Restauration et protection de la biodiversité sont des "politiques de santé" (experts)

Des experts ont exposé jeudi face aux eurodéputés de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (commission ENVI) la nécessité d'agir bien plus fondamentalement pour restaurer et protéger les écosystèmes et la biodiversité, si l'on veut éviter d'offrir les conditions parfaites à l'émergence de nouvelles pandémies.

"Nous ne pouvons plus envisager la protection et la conservation de la nature comme étant en concurrence avec le développement économique et social", a mis en garde le professeur Chris Walzer, directeur exécutif "santé" à l'ONG américaine Wildlife Cons ervation Society.

Plusieurs experts ont souligné au fil du débat que le coût économique des pandémies, passées et à venir, excédait largement ce que l'on pourrait investir pour protéger plus efficacement la biodiversité, en prévention de l'émergence de nouvelles zoonoses.

"On estime qu'en s'attaquant globalement à la déforestation et au commerce de la faune sauvage, on pourrait avec une dépense de 22 à 31 milliards de dollars annuellement obtenir une réduction des conséquences économiques (des pandémies et zoonoses) de l'ordre de billions (milliers de milliards) de dollars", a résumé le dr Peter Daszak, président du groupe de l'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) sur les pandémies.

La pandémie de Covid-19 est par ailleurs sans précédent ces dernières années dans ses conséquences économiques, les estimations allant jusqu'à un coût de 16 billions de dollars en un an environ, ajoute Peter Daszak.

Or, le "potentiel de pandémies futures est extrêmement élevé", explique le scientifique britannique, également président de l'organisation EcoHealth Alliance. Il y aurait jusqu'à 1,7 million de virus encore "à découvrir", qui circulent naturellement parmi la faune sauvage. Ils font partie du cycle de vie normal de certaines espèces sauvages, et ne présentent un danger que si l'homme entre en contact avec ces espèces en les chassant, les mangeant ou en les poussant vers son propre habitat en réduisant les leurs. Des centaines de milliers ("631.000 à 827.000") de ces virus inconnus pourraient infecter l'humain, selon l'IPBES.

Le Belge Hans Bruyninckx, directeur exécutif de l'Agence européenne pour l'environnement, a rappelé jeudi que l'UE n'était pas, ces dernières années, parvenue à ses objectifs d'interrompre la perte de biodiversité, d'abord pour 2010, puis pour 2020. "Les facteurs de ce déclin, en Europe, sont les mêmes qu'ailleurs dans le monde: les pratiques agricoles en premier lieu, la fragmentation continue des paysages, la pollution, les espèces étrangères invasives, et, de plus en plus, le changement climatique". "Heureusement", souligne-t-il, on comprend de mieux en mieux les conséquences de ce déclin en matière de santé et de qualité de vie.

On peut ainsi dire "que les politiques de protection de l'environnement et de la nature sont des politiques de santé".

Dans le rayon "solutions", le Belge pointe la restauration des écosystèmes comme élément critique. Il faut aussi travailler à la "connectivité" des zones protégées, de sorte qu'elles créent non pas des poches séparées mais un "réseau" de biodiversité, expose-t-il.

La réduction de la pollution est une autre priorité-clé, selon lui, ainsi qu'une "autre approche de notre système alimentaire". "Selon la science, nous avons un système alimentaire idéal" pour les flambées virales. "Certains ont même parlé de 'paradis pour virus'. On a eu la grippe aviaire, la vache folle, la peste porcine africaine... Tout cela a à voir avec une diversité génétique qui a par exemple été réduite quasi à néant dans la volaille, avec des pratiques d'élevage non-naturelles et la médication". Monocultures, usage de pesticides, etc., achèvent de dresser un tableau qui offre des conditions id&eacute ;ales pour que les virus circulent.

Comme l'a souligné le dr Anne Larigauderie, de l'IPBES, la surconsommation de viande participe elle aussi au déclin de la biodiversité et finalement à l'émergence de zoonoses, car elle favorise la déforestation. "Il faut diminuer notre consommation de viande, d'huile de palme, lutter contre les éléments qui poussent à la déforestation".

Au niveau politique, il y a encore des marges de manœuvre importantes, selon Katia Karousakis, de la direction "environnement" de l'OCDE. Il existe par exemple encore beaucoup trop de subsides aux pratiques et industries qui nuisent à la biodiversité.

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