Les antibiotiques exclus de l’empowerment du patient

«À mon sens, l’augmentation du ticket modérateur sur les antibiotiques est une décision dramatique», a déclaré la députée Anne Dedry (Groen) lors du récent salon professionnel organisé par l’association flamande de médecine générale Domus Medica. «Nous devons agir sur la prescription de ces produits, pas sur leur prix, car cette mesure supposée améliorer la santé publique ne fait en réalité que creuser les inégalités de santé.»

Le débat orchestré par Domus Medica (soit le pendant flamand de la SSMG, avec en plus, une aile syndicale et une aile «cercles») s’est déroulé ce samedi 15 octobre, au moment même où les premières informations commençaient à filtrer à propos des restrictions imposées au budget 2017. Le Dr Dirk Devroey (Open VLD), conseiller attaché au cabinet de la ministre De Block, a évidemment immédiatement été invité à donner quelques explications. «Globalement, le patient n’en souffrira pas, parce que les médecins devront prescrire à l’avenir un pourcentage encore plus élevé de médicaments bon marché [fixé à 60% au lieu de 50% d’après le communiqué diffusé le même jour par le cabinet, ndlr]. Il devra donc peut-être débourser 2 euros supplémentaires pour son antibiotique une fois par an, mais son antihypertenseur lui coûtera 4 euros de moins tous les mois. Au final, il en ressort donc gagnant.»

Cette application de la loi des vases communicants est évidemment un peu tirée par les cheveux. Il est un fait qu’une dépense de santé en vaut une autre… mais lorsque leur bambin souffre d’une otite moyenne accompagnée de symptômes plus généraux (cf. les recommandations formulées à ce sujet en 2014 par la société de médecine générale néerlandaise), les jeunes parents se fichent bien que pépé paie moins cher son IEC si ce sont eux qui doivent débourser davantage pour l’antibiotique de leur petiot!

Nous nous efforçons de sensibiliser le public à un usage rationnel des antibiotiques depuis des années, a déclaré Maggie De Block dans son communiqué relatif au budget. Oui, mais pas assez. Combien de patients n’ont (toujours) pas conscience que la majorité des infections des voies respiratoires supérieures sont d’origine virale et donc insensibles aux antibiotiques? Qu’une toux persistante ne signifie généralement pas «que le germe n’a pas disparu et qu’il est temps de l’éliminer une fois pour toutes à grands coups d’antibiotiques»? Que le confrère qui finit de guerre lasse par sortir son carnet de prescription n’est pas forcément un meilleur médecin que le généraliste qui leur répète patiemment pour la troisième fois qu’un antibiotique ne servirait à rien?

Cet empowerment du patient qui est aujourd’hui sur toutes les lèvres (comprenez, son autonomisation mais aussi sa responsabilisation) suppose en première instance qu’il comprenne suffisamment bien sa maladie et ses implications pour avoir conscience que les décisions thérapeutiques (communes) qui ont été prises sont bien les plus judicieuses. Si ce n’est pas le cas du premier coup, le message doit être répété, car nos compatriotes doivent assimiler au quotidien encore bien d’autres informations que les bases de l’infectiologie. Sanctionner financièrement le mauvais usage des antibiotiques plutôt que de faire appel à l’intellect ne permet par contre pas de prendre le mal à la racine… et il y a gros à parier que les mauvaises habitudes ressurgiront dès le printemps suivant comme d’opiniâtres pissenlits. Du reste, si nous portons déjà un regard si défaitiste sur le potentiel de l’empowerment des patients, qu’en sera-t-il des maladies chroniques?

«La mesure vise surtout à placer les médecins face à leurs responsabilités», rectifie le Dr Devroey. «Je suis convaincu que, dans plus de la moitié des cas, les médecins continuent à prescrire des antibiotiques parce que les patients les réclament.»

Maaike Van Overloop, la présidente de Domus Medica, n’a toutefois aucune confiance en l’efficacité de cette approche: «Lorsqu’un médecin prescrit un antibiotique, ce n’est pas lui mais le pharmacien qui devra aborder avec le patient la question du prix et du ticket modérateur. Cette augmentation de la quote-part personnelle n’a donc aucun effet dissuasif pour le médecin.»

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