Economies dans la santé: des patients qui s’alarment et proposent

Dans un communiqué imminent sur lequel Medi-Sphere a pu jeter un œil, la Ligue des usagers des services de santé, la Luss, relaie les inquiétudes grandissantes des patients face aux coupes claires décrétées dans la sphère des soins. Les associations de patients ont recensé des «situations intenables» engendrées par les économies, e.a. parmi les malades chroniques déjà exposés à de lourdes dépenses. Une amorce de dialogue s’est nouée avec le cabinet De Block. Elles s’en félicitent mais restent mobilisées.

La Luss, coupole des associations de patients francophones, avait conduit au printemps dernier une consultation participative parmi ses membres, pour cerner les conséquences des tours de vis budgétaires sur le portefeuille des malades. «Un travail colossal.» Est venu sur le tapis l’effet direct de mesures telles les hausses de prix de médicaments – on a beaucoup parlé de celles des antibiotiques, sprays nasaux et inhibiteurs d’acide gastrique – ou le déremboursement de certaines prestations – de kiné ou de logopédie, par exemple. Mais aussi l’impact plus indirect de décisions comme le remodelage du paysage hospitalier en réseaux, qui risque de plomber les frais de déplacement des patients. Ou encore celui d’une détérioration des conditions de travail de professionnels, qui «entrave [leur] disponibilité à l’écoute», et pourrait à terme pousser certains à se déconventionner, faisant le lit d’une médecine à deux vitesses.

La vaste consultation s’était soldée par l’envoi d’un courrier à Maggie De Block, listant les témoignages et questionnements de quelque 25 groupements aussi divers que des associations de patients diabétiques, cérébrolésés, insuffisants rénaux, sous anticoagulants ou souffrant de troubles de santé mentale. La démarche a débouché sur une audition au cabinet, en juin. Un avertissement liminaire a planté le décor – «la marge budgétaire de la ministre est très étroite» – mais un agenda de rencontres a néanmoins été convenu, qui balise ce dialogue autorités-patients. Une percée encourageante, donc, alors que la concertation n’avait pas brillé jusque-là par son intensité. Mais une hirondelle ne faisant pas le printemps, la Luss et ses composantes communiquent aujourd’hui pour dire qu’elles restent sur le qui-vive.

Déficits d’information

Les associations expriment leur crainte que la solidarité cède devant une privatisation croissante de la santé. Elles affirment que la limitation de l’accessibilité aux soins est un mauvais calcul, générateur de dépenses ultérieures accrues. Elles s’étonnent du faible poids du gouvernement face à l’industrie pharmaceutique quand il s’agit de fixer le prix de médicaments.

Il n’y a pas que vis-à-vis du pharma que les associations espèrent des autorités plus fermes. Les gouvernants devraient l’être aussi, d’après elles, face aux prescripteurs, quand il s’agit par exemple d’endiguer la sur-prescription d’antibiotiques, responsable du récent relèvement des prix.

Les associations déplorent par ailleurs des déficits en information sur des changements règlementaires, par exemple dans les critères de remboursement, tant vers les usagers que les prestataires. Si elles considèrent le site de l’Inami perfectible mais en progression, celui du SPF leur parait «trop rarement mis à jour». Elles citent l’exemple des mesures relatives aux plaies chroniques: forfait et tiers payant pour certains pansements actifs. Malheureusement, ces dispositions demeurent selon elles «totalement inconnues» des soignés et des soignants. Entre professionnels, l’info ne circule pas toujours non plus. Ainsi a-t-il été rapporté lors de la consultation que le médecin généraliste d’un insuffisant rénal n’est «dans une majorité des cas pas tenu au courant de l'évolution du patient et des différents traitements administrés» par les spécialistes.

Pouvoir choisir, encore

Les membres de la Luss réitèrent leur attachement à la liberté de choix des patients. De choix d’un type de prise en charge, par exemple. La filière ambulatoire, à laquelle le système pousse de plus en plus, est synonyme de coûts plus élevés car une série d’actes, traitements et examens sont mieux remboursés quand le patient est hospitalisé. Dès lors, un patient devrait pouvoir continuer de préférer l’hospitalisation classique. Dans le même ordre d’idée, l’auto-monitoring de paramètres, pour utile qu’il soit dans certains cas, ne devrait pas devenir la méthode imposée.

Les mouvements de patients ne font pas, dans leur analyse, que dénoncer et critiquer. Ils formulent des propositions, comme imaginer des mécanismes immunisant les malades chroniques contre les augmentations de prix des médicaments. Ne pas augmenter le plafond du MàF social «afin d’épargner les plus vulnérables». Ou encore repenser les assurances «aujourd’hui centrées sur les soins hospitaliers, afin qu’elles couvrent également les soins ambulatoires et à domicile».

Nous reviendrons sur ce cri d’alerte des patients dans une prochaine édition de Medi-Sphere.

> Lire également sur ce site les mesures annoncées par Maggie De Block au sortir de la préparation du budget fédéral 2018-19, dont le remboursement des soins psychologiques de première ligne

> Une opinion? Une réaction? Le débat continue sur @JdS_SK ou sur @MediSphereHebdo

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.