Rôle des soignants et des hôpitaux, quels défis pour le futur? (Etude)

La Pr Anne Berquin évoque, dans une étude qu’elle vient de publier, la décroissance technique, la santé du patient, l’e-health, l’écologie dans les soins de santé, mais aussi la réforme du financement et de la nomenclature 

Etopia, le centre d’animation et de recherche en écologie politique publie une étude intitulée «Transition et soins de santé: quels défis pour le futur?». La Pr Anne Berquin, médecin, chef de clinique dans le service de médecine physique et de réadaptation aux Cliniques universitaires Saint-Luc  a mené un important travail de fond sur la question. Cette étude intègre une partie de son analyse dans le contexte Covid mais le dépasse largement en prenant en compte la donne environnementale (climatique, CO2, déchets, pharmaceutique…) et aussi en se dégageant d’une approche «simplement» technique de la santé pour y ajouter une dimension plus globale de prise en charge de la santé basée sur les besoins, sur la prévention ainsi qu'une dimension communautaire. Pour elle, il est essentiel de réduire la consommation de soins de santé (approches préventives et de promotion de la santé, autogestion de la santé, réduction des gaspillages) et de développer des alternatives bas-carbone aux approches existantes. «Ces pistes imposent une refonte complète de la philosophie et de l’organisation des soins : passage d’un modèle de soins curatifs, centrés sur l’hôpital et hautement techniques à un modèle qui reconnaît l’importance de politiques sociales volontaristes, une première ligne de soins multidisciplinaires forte et une décroissance technique ciblée faisant la part belle au modèle biopsychosocial tout en permettant le maintien de la technique là où sa valeur ajoutée est élevée.»

Le rôle du médecin

Pour Anne Berquin, «la moitié de l’impact environnemental des soins de santé est liée aux décisions directement prises par les soignants eux-mêmes. Les soignants ont donc une responsabilité réelle. Il y a évidemment des approches techniques qui sont utiles, nécessaires et indispensables. D’autres approches techniques, par contre, augmentent les problèmes, ou en tout cas augmentent la souffrance des patients, par exemple dans le cas de la lombalgie. Comme soignants, nous avons une autocritique à faire, qui n’est pas confortable mais qui est importante.»

Selon elle, le moment est venu de recentrer les soins sur la première ligne et diminuer les hospitalisations. «Cela ne demandera pas moins d’infirmières, mais elles pourront faire un travail plus intéressant que dans les hôpitaux. Cela permettra peut-être de diminuer le nombre des burn-out des infirmières.» La vie des médecins va évoluer: Sur le terrain, beaucoup de médecins ne veulent plus faire 50 h par semaine...ils devront aussi être réalistes et ne pas demander de gagner la même chose en travaillant 38 h semaine qu’en travaillant 60 h. Globalement, il faut former moins de spécialistes et plus de généralistes (même s’il faut tenir compte du fait que certaines spécialités sont réellement en pénurie). Cela implique de concevoir autrement le prestige du médecin généraliste qui n’est pas un médecin qui a raté une spécialité mais plutôt le partenaire principal du patient dans la gestion de sa santé.» rappelle-t-elle.

Financement et nomenclature

Le financement des soins de santé doit être adapté : revaloriser les soins de première ligne et l’acte intellectuel, tout en menant des programmes ciblant les déterminants socio-économiques de la santé. Les normes de financement des soins ainsi que les politiques d’accréditation doivent être revues pour soutenir – voire imposer – les projets de transition.

L’enseignement doit apporter des outils adaptés aux défis du futur: sensibilisation aux enjeux environnementaux des soins de santé, gestion des nouvelles pathologies qui se profilent, revalorisation de la sémiologie clinique et des aptitudes relationnelles pour limiter le recours aux examens paracliniques...

En terme de nomenclature, la revalorisation de l’acte intellectuel est une priorité. «Cela va permettre des économies dans les soins de santé, des études le prouvent. On a trop tendance à oublier que l’essentiel du diagnostic est l’interrogatoire du patient et l’examen clinique. Actuellement, nous n’avons pas le temps et on demande un scanner, une écho et on revoit le patient dans un mois. Ce mode de fonctionnement est aberrant. Il faut donc financer beaucoup plus l’acte intellectuel des médecins mais aussi des infirmières, des kinés, des psys...»

L’e-health, un incontournable

L’amélioration du réseau e-health, en favorisant l’accès aux données des patient·es, permettra notamment d’éviter de dupliquer certains examens ou de négliger des co-morbidités potentiellement dangereuses. Les technologies d’information et de communication (avec bien entendu les balises éthiques et de sécurité nécessaires) peuvent permettre dans certaines conditions des consultations à distance, par exemple pour des patient·es déjà connu·es, et/ou des concertations interdisciplinaires, par exemple entre d’une part le ou la patiente et son/sa généraliste et d’autre part un ou plusieurs spécialistes hospitalier·es.

L’étude aussi évoque les principes de «prescription durable» ... et bien d’autres aspects de santé publique.

> Lire l’intégralité de l’étude

Etopia organise une conférence débat avec Anne Berquin  accompagnée de François Perl (Solidaris) et de Jean-Noël Godin (GBO) ce 26 janvier 2022 de 20 à 22 heures à l'ULB, Bruxelles. Inscription ici

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.