rapporter 38,3 millions d’euros d’économies, mais le Dr Tom De Beule s’attend à un montant final entre 40 et 43 millions. Il souligne toutefois que la mesure n’est pas encore mise en œuvre. Le Conseil technique médical doit encore se pencher sur les modalités concrètes. « Nous nous demandons si c’est réalisable d’ici janvier 2026. »

Important, ajoute le Dr Tom De Beule, est de préserver un espace pour des exceptions lorsque le CT est le bon examen : traumatisme aigu, contre-indication à l’IRM ou indication clinique justifiée. « Dans ces contextes, le CT peut être parfaitement approprié. »

Pour la SBR, tout le débat dépasse la seule économie budgétaire. Il s’agit d’une politique active qui investit dans l’efficience en prévenant les examens non justifiés. Une imagerie mieux ciblée permet de garder les listes d’attente sous contrôle, de garantir l’accès au diagnostic pour tous et de réaliser des économies qui peuvent être réinvesties dans d’autres domaines de soins.

Directives et soutien essentiels

La SBR voit dans l’introduction du PSSR (Prescription Search Support for Radiology) — prescription électronique dotée d’une aide à la décision clinique — un levier essentiel pour soutenir une imagerie pertinente et justifiée dans la pratique quotidienne. « La Belgique est en retard par rapport à d’autres pays : la justification n’est pas encore intégrée de façon systématique dans la réglementation et les outils d’aide à la décision clinique. »

La SBR appelle enfin les associations scientifiques des médecins prescripteurs à assumer leur responsabilité dans la sensibilisation, la formation et l’application des recommandations. « Une imagerie réellement efficiente nécessite un effort commun des prescripteurs, du gouvernement et des radiologues. Ce n’est qu’ainsi que nous réduirons durablement les examens non justifiés. »

> Découvrir le communiqué

Lire aussi: Les médecins généralistes ne pourront plus prescrire de CT-scan lombaire

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Derniers commentaires

  • Etienne PONCELET

    11 novembre 2025

    Il est facile de mettre en exergue que 55.4 % des demandes de prescriptions viennent des généralistes.
    Nous sommes la première ligne et de plus nombre de nos confrères spécialistes demandent a leur secrétariat de demander aux MT de faire une demande de scanner ou d'IRM sans même avoir examiné le patient et ce afin d'avoir une imagerie accessible lors de la 1ere visite .Et je peux comprendre , vu les délais d'attente chez nos confrères spécialistes
    Dans mon expérience de plus de 35 ans , après examen clinique ,dans nombre de cas , ce n'était pas l'examen approprié demandé par nos confrères s'il n'avait pas examiné au préalable le patient .
    Je me demande à quoi sert encore la première ligne!!!, on nous fait de beaux discours , mais VDB déconstruit la 1ere ligne à une vitesse VVprime
    j'utilise déjà L'IA dans ma pratique et des arbres décisionnels
    Mettons cela en avant dans nos programmes informatiques de demande d'imagerie et nous ferons des économies .

  • Béatrice FIGA

    08 novembre 2025

    Mais qui va croire les radiologues?
    Qui sont les médecins les mieux payés de la profession.
    Ils ne défendent que leurs honoraires et se moquent totalement de la qualité des soins.
    Résultat: Vandenbroucke a- une fois de + - sacrifié les Généralistes.
    Au profit du lobbying intensif des radiologues qui baignent dans le fric.

    Jamais les honoraires des radiologues ne m'arracheront une larme.
    .
    Vandenbroucke à la pension au + vite avant qu'il ne détruise toute la médecine générale
    .

  • Charles KARIGER

    03 novembre 2025

    Rappel théorique: "L'imagerie est essentielle pour identifier une pathologie des articulations facettaires comme cause de lombalgie, compte tenu de la faible spécificité de l'examen clinique. " (sic)
    On demandera donc une IRM en gardant souvent le Patient en ITT jusqu'à l'obtention des images. Quelle économie !

  • Romain STRAUS

    03 novembre 2025

    En parlant de coût pour la sécurité sociale ,l'alcoolisme en belgique coute plus cher, pourtant on n'interdit pas la vente d'alcool , sans parler des ravages de la cigarette pour la secu . Et les irradiations inutiles , pourtant on n'interdit a personne de prendre l' avion à répétition..

  • Veronique De Blay

    31 octobre 2025

    Lutter pour améliorer la qualité des soîns c’est d’abord lutter contre la surconsommation qui devrait être une priorité : éviter le «shopping » médical et la répétition de mêmes examens à courte intervalles dans des centres différents. Empêcher les généralistes ou autres spécialistes non orthopédistes ou Urgentistes de pouvoir prescrire des scanners lombaires est une aberration ! Libéraliser les IRM eut été aussi une bonne idée pour éviter les surirradiations!

  • Alexis JANCEN

    31 octobre 2025

    De quelle compétence le généraliste peut-il encore se prévaloir, Honoré Confrère De Beule.
    C'est qui l'urgentiste compétent (!) dans les services de garde si ce n'est un organigramme pondu par L'IA. En général le patient reçoit paracétamol 1 g et un PREMIER RV dans 6 mois chez un spécialiste pas encore nécessairement reconnu

  • Pino CUSUMANO

    31 octobre 2025

    Le Dr De Beule explique clairement que pour soutenir notre système ces mesures sont indispensables mais il est regrettable que la responsabilisation des patients par les mutuelles ne soient pas dans le plan d’économie, car le tourisme médical est aussi un problème, le patient qui n’a pas l’examen qu’il souhaite ou que Google conseille, fera le tour des praticiens jusqu’à.....
    Il faut responsabiliser toute la chaîne patient / prescripteur / prestataire.
    Si vous avez le temps regarder comment ont massacre l’imagerie en France https://www.jim.fr/viewarticle/radiologues-sont-s%C3%A9cu-que-bernard-arnault-taxe-zucman-2025a1000t1c

  • Philippe Burton

    31 octobre 2025

    Faites comme pour les gastroscopie : une autorisation tous les 3 ans sauf justification...
    Et mettez nous un garde vigie qui vérifie que les sales gamins que nous sommes restent dans le droit chemin...
    Par ailleurs, mes chers Confrères, combien de fois recevez-vous un protocole illisible, ramassi de termes techniques et sans conclusion, sans proposition d'examen complémentaire....
    Effectivement, mes trop chers radiologues, caches dans vos bunkers vous n'êtes jamais exposés à la souffrance de nos patients...
    J'invite a se mobiliser en force le 16.11 pour la manifestation de l'ubps...
    Aux armes citoyens.... avant qu'il ne soit trop tard.
    Vous le savez tous trop bien : VDB ne concerte pas ou ne tient compte de rien ou si peu lors des trop rares concertations... il fait tout passer en force et nous sommes de gentils moutons... mais pleurer nous savons faire, prendre notre courage a 2 mains semble plus difficile.

  • Jean-Louis MARY

    30 octobre 2025

    Les sciatalgies sont une pathologie fréquente et pouvant parfaitement être prises en charge à moindre frais par le médecin généraliste.
    Il arrive bien sûr qu’une indication d’IRM fasse partie de cette prise en charge mais 9 x sur 10 je prescris un scan comme tous les MG pour raison de délai.
    A l’avenir, les neurochirurgiens ne bénéficieront plus du filtre de la MG , seront débordés ou les services d’urgence seront encore plus débordés sans parler des délais pour toutes les IRM qui exploseront encore plus.
    La mesure est vexatoire pour une première ligne continuellement dénigrée par VDB et totalement idiote pour les patients .
    In fine , le coût de la prise en charge des pathologies lombaires va exploser vu la solicitation de la seconde ligne de soins et du recours aux IRM, est ce que VDB sait compter ?
    Je prescris aussi fréquemment des infiltrations sous scan bien sûr, faudra t il la aussi prévoir un retour dix ans en arrière pour infiltrer sans imagerie ?

  • Emile LEUNUS

    30 octobre 2025

    Leunus Emile
    Etant moi-même médecin et patient, j'observe chaque fois que le radiologue ne voit jamais le patient, ni avant, ni après le scanner. Ce sont des techniciens qui réalisent le scanner, et le radiologue qui protocole à un autre endroit.
    De ce fait, il est impossible que le radiologue filtre préalablement les mauvaises indications et recommande un autre examen. Or c'est me semble-t-il la seule façon de limiter les examens inutiles.

  • Emmanuel Mariaule

    30 octobre 2025

    Les algologues, les rhumatologues et de nombreuses autres spécialités seront ravies. Je vois juste une volonté des radiologues de déplacer les économies demandées sur une diminution du volume plutôt qu'une diminution des honoraires. Personnellement, j'enverrai les gens aux urgences et cela coûtera au final plus cher à la collectivité. Plus d'IRM seront demandées et les délais seront encore plus délirants. Enfin, comparer les ct cardiaques et les ct lombaires, quel argument ridicule. L'efficacité de la mesure sera rapidement évaluable dans les 6 mois. Cependant, il est tout à fait vrai que de nombreux ct scan lombaires sont demandés sans indication valable et répétés trop. L'obligation de justifications me paraît plus intéressante que l'interdiction de prescription.

  • Christophe DUPONT

    30 octobre 2025

    1. Je pense que de nombreux médecins qui prescrivent un CT colonne lombaire (à bon escient) préféreraient prescrire une irm, mais demandent un CT pour avoir un rendez-vous dans un délai correct. Quand je lis que les examens sont généralement pas urgents, c'est fort peu empathique. Effectivement, ce ne sont pas les radiologues qui ont mal, ce sont les patients.
    2. Il y a quelques années, les radiologues ont imposé un nouveau formulaire de demande de radiologie. Qui justement était censé ouvrir le dialogue du radiologue vers le prescripteur afin de corriger au besoin la demande vers un autre examen plus approprié. Après tout ce recul, je dois bien constater que JAMAIS un radiologue n'a pris le temps de décrocher son téléphone pour discuter avec moi du meilleur examen à réaliser. Nous n'en serions pas là comme maintenant face à une mesure inappropriée.

  • Catherine LE CLEMENT DE SAINT-MARCQ

    30 octobre 2025

    Comme toujours demander le bon examen au bon moment et bien approprié à la pathologie et éviter les répétitions des examens en consultant l'ensemble du dossier du patient. Eviter le tourisme médical...

  • Raymond Moriaux

    30 octobre 2025

    Comment sait-on qu'un examen est, a priori, injustifié ? Quel est le délai moyen pour obtenir un RV chez un orthopédiste ( pour un patient "ordinaire") ? Et ensuite pour l'examen ?

  • Gilbert BEJJANI

    28 octobre 2025

    Je comprends le besoin de clarifier mais cela reste "révoltant" pour plusieurs raisons que je détaillerai dans un article.
    Dans ce qui est révoltant, il y a le fait que non seulement les médecins généralistes ont été écartés, mais aussi d'autres spécialistes, comme ceux qui s'occupent de la douleur chronique et le fait que précher l'accès aux IRM, qui restent inaccessibles est un peu contradictoire