Les MC jettent un pavé dans la mare aux honoraires… qui leur revient comme un boomerang

Luc Van Gorp, le big boss des MC, estime que la différence de revenus entre les médecins hospitaliers et les infirmiers est trop importante… et que les spécialistes qui gagnent beaucoup devraient donc se serrer la ceinture pour réduire ce fossé excessif. Marc Moens (ABSyM) y voit une déclaration de guerre, Maggie De Block s’efforce de nuancer.

«Pour moi, cet écart colossal dépasse les limites du raisonnable», a déclaré l’homme fort des mutualités chrétiennes, laissant démagogiquement filtrer le chiffre de 600.000 euros bruts – un montant qui s’est propagé comme une trainée de poudre jusqu’aux pages du magazine d’actualité flamand Knack. «Si personne n’a le courage d’aborder la question, nous avons un très gros problème

Un point de vue qui lui a valu en première instance une réaction acerbe de la part du Dr Guido Dua, éminent neurochirurgien rattaché au réseau ZNA Antwerpen. «Déraisonnable? Pas du tout. Les médecins spécialistes suivent une formation exigeante, ils ont le droit d’être bien payés», a-t-il estimé, tout en concédant que la différence de revenus entre spécialistes est parfois exagérée. Interpelé au sujet de déclarations remontant il y a quelques années, où il avait notamment évoqué son revenu de 250.000 euros bruts, le Dr Dua a déclaré qu’il jugeait ce montant suffisant mais n’entendait pas se satisfaire d’une somme sensiblement moindre, évoquant à l’appui de ses exigences financières sa longue formation. «On ne peut rien construire quand on est assistant. À 25 ans, j’avais 25.000 euros de dettes. Sans compter qu’il faut investir dans l’appareillage, les études, les voyages…»

Dr Dua: «À 25 ans, j’avais 25.000 euros de dettes.»

Le Dr Dua a également pris fait et cause pour les oncologues et pédiatres, qui gagnent beaucoup trop peu faute de prestations techniques suffisantes. «La ministre De Block travaille à faire évoluer les choses», a-t-il toutefois précisé.

En ce qui concerne la différence avec les revenus des infirmiers (40.000 euros bruts par an), le médecin anversois renvoie la balle à Luc Van Gorp: «Je serais curieux de savoir quelle est la différence entre ses revenus et ceux de son ou sa secrétaire.» Ce qui ne change évidemment rien au fait que les infirmiers peuvent exiger des médecins qu’ils fassent leur travail, a-t-il encore précisé. «Une équipe a toutefois besoin d’un capitaine. En première instance, nous devons résoudre le problème des différences entre spécialistes… mais en nous gardant de tomber dans le même écueil que les Pays-Bas, où il est devenu pratiquement impossible de joindre un médecin après 17h.» La riposte de Luc Van Gorp en ce qui concerne son salaire: «Je me soumettrai volontiers à une comparaison avec d’autres secteurs, sachant que la différence entre les salaires les plus faibles et les plus élevés se situe chez nous dans un rapport d’environ 1/3,5

Lieven Annemans, spécialiste en économie de la santé, a tenu à recadrer le montant de 600.000 euros qui est évidemment resté dans la majorité des esprits comme ‘le’ revenu annuel d’un spécialiste. «En moyenne, à moins de travailler dans une clinique privée, le médecin cède déjà 40% de ce montant à l’hôpital», a rappelé l’expert. Il n’a toutefois pas voulu s’engager dans la comparaison avec les grands avocats, qui se retrouvent assez facilement dans cette classe de revenus alors que leurs études sont beaucoup moins longues. «En Europe, un médecin gagne en moyenne environ 200.000 euros par an. Ces professionnels peuvent – et je dirais même doivent – bien gagner leur vie. Par contre, les importantes différences générées par les prestations techniques doivent être aplanies. La collaboration aussi devrait être mieux rétribuée dans le futur, comme le prévoit l’accord de gouvernement – et cela pourrait bénéficier aux infirmiers.»

Lieven Annemans, spécialiste en économie de la santé: «Un médecin peut et doit bien gagner sa vie. Par contre, les importantes différences générées par les prestations techniques doivent être aplanies.»

Marc Moens (ABSyM) aussi a réagi avec verve à la ‘provocation’ de Luc Van Gorp. «Si vous voulez évoluer vers une médecine d’État organisée non pas par les autorités mais par les mutuelles: bravo, vous êtes sur la bonne voie! Pour moi, un tel discours est une déclaration de guerre pure et simple

Marc Moens (ABSyM): «Une médecine d’État organisée par les mutuelles? C’est une déclaration de guerre.»

Maggie De Block s’est vue forcée d’intervenir pour apaiser quelque peu les esprits. «D’importantes différences se sont développées entre spécialités médicales pour des raisons ‘historiques’, mais nous nous efforçons aujourd’hui de les aplanir par un rééquilibrage de la nomenclature et une transparence accrue. Les montants astronomiques qui ont été mentionnés (p.ex. 600.000 euros) ne correspondent toutefois pas à la réalité. Lorsqu’on parle de revenus de plusieurs centaines de milliers d’euros, il faut compter que ce sont des chiffres bruts qui ne tiennent pas compte des retenues, impôts, frais ou investissements. Les mesures nécessaires ont déjà été prises pour certaines professions de santé qui gagnaient vraiment trop peu, comme les généralistes, les sages-femmes, etc.», a souligné la ministre, tout en estimant tout de même que c’est à raison que Luc Van Gorp dénonce certaines dérives.

Maggie De Block: «Les montants astronomiques qui ont été mentionnés ne correspondent pas à la réalité.»

Analyse

Toute cette rhétorique doit évidemment être considérée dans le contexte des négociations budgétaires (qui devraient se cristalliser dans leur forme définitive la semaine prochaine) et de la réforme du financement hospitalier prévue par Maggie De Block, auxquelles s’ajoute l’analyse de la nomenclature actuellement en cours. Autant dire que la tension est palpable chez un certain nombre de leaders d’opinion…

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