Bon marché: «des chiffres faussés!», regrette Luc Herry (ABSyM)

Le Dr Herry, président de la Chambre syndicale Liège-Luxembourg, a plus d’une critique à émettre vis-à-vis du récent feedback inamien sur la prescription bon marché. Le seuil même des 60% lui paraît peu réaliste, sauf à affiner la méthode. Exclure des comptes les molécules sans alternative bon marché serait un premier pas. L’ABSyM ne devrait pas tarder à exprimer ses réserves aux autorités.

Le mois dernier, l’Inami expédiait à quelque 12.700 MG leur profil en matière de bon marché. Portant sur début 2016, le feedback situait déjà le score de chaque MG par rapport au nouveau seuil, d’application depuis janvier 2017 - soit 60% au lieu de 50%. Comment les MG s’en sortent-ils, à l’aune de ce quota durci? Un bon quart (27%) ne sont pas à 50%, un peu plus de la moitié (54,3%) se situent entre 50 et 60% et 18,6% ont dépassé les 60%, nous avait détaillé l’institut (Medi-Sphere n°543).

Le feedback a suscité émoi et réactions, dont celle de l’Association des MG d’Anderlecht (AMGA), qui ont apostrophé Maggie De Block et Ri De Ridder, le patron du service soins de santé de l’Inami. Ils se sentent injustement critiqués quand bien même ils jouent le jeu. Les généralistes n’ont pas toutes les cartes en main, développe l’AMGA: ils ne sont responsables ni d’être priés par les patients de renouveler des traitements plus onéreux initiés par des spécialistes, ni de l’inexistence d’option bon marché pour certains médicaments.

Luc Herry, le MG qui préside la Chambre syndicale Liège-Luxembourg, abonde sur ce point. «Il y a des molécules pour lesquelles vous n’avez aucune possibilité de prescrire bon marché. L’acide acétylsalicylique, par exemple, qui peut représenter un gros volume de prescription. Tout en n’étant pas coûteux en soi, il n’est pas étiqueté bon marché.» Bref, sur ce type de molécule, un MG obtient par défaut un score de 0%, qui impacte sa note finale.

Et ce n’est pas là l’unique illustration d’absence d’alternative moins chère parmi le top 10 ou 20 des molécules les plus abondamment prescrites par les MG, poursuit le syndicaliste. «C’est le cas aussi pour la levothyroxine, par exemple. J’ai fait le compte à partir de mon propre feedback. Même si je me mettais à prescrire 100% de bon marché partout où c’est possible, il me serait difficile d’arriver aux 60% - sauf à modifier ma prescription, s’entend. Mais alors, peut-être au détriment du choix thérapeutique du patient…»

Luc Herry pointe un autre problème: «L’Inami n’a pas pris en compte les médicaments sous le seuil de référence. Dans le bon marché, il y a les génériques mais aussi les originaux qui ont baissé leur prix au point qu’il soit voisin de celui des génériques. Logiquement, ces produits devraient être comptabilisés pour établir nos pourcentages. Or, ce n’est pas le cas. C’est une grossière erreur, qui fausse les statistiques», commente le Liégeois, qui cite, repéré dans son propre profil, l’exemple du Zocor®.

Un courrier en préparation

Le président de l’ABSyM Liège-Luxembourg a attiré l’attention de son état-major sur la question. Au moment d’écrire ces lignes, elle devrait être débattue ce soir en CA et donner lieu à un courrier exprimant les objections du syndicat. «On va interpeller l’Inami, lui signaler que 60%, c’est irréaliste, techniquement. Et j’aimerais qu’ils réexaminent leurs statistiques.»

Ce quota n’avait-il pas été négocié en médico-mut? «Si, mais sans qu’on fasse réellement de projections à l’époque. Nous avions accepté le principe d’un relèvement mais nous n’avions pas encore beaucoup de chiffres à disposition. Disons qu’on les a suivis, à la confiance.» Toujours est-il que, pour Luc Herry, il apparait aujourd’hui que la barre est déraisonnablement haut «sauf s’ils en venaient à ‘sortir’ des calculs tout ce qui ne possède pas d’alternative bon marché, les molécules nouvellement commercialisées par exemple ou alors tellement peu onéreuses qu’il est difficile de croire que l’industrie les ‘génériquera’ un jour.»

DCI, substitution et incitants

A lire ce qui précède, il y avait fort peu de chances que le Dr Herry soit au diapason avec l’analyse récemment médiatisée par les mutualités libres (MLOZ), qui préconisent de stimuler davantage le bon marché. Car d’après leurs projections, une systématisation pourrait générer 150 millions d’économies pour la sécurité sociale et 55 millions pour les patients. L’OA propose quelques pistes, comme imposer un pourcentage minimum obligatoire de DCI, élargir le droit de substitution par le pharmacien à d’autres classes que les antibiotiques et les antimycotiques ou encore inciter les médecins à débuter un traitement chronique par du bon marché.

Alors qu’on pousse à la prescription électronique, la DCI pose question, objecte Luc Herry. «Nos logiciels peuvent faire de la DCI, mais c’est la lecture chez le pharmacien qui est difficile, comme pour les magistrales d’ailleurs. On remédiera un jour à ces obstacles techniques, assurément. Mais, dans l’immédiat, ce n’est pas pratique.» Et quid de l’élargissement de la substitution? «A l’ABSyM, nous sommes relativement contre, pour des questions de sécurité et de bon usage des médicaments. Prenez les patients chroniques, les patients âgés. Ils sont habitués à telle boîte de génériques et nous essayons de ne pas les perturber. S’ils reçoivent chaque fois des boîtes différentes, comment vont-ils gérer? Au fait, à ce propos, il y aurait une amélioration à apporter dans les logiciels: quand les médicaments sont encodés en ‘traitement chronique’, on perd de vue la dimension du bon marché, alors qu’il y a des évolutions fréquentes dans les listes. Il faut accomplir une manœuvre supplémentaire pour aller vérifier leur statut dans la DB du compendium. Il faudrait une liaison entre notre répertoire ‘traitement chronique’ et les actualisations de prix.»

Enfin, toute perspective d’«inciter» les médecins – 3ème piste avancée par les MLOZ – fait doucement rigoler notre interlocuteur. «Cela fait 10-15 ans qu’on nous parle d’incitants, depuis l’avènement des premiers génériques. Le principe avait même été inscrit dans un accord. Moi, je n’ai jamais rien vu venir…»

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