Le gouvernement britannique a annoncé un plan d’investissement massif de 29 milliards de livres sterling (34,2 milliards d’euros) dans son Service national de santé (NHS) d’ici l’exercice budgétaire 2028-2029. L’objectif affiché : moderniser un système sous tension et mettre en œuvre une réforme d’ampleur pour améliorer l’accès aux soins, réduire les listes d’attente et digitaliser les infrastructures. Si cet effort budgétaire est salué comme historique, il suscite aussi des réserves parmi les professionnels de santé au Royaume-Uni.
Selon la ministre des Finances Rachel Reeves, le budget du NHS augmentera de 3 % par an en moyenne d’ici 2030, contre une croissance de 2,3 % pour les autres postes budgétaires. Ce différentiel traduit la priorité accordée par le gouvernement au système de santé britannique, mis à rude épreuve depuis la pandémie et confronté à des délais d’attente records.
Sur les 29 milliards de livres annoncés, jusqu’à 10 milliards seront spécifiquement consacrés à la transformation numérique et aux technologies de santé, avec notamment l’objectif d’élargir l’accès aux soins primaires grâce à des outils numériques.
Renforcer la médecine générale et la santé mentale
Le plan prévoit également la formation de nouveaux médecins généralistes afin de permettre « des millions de rendez-vous supplémentaires » dans les prochaines années.
Le Royal College of General Practitioners (RCGP) salue cet objectif, mais met en garde contre les limites structurelles du terrain. Sa présidente, le Pr Kamila Hawthorne, avertit que « la médecine générale est en crise – nous sommes à bout de souffle, sous-financés et en sous-effectif ». Selon une enquête récente du Collège, 84 % des cabinets indiquent manquer de place pour accueillir des stagiaires ou élargir leurs services, faute d’investissements suffisants dans les infrastructures.
Le comité des généralistes de la British Medical Association (BMA) appelle lui aussi à la prudence. « Aujourd’hui, tout dépendra de la manière dont ce budget sera déployé. Cela fera – ou défera – la médecine générale », déclare sa coprésidente, la Dr Katie Bramall-Stainer. Elle souligne que de nombreux cabinets peinent à recruter en raison du gel des embauches ou du non-remplacement des départs, malgré les promesses de renforcement de l’offre de soins primaires.
Le gouvernement souhaite en parallèle renforcer les services de santé mentale, avec un objectif ambitieux : intégrer un soutien psychologique accessible dans chaque établissement scolaire.
Le Royal College of Psychiatrists a toutefois exprimé son inquiétude face à une baisse relative du financement de la santé mentale, qui passerait de 8,87 % à 8,71 % du budget du NHS, soit une perte estimée à 300 millions de livres si cette proportion était maintenue.
L’accès aux soins dentaires figure aussi parmi les priorités. L’exécutif britannique a fixé une cible de 700 000 consultations dentaires urgentes supplémentaires par an.
Une annonce saluée, mais jugée incomplète par les professionnels de santé
Si le montant global est salué par de nombreuses organisations, plusieurs voix s’élèvent pour pointer les limites de la réforme. Le Royal College of Physicians évoque « un investissement bienvenu à un moment où les services sont sous pression », tandis que le Royal College of Radiologists insiste sur le besoin de « solutions de recrutement durables, pas uniquement temporaires ».
De son côté, le Royal College of Surgeons appelle à la mise en place d’un plan décennal pour moderniser les blocs opératoires : « Les fonds en capitaux resteront inchangés. Un plan à long terme est indispensable. »
Sur le front salarial, le British Medical Association (BMA) reste critique. Elle juge les récentes hausses de 4 à 5,4 % insuffisantes et a lancé un vote indicatif en vue d’une grève des médecins résidents dès juillet. Les consultants seniors envisagent eux aussi de se mobiliser, réclamant une augmentation de 35 %. Selon la BMA, « les médecins réagissent avec colère […] les récentes propositions sont très en dessous de l’inflation et retardent la restauration salariale nécessaire ».
Enfin, certaines figures médicales appellent à la retenue. Six experts ont mis en garde contre une escalade du conflit social, estimant que « reprendre le conflit serait futile et nuisible aux patients ».
Un financement adossé à une réforme fiscale
L’ensemble de ces mesures seront financées par des hausses fiscales déjà en vigueur depuis avril dernier, précise Rachel Reeves. Cette politique budgétaire vise à redonner une marge de manœuvre à l’État britannique tout en répondant à l’urgence sanitaire et sociale que traverse le pays.