«La menace de la permanence 24h/24 7j/7 n’est pas écartée»

Pour Johan Sterkendries, MG de Waremme impliqué de longue date dans la vie associative médicale, le plan d’accords transmis aux cercles en début d’été contient toujours la bombe des 24h/24 7j/7, dont on croyait la mèche éteinte. Bombe à retardement, certes, parce que rangée parmi les initiatives futures. Mais difficile à désamorcer maintenant que son principe est couché noir sur blanc dans un écrit contresigné par la profession. «Sans que ‘la base’ en soit bien consciente.»

L’avertissement du MG waremmien, coordinateur du poste de garde local, nous ramène au feuilleton des dix derniers mois. Pour rappel, il s’est ouvert sur l’affaire des vivres aux PMG soudainement gelés par Maggie De Block et la mobilisation d’un front de protestation jamais vu (sud+nord, syndicats+cercles), suivie de la création de la task force sous pilotage ministériel. Celle-ci a été le cadre de longues négociations que les autorités priaient les représentants des MG de ne pas ébruiter, pimentées fin mars par la sortie d’un rapport du KCE sur les soins non programmables, qui s’est fait étriller par nombre d’observateurs: ses conclusions semblaient curieusement et opportunément proches des vues d’un cabinet hospitalo-centriste.

Une petite phrase alarmante

Les négociations de la task force portaient entre autres sur l’articulation entre (postes de) garde MG et services d’urgence des hôpitaux, le financement des premiers allant être conditionné à la signature avec les seconds d’une convention type de coopération. Un modèle, dit «plan d’accords», issu des pourparlers et précisant de grands principes à respecter par les partenaires, a été distribué en juin aux cercles francophones.

Pour l’avoir décortiqué, le Dr Sterkendries s’alarme d’y trouver mention d’une permanence 24h/24 7j/7, sans que cela provoque parmi la profession (en congé peut-être…) de levée de boucliers. «La majorité pense que le danger est écarté. On a peut-être échappé à la vision de départ du cabinet, de faire obligatoirement déménager les postes vers un hôpital, mais l’évolution finale souhaitée est bien là, noir sur blanc.» Et de fait, la phrase en question, lisible au point 4.4 («Qui fournira les soins?»), fait référence au «but poursuivi à long terme»: (texto) «mettre en place un système de soins non programmables, et ce, tant pour les soins spécialisés que pour les soins non spécialisés, 24/7 et 365 jours par an».

Scripta manent etc. etc.

«Ce n’est pas innocent», se méfie Johan Sterkendries. «Même si les autorités ont fait une courbe rentrante, ce projet est écrit. Et quand c’est écrit, cela reste. Quand bien même rien ne se passerait sous cette législature, un autre ministre viendra, d’autres négociateurs, et on reprendra les choses là où elles en étaient, en se basant sur ce qui a été acté dans un document cosigné des autorités et de la profession…»

Johan Sterkendries joue-t-il les Cassandre? Le plan d’accords pourrait encore être retouché, entre autres à la lueur de l’audit en cours… Mais notre interlocuteur ne démord pas de l’idée que Maggie De Block «sait pertinemment qu’il n’y aura plus assez de MG et veut faire en sorte d’organiser leur disponibilité de tous les instants au profit de la population. Nous allons passer d’un service de garde PMG à une permanence PMG et ce, pour 2019-2020. Ils doivent encore se mettre d’accord sur les algorithmes du 1733 (*), ce qui explique le délai de deux-trois ans. Mais, à terme, la population aura et un service d’urgence et une garde généraliste non-stop. De quoi se plaindrait elle?»

Cf. «le loup et le chien»

Pour le MG de Waremme, ce ne sont pas les coordinateurs de poste, non MG, qui se dresseront activement contre cette évolution. «Attention, je ne dis pas qu’ils la souhaitent. Je dis que, s’il faut pour le financement du PMG, un accord avec les urgences locales et qu’on avance vers une permanence, ce ne sont pas eux qui deviendront des moteurs pour écarter la menace qui pèse sur les MG. La fonction de coordination est parfois leur gagne-pain principal. C’est humain de leur part de tenir au financement des postes.»

La dépendance à des subsides étatiques n’enchante manifestement pas le Dr Sterkendries. «Notre rétribution comprend de plus en plus de forfaits. Alors que nous sommes encore en théorie une profession intellectuelle libérale, nous voilà tenus par cette carotte financière, avec une partie grandissante de revenus qui ne dépend plus de nos actes. Plus vous demandez d’argent à l’autorité, plus vous lui êtes inféodé.»

Effet pernicieux

Le généraliste de Waremme met d’ailleurs en garde contre la transformation de l’activité MG qu’engendrera le glissement de la garde vers la permanence. «Avec la garde de soirée au poste, nous avons déjà modifié les habitudes de ‘consommation’ de soins. Chez nous, à Waremme, il y a toujours du monde. En semaine, on est ébahis de voir au PMG des patients qui arrivent jusque 22h, l’un parce que son MG traitant n’a pu le recevoir de suite, l’autre parce qu’il rentre tard du boulot, un troisième alors qu’il avait mal aux dents depuis trois jours…. C’est une dérive insidieuse. On crée de la disponibilité de confort. C’est un peu comme l’ouverture des magasins le dimanche, d’abord matin, puis après-midi, et les fériés aussi… Une extension qui se fait au détriment des travailleurs. C’est d’abord sur base volontaire, ensuite, on glisse vers l’obligation qui ne dit pas son nom. Pour ne pas être le prochain C4, l’employé capitule…» C’est donc, selon Johan Sterkendries, «sur ces MG courageux qui font encore des gardes que tout le poids de la permanence va tomber. Ils vont devoir quitter leur cabinet en semaine et, super, le lendemain d’une garde de semaine…»

Conclusion sarcastique de l’auteur de l’avertissement: «devenons vite homéopathe, acupuncteur, phytothérapeute…»

 

(*) Le plan d’accords cite, dans les développements ultérieurs à prendre en considération, le «déploiement du 1733, en cas d’une évaluation favorable» et «les appels 24/7 au 1733».

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