Urgences: le (pré-)triage serait illégal

A la mi-octobre a été inauguré à Bruges un dispositif de tri physique des patients en quête de soins non planifiés. Les MG d’Anvers-Est ont dans leurs cartons un projet du même tonneau. L’union professionnelle des urgentistes, le BeCEP, ne l’entend pas de cette oreille.

Depuis le 21 octobre, à l’AZ Sint-Jan de Bruges, un poste de garde MG et un service d’urgences (SU) partagent non seulement un toit, mais aussi une entrée commune. Le tri des arrivants qui s’y présentent sans contact téléphonique préalable est assuré par un infirmier hospitalier, spécialisé en soins intensifs et d’urgence, et spécifiquement formé à cette fin. L’aiguillage de ces patients «auto-référés» relève du tri physique, par opposition au tri téléphonique. Comme intervient encore aux urgences et éventuellement chez les généralistes une autre régulation, en fonction du degré d’urgence, on peut même qualifier ce dispatching entre SU et PMG de «pré-tri».

Début septembre, une autre structure MG flamande avait elle aussi fait ses valises pour se rapprocher d’un hôpital: le poste de garde d’Anvers-Est (ex-poste du cercle de Deurne-Borgerhout) s’est installé auprès des urgences de l’AZ Monica. Ici aussi, un (pré)-tri devrait démarrer sous peu. Tout arrivant aux urgences sera «capté» par un infirmier trieur et orienté vers la médecine générale ou les urgentistes selon la nature du problème.

Les protocoles testés à Anvers (le Manchester Triage System) ne seront pas les mêmes que ceux employés à Bruges (les protocoles 1733), mais les projets sont tous les deux monitorés par l’université d’Anvers. Celle-ci inférera des résultats combinés des conclusions sur les avantages, désavantages, risques et coûts.  

Dévier une partie du flux des patients frappant à la porte des urgences pour les envoyer vers un autre niveau de soins est une démarche nouvelle. L’inauguration de chacun des PMG cités supra s’étant opérée avec la participation des autorités fédérales de tutelle (soit par la présence de Maggie De Block herself, soit par celle de son bras droit au cabinet Bert Winnen), on serait tenté de considérer que ces projets bénéficient d’un fiat officiel et que «tout roule» pour le (pré)-tri.

Or, manifestement, il n’y a pas de consensus sur le principe. Le BeCEP, le Belgian College of Emergency Physicians, s’est manifesté auprès de la rédaction de Medi-Sfeer [le pendant flamand de Medi-Sphere, ndlr]  pour contester plusieurs aspects: «Il n’y a (heureusement) pas de cadre juridique qui permette à un non-médecin de refuser à des patients en quête de soins l’accès à un service d’urgences – pas même à un infirmier spécialisé. En revanche, il existe bel et bien des dispositions de droit pénal visant ceux qui empêchent d’accéder à un médecin. Tout comme il existe des dispositions qui punissent l’exercice illégal de la médecine. La décision de postposer des soins est un acte médical. La loi sur les droits des patients garantit à ces derniers le libre choix de leur thérapeute, à tout moment.»

Les protestataires pointent l’arrêté du 21/4/2007: «Les infirmiers spécialisés en soins intensifs et d’urgence sont formés et autorisés à utiliser les systèmes de triage existants dans le contexte pour lequel ils sont conçus et validés, à savoir au sein du service (et non à l'extérieur!) afin de déterminer dans quel ordre et dans quel délai le médecin va voir le patient, en cas de demande excédentaire. Ils ne sont pas formés pour définir par qui le patient doit être reçu.» Du reste, ce personnel infirmier spécialisé est très apprécié pour accueillir et prendre en charge les patients aux urgences, «pas pour les mettre dehors», ajoute encore le BeCEP. «L’exploitation de ces systèmes de tri à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été conçus n’est, par conséquent, en aucune façon justifiée.» 

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