Courrier des lecteurs - Chronique d’une mort annoncée de la MG?

Katia Cherton exerce la médecine générale depuis 20 ans. Installée à Namêche, une commune de l’entité d’Andenne, à côté de Namur, elle y officie en cabinet de groupe. Différents signaux, dans l’actualité professionnelle, la font douter du réel soutien de Maggie De Block à une première ligne indépendante, de qualité.

Nous reproduisons ci-dessous le courrier qu’elle adresse à Medi-Sphere. Le Dr Cherton est ex-membre du bureau du cercle local, le cercle médical Meuse et Samson, mais précise qu’elle s’exprime aujourd’hui en son nom personnel.

Une fois de plus, le projet de notre poste de garde est plébiscité à tous les niveaux (1)… Une fois de plus, son ouverture est repoussée à une date ultérieure, alors même qu’il permettrait une économie d’échelle – un poste au lieu de deux – et que la garde menace de s’écrouler dans les secteurs qu’il couvrirait!

Qui d’entre nous n’a pas été irrité par les nombreuses décisions prises ces derniers mois, balayant toute concertation avec une apparente méconnaissance du terrain et de ses besoins?

Et s’il ne s’agissait pas de méconnaissance du terrain mais d’un changement radical de la politique d’organisation des soins de santé?

Pendant que nos représentants s’épuisent d’échéances en échéances, la base s’impatiente et s’effrite... et les locaux indispensables au fonctionnement de nos postes de garde nous passent sous le nez. Pendant que nous lanternons, les jalons d’une nouvelle organisation des soins de santé sont soigneusement posés.

Est-il besoin de rappeler que les postes de garde ont été créés pour assurer la pérennité de la garde de médecine générale et augmenter l'attractivité de ce beau mais dur métier? Le travail, essentiellement bénévole, de nombre d'entre nous ces quinze dernières années laissait entrevoir une vraie sortie de crise. La création des postes, en diminuant la fréquence et la pénibilité des gardes, nous laissait espérer l'installation de jeunes généralistes là où ils étaient le plus attendus, avec le bonus de la double cohorte.

Voilà que cet espoir s'amenuise... Le développement adéquat de nos postes de garde est pour le moins entravé sur décision de notre ministre de la Santé, ce qui nous fragilise à nouveau. Et le projet de les intégrer aux hôpitaux, ouverts 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, me fait craindre un projet politique bien différent de nos références actuelles.

Encore plus quand s'y ajoutent les critères de reconnaissance comme généraliste passés fin décembre 2015 en dépit de toutes les réflexions antérieures (2). Alors qu'on nous affirme qu'il y a trop de médecins en Wallonie, cet arrêté confirme comme généralistes nombre de médecins qui, notoirement, ne pratiquent pas la médecine générale. Voilà qui pourrait soulever quelques questions...

Qu'est-ce qui, dans un futur proche, empêcherait un hôpital de «venir au secours» d'une première ligne «défaillante» – alors même que nous avons une solution économique, efficace et prête à l'emploi – en ouvrant un «poste de médecine générale» 24h sur 24 et 7 j. sur 7? Et quel jeune diplômé ne serait pas tenté par un confort de travail que l'organisation actuelle de la médecine générale ne peut – et pour cause! – lui offrir? Quel hôpital n'envisagerait pas de faire tomber dans son escarcelle la manne de la médecine générale, DMG inclus, en engageant des «médecins généralistes hospitaliers»? Et comment une médecine générale de proximité pourrait survivre face à une telle concurrence?

Les auteurs du très contesté rapport «scientifique» du KCE (3) nous répondent ingénument que l’organisation qu’ils proposent ne nuira en rien à la médecine générale grâce au remboursement préférentiel chez le titulaire du DMG… Si cette mesure est aussi efficace que le ticket modérateur sensé être appliqué en salle d’urgence, nous voilà sauvés!

Et s’il fallait un signal encore, citons le plan d’accords reçu récemment, à conclure entre les PMG et les services d’urgence des hôpitaux: «Ce modèle de plan d’accords peut être utilisé pour toute autre forme d’organisation de la garde de médecine générale» – entendu: «que le PMG d’un cercle de médecine générale».

Sans même évoquer les projets pilotes d’hospitalisation à domicile...

Pouvons-nous encore croire que notre ministre de la Santé soutienne une première ligne indépendante de qualité? L’objectif de la ministre n’est pas de soutenir une organisation de la garde respectueuse des patients et des praticiens. L’objectif de la ministre est, jusqu’à preuve du contraire, le passage de la médecine de première ligne sous la houlette hospitalière.

Dr Katia Cherton, médecin généraliste, Namêche

 

1. Un projet de rapprochement entre le poste de garde du CMMS, le cercle médical Meuse et Samson, et celui du RGN, à Namur, en une structure unique a été introduit à l’Inami (lire e.a. sur le site de Medi-Sphere «Namur: la garde de semaine lourdement hypothéquée»).
2. Lire Medi-Sphere n°504 - «Conditions d’agrément: nettoyage par le vide?»
3. Lire Medi-Sphere n°511 - Un rapport sur les soins d’urgence en Belgique, élargi à ceux dispensés par la médecine générale, suggérant le regroupement sous un même toit hospitalier, avec tri physique commun, des urgences et d’une permanence MG
 
 

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